L’atelier du scénario
Le Conseil régional d’Île-de-France a lancé en 2012 un dispositif original de soutien à la création cinématographique et audiovisuelle. Sans être à proprement parler accueillis en résidence, les scénaristes bénéficiant de cette aide à l’écriture s’engagent dans une relation durable avec une structure implantée dans la région. Responsable du service Cinéma et audiovisuel et chargée de mission pour ce dispositif, Sébastien Colin et Marine Coatalem expliquent comment.
Quelle est la particularité de ce dispositif ?
Sébastien Colin : Il soutient à la fois un projet d'écriture de film présenté par un scénariste et un projet d'ateliers-rencontres porté par ce même scénariste et une structure en mesure d’accueillir du public, l’un et l’autre défendant ensemble leur candidature. Nous avons imaginé cette articulation pour donner un ancrage territoriale à ce dispositif extrêmement ouvert (auteurs confirmés comme débutants, fiction comme documentaire ou animation, cinéma comme télévision ou web productions…). Ce n’est pas le film tiré du scénario qui crée le lien avec le territoire, mais ce sont les ateliers-rencontres, la structure partenaire étant obligatoirement implantée en Île-de-France.
Marine Coatalem : On retrouve beaucoup d’établissements scolaires et d’associations culturelles parmi ces structures. Même s’il n’y a pas de modèle imposé, on observe que ces ateliers-rencontres se déroulent souvent sur une période de six mois [la durée minimale est de trois mois, ndlr], à raison d’une rencontre par semaine en moyenne. Cela implique un engagement conséquent qui permet de créer un lien fort entre les personnes et de parvenir très souvent à la réalisation d’un film d’atelier. L'idée est de partager le travail de création et l'univers d'un cinéaste, et de faire participer le public.
Ces deux dimensions, écriture et action culturelle, doivent-elles être obligatoirement liées ?
S.C. : Les ateliers sont absolument obligatoires mais n’ont pas nécessairement de liens avec le sujet du film en écriture. On se rend compte qu'il y a deux grandes catégories de scénaristes, ceux qui ont une appétence pour l’échange avec le public et ceux qui ont davantage l’habitude de se consacrer à 100 % à l’écriture sans perdre d’énergie dans d’autres activités. Pour ceux-là, ce dispositif peut paraître très contraignant. Il existe toutefois de nombreux autres dispositifs, en Île-de-France et ailleurs, qui fonctionnent sous la forme d’aides à l’écriture sans demande de contrepartie de cette nature.
M.C. : Les documentaristes sont ceux qui articulent souvent le mieux ces deux dimensions et qui trouvent là un cadre particulièrement en phase avec leur manière de travailler. Je pense par exemple à Valérie Manns qui a été soutenue en 2015. Son projet d’écriture porte sur le milieu carcéral et cela a bien évidemment donné lieu à des ateliers-rencontres en prison. Son but n'est pas uniquement de recueillir de la matière auprès des détenus mais de mettre en place un véritable échange avec eux pour la réalisation commune d’un film sonore qui pourra être présenté au public.. Son intention n’est pas d’utiliser ses enregistrements dans son propre film, mais je ne doute pas que ce travail lui apporte beaucoup.
Ce dispositif n’est-il pas trop exigeant pour des auteurs dont le seul but est d’écrire un scénario ?
S.C. : Les auteurs ne sont pas seuls pour les organiser. Il est même primordial pour la réussite et la qualité de ce type de projet qu’ils puissent s’appuyer sur l’expertise des structures avec lesquelles ils collaborent. Celles qui s’engagent dans cette démarche, et qui d’ailleurs perçoivent une aide complémentaire à celle attribuée aux scénaristes, ont généralement l'habitude d’accompagner des artistes et de faire de la médiation culturelle. Ceci dit, il est vrai que les scénaristes ont moins cette culture de l’atelier ou de la rencontre que les écrivains par exemple. Dans le secteur de l’audiovisuel, notre dispositif est assez rare.
M.C. : Ce dispositif peut faire peur aux scénaristes débutants qui manquent d’expérience, que ce soit sur le plan de l’écriture ou sur celui des échanges avec le public. Mais nous n'attendons pas que ces rencontres soient des lieux de formation ou que les candidats aient des capacités pédagogiques exceptionnelles. L'esprit du dispositif n'est pas celui-là. Il s’agit plutôt d’une invitation au partage et à la transmission. Nous avons eu beaucoup de retours positifs de scénaristes dont c’était la première expérience avec le public et qui ont pu s’appuyer sur les ateliers pour travailler leur scénario.
S.C. : L'auteur est entièrement libre de mener l'atelier qui lui convient. L’idée est qu’il se sente à l'aise pour, à la fois apporter quelque chose au public, s'enrichir sur le plan personnel et nourrir son travail d'écriture.
Vous disiez en début d’entretien qu’il était important que ce dispositif soit ancré dans le territoire. Pour quelles raisons ?
S.C. : Une collectivité peut tout à fait soutenir la création sans établir de lien avec son territoire. C’est d’ailleurs le cas de plusieurs autres dispositifs d’aide à la création portés par le Conseil régional d’Île-de-France. Mais il est vrai qu’il est toujours plus facile de justifier politiquement le soutien à des projets artistiques visibles, d'une manière ou d'une autre, par la population. En échange d’aides à la production, il est courant que les collectivités demandent que les tournages se déroulent sur leur territoire. Les ateliers-rencontres sont un moyen de rendre perceptibles les aides à la création et d’y associer les franciliens.
Peut-on parler d’une recherche d’un retour sur investissement ?
S.C. : Pour de très grosses aides à la production, on peut effectivement parler de retour sur investissement en demandant à ceux qui en bénéficient de dépenser une part donnée des subventions sur le territoire. Mais avec ce type de dispositif, il s’agit plutôt d’une logique de partage, d’échange qui ne peut pas être chiffrée.
Au-delà du scénario que l’auteur écrira avec l’aide de cette bourse, quelles sont les attentes du Conseil régional d’Île-de-France à l’égard de ce dispositif ?
M.C. : Le dispositif est jeune et nous commençons tout juste à voir en salle les projets que nous avons soutenus en 20121. Afin de faire le bilan des premières années (au cours desquelles nous avons aidé plus de 70 auteurs), nous envisageons d’organiser en 2016 une journée pour réunir les différents participants à ce dispositif. Ce sera l’occasion de partager des expériences mais aussi de mettre en réseau tous ces acteurs qui, en Île-de-France, ont l’habitude de s’engager dans ce type de démarche ou qui désirent le faire.
Sébastien Colin : Il soutient à la fois un projet d'écriture de film présenté par un scénariste et un projet d'ateliers-rencontres porté par ce même scénariste et une structure en mesure d’accueillir du public, l’un et l’autre défendant ensemble leur candidature. Nous avons imaginé cette articulation pour donner un ancrage territoriale à ce dispositif extrêmement ouvert (auteurs confirmés comme débutants, fiction comme documentaire ou animation, cinéma comme télévision ou web productions…). Ce n’est pas le film tiré du scénario qui crée le lien avec le territoire, mais ce sont les ateliers-rencontres, la structure partenaire étant obligatoirement implantée en Île-de-France.
Marine Coatalem : On retrouve beaucoup d’établissements scolaires et d’associations culturelles parmi ces structures. Même s’il n’y a pas de modèle imposé, on observe que ces ateliers-rencontres se déroulent souvent sur une période de six mois [la durée minimale est de trois mois, ndlr], à raison d’une rencontre par semaine en moyenne. Cela implique un engagement conséquent qui permet de créer un lien fort entre les personnes et de parvenir très souvent à la réalisation d’un film d’atelier. L'idée est de partager le travail de création et l'univers d'un cinéaste, et de faire participer le public.
Ces deux dimensions, écriture et action culturelle, doivent-elles être obligatoirement liées ?
S.C. : Les ateliers sont absolument obligatoires mais n’ont pas nécessairement de liens avec le sujet du film en écriture. On se rend compte qu'il y a deux grandes catégories de scénaristes, ceux qui ont une appétence pour l’échange avec le public et ceux qui ont davantage l’habitude de se consacrer à 100 % à l’écriture sans perdre d’énergie dans d’autres activités. Pour ceux-là, ce dispositif peut paraître très contraignant. Il existe toutefois de nombreux autres dispositifs, en Île-de-France et ailleurs, qui fonctionnent sous la forme d’aides à l’écriture sans demande de contrepartie de cette nature.
M.C. : Les documentaristes sont ceux qui articulent souvent le mieux ces deux dimensions et qui trouvent là un cadre particulièrement en phase avec leur manière de travailler. Je pense par exemple à Valérie Manns qui a été soutenue en 2015. Son projet d’écriture porte sur le milieu carcéral et cela a bien évidemment donné lieu à des ateliers-rencontres en prison. Son but n'est pas uniquement de recueillir de la matière auprès des détenus mais de mettre en place un véritable échange avec eux pour la réalisation commune d’un film sonore qui pourra être présenté au public.. Son intention n’est pas d’utiliser ses enregistrements dans son propre film, mais je ne doute pas que ce travail lui apporte beaucoup.
Ce dispositif n’est-il pas trop exigeant pour des auteurs dont le seul but est d’écrire un scénario ?
S.C. : Les auteurs ne sont pas seuls pour les organiser. Il est même primordial pour la réussite et la qualité de ce type de projet qu’ils puissent s’appuyer sur l’expertise des structures avec lesquelles ils collaborent. Celles qui s’engagent dans cette démarche, et qui d’ailleurs perçoivent une aide complémentaire à celle attribuée aux scénaristes, ont généralement l'habitude d’accompagner des artistes et de faire de la médiation culturelle. Ceci dit, il est vrai que les scénaristes ont moins cette culture de l’atelier ou de la rencontre que les écrivains par exemple. Dans le secteur de l’audiovisuel, notre dispositif est assez rare.
M.C. : Ce dispositif peut faire peur aux scénaristes débutants qui manquent d’expérience, que ce soit sur le plan de l’écriture ou sur celui des échanges avec le public. Mais nous n'attendons pas que ces rencontres soient des lieux de formation ou que les candidats aient des capacités pédagogiques exceptionnelles. L'esprit du dispositif n'est pas celui-là. Il s’agit plutôt d’une invitation au partage et à la transmission. Nous avons eu beaucoup de retours positifs de scénaristes dont c’était la première expérience avec le public et qui ont pu s’appuyer sur les ateliers pour travailler leur scénario.
S.C. : L'auteur est entièrement libre de mener l'atelier qui lui convient. L’idée est qu’il se sente à l'aise pour, à la fois apporter quelque chose au public, s'enrichir sur le plan personnel et nourrir son travail d'écriture.
Vous disiez en début d’entretien qu’il était important que ce dispositif soit ancré dans le territoire. Pour quelles raisons ?
S.C. : Une collectivité peut tout à fait soutenir la création sans établir de lien avec son territoire. C’est d’ailleurs le cas de plusieurs autres dispositifs d’aide à la création portés par le Conseil régional d’Île-de-France. Mais il est vrai qu’il est toujours plus facile de justifier politiquement le soutien à des projets artistiques visibles, d'une manière ou d'une autre, par la population. En échange d’aides à la production, il est courant que les collectivités demandent que les tournages se déroulent sur leur territoire. Les ateliers-rencontres sont un moyen de rendre perceptibles les aides à la création et d’y associer les franciliens.
Peut-on parler d’une recherche d’un retour sur investissement ?
S.C. : Pour de très grosses aides à la production, on peut effectivement parler de retour sur investissement en demandant à ceux qui en bénéficient de dépenser une part donnée des subventions sur le territoire. Mais avec ce type de dispositif, il s’agit plutôt d’une logique de partage, d’échange qui ne peut pas être chiffrée.
Au-delà du scénario que l’auteur écrira avec l’aide de cette bourse, quelles sont les attentes du Conseil régional d’Île-de-France à l’égard de ce dispositif ?
M.C. : Le dispositif est jeune et nous commençons tout juste à voir en salle les projets que nous avons soutenus en 20121. Afin de faire le bilan des premières années (au cours desquelles nous avons aidé plus de 70 auteurs), nous envisageons d’organiser en 2016 une journée pour réunir les différents participants à ce dispositif. Ce sera l’occasion de partager des expériences mais aussi de mettre en réseau tous ces acteurs qui, en Île-de-France, ont l’habitude de s’engager dans ce type de démarche ou qui désirent le faire.
1 Merci les jeunes, Jérôme Polidor et New Territories de Fabianny Deschamps, le premier sorti en novembre 2015, le second en décembre 2015.