La bande dessinée dans les marges
En Nouvelle-Aquitaine, quatre éditeurs de bande dessinée défendent une certaine idée de leur métier, quatre identités fortes et engagées qui assument leur liberté et leurs choix.
Akata
Entretien avec Bruno Pham
Créées en 2001 pour assurer la direction d’une collection de mangas aux éditions Delcourt, les éditions Akata prennent leur indépendance en 2013 et deviennent un éditeur alternatif grand public. La ligne éditoriale se définit à travers plusieurs choix : un axe sur la bande dessinée féminine, des sujets sociétaux où sont abordées des problématiques humaines, et la collection WTF ?! où sont publiés des livres moins conventionnels, impubliables ailleurs. "Au Japon, les frontières sont beaucoup plus floues, les lignes ne sont pas tracées comme chez nous. En France, on met dans des cases. À force, cela tue la création et l’éditorial. La collection WTF ?! brouille ces lignes et devient une vraie démarche éditoriale." Le label questionne. Il peut y avoir des œuvres borderline, mais la collection trouve un écho auprès des lecteurs et des libraires. Les livres abordent des problématiques sociétales en utilisant la dérision. "Nous nous moquons des grandes tendances éditoriales et même de nous. Le choix de la dérision est un engagement politique. On peut se permettre de rire et de se moquer parce qu’il y a cet engagement." L’éditeur ne veut rien s’interdire sous prétexte que la société est sensible. Il ne publie pas pour choquer, mais pour faire réfléchir. Son catalogue combat les injustices sociales, "nous avons la responsabilité d’agiter les esprits et de choisir les bons livres pour cela". L’objectif n’est pas de mettre la culture japonaise en avant, mais plutôt des problématiques liées à la façon dont le monde évolue. Le manga s’empare de tous les sujets sans tabous et de façon intelligente. "Les livres que nous publions représentent ce qui résonne avec nos propres interrogations."
Le choix d’Akata de s’installer dans un petit village du Limousin n’est pas anodin. "Être loin de Paris, c’est se permettre un autre regard, se décaler pour envisager les choses d’une autre façon. Notre rapport au temps est étrange, nous vivons tous dans le village, nous ne faisons pas attention au volume horaire de notre travail, notre vie privée et notre vie professionnelle sont entremêlées. En travaillant avec le Japon, nous sommes en perpétuel décalage horaire." Même si Internet permet de limiter les déplacements, l’éditeur part une fois par an au Japon, voyage indispensable pour sentir l’ambiance et percevoir l’évolution du marché japonais. "Et puis, il est essentiel de garder l’aspect humain de notre métier : nous travaillons dans la culture et les choses exprimées sont portées par l’être humain. Nous avons besoin de cet échange positif et culturel entre nos deux pays."
Catalogue : 200 titres
Parutions : 4 à 6 titres par mois
À découvrir
Celle que je suis, Suwaru Koko et Bingo Morihashi, 2019.
La Métamorphose, d’après le roman de F. Kafka, Bargain Sakuraichi, 2019.
Les Contes graveleux de mon papy, Kazuhiro Urata, coll. WTF ?!, 2018.
Créées en 2001 pour assurer la direction d’une collection de mangas aux éditions Delcourt, les éditions Akata prennent leur indépendance en 2013 et deviennent un éditeur alternatif grand public. La ligne éditoriale se définit à travers plusieurs choix : un axe sur la bande dessinée féminine, des sujets sociétaux où sont abordées des problématiques humaines, et la collection WTF ?! où sont publiés des livres moins conventionnels, impubliables ailleurs. "Au Japon, les frontières sont beaucoup plus floues, les lignes ne sont pas tracées comme chez nous. En France, on met dans des cases. À force, cela tue la création et l’éditorial. La collection WTF ?! brouille ces lignes et devient une vraie démarche éditoriale." Le label questionne. Il peut y avoir des œuvres borderline, mais la collection trouve un écho auprès des lecteurs et des libraires. Les livres abordent des problématiques sociétales en utilisant la dérision. "Nous nous moquons des grandes tendances éditoriales et même de nous. Le choix de la dérision est un engagement politique. On peut se permettre de rire et de se moquer parce qu’il y a cet engagement." L’éditeur ne veut rien s’interdire sous prétexte que la société est sensible. Il ne publie pas pour choquer, mais pour faire réfléchir. Son catalogue combat les injustices sociales, "nous avons la responsabilité d’agiter les esprits et de choisir les bons livres pour cela". L’objectif n’est pas de mettre la culture japonaise en avant, mais plutôt des problématiques liées à la façon dont le monde évolue. Le manga s’empare de tous les sujets sans tabous et de façon intelligente. "Les livres que nous publions représentent ce qui résonne avec nos propres interrogations."
Le choix d’Akata de s’installer dans un petit village du Limousin n’est pas anodin. "Être loin de Paris, c’est se permettre un autre regard, se décaler pour envisager les choses d’une autre façon. Notre rapport au temps est étrange, nous vivons tous dans le village, nous ne faisons pas attention au volume horaire de notre travail, notre vie privée et notre vie professionnelle sont entremêlées. En travaillant avec le Japon, nous sommes en perpétuel décalage horaire." Même si Internet permet de limiter les déplacements, l’éditeur part une fois par an au Japon, voyage indispensable pour sentir l’ambiance et percevoir l’évolution du marché japonais. "Et puis, il est essentiel de garder l’aspect humain de notre métier : nous travaillons dans la culture et les choses exprimées sont portées par l’être humain. Nous avons besoin de cet échange positif et culturel entre nos deux pays."
Catalogue : 200 titres
Parutions : 4 à 6 titres par mois
À découvrir
Celle que je suis, Suwaru Koko et Bingo Morihashi, 2019.
La Métamorphose, d’après le roman de F. Kafka, Bargain Sakuraichi, 2019.
Les Contes graveleux de mon papy, Kazuhiro Urata, coll. WTF ?!, 2018.
Cornélius
Entretien avec Jean-Louis Gauthey
Jean-Louis Gauthey fonde les éditions Cornélius en 1991. Il est jeune, inexpérimenté, autodidacte, mais il a à sa disposition du matériel de sérigraphie et réalise des tirages limités de Willem et Crumb. Cependant, insatisfait du rendu de son premier livre, il le retire de la vente : une expérience frustrante autant que formatrice. Il fréquente alors Jean-Christophe Menu (l’Association) qui assume mal d’être son propre éditeur et imagine un "comix" de 24 pages pour lui. David B et Lewis Trondheim intègrent le projet. Mais, très vite, un problème se pose : Cornélius est identifié comme un satellite de l’Association. Après deux ans et demi, les "comix" s’arrêtent, d’autres auteurs arrivent. Cornélius met en place des collections dont les formats s’adaptent à ses besoins. Il favorise les livres à connotation mélancolique, voire dramatique, et même si certains sont ancrés dans le champ autobiographique, il y a toujours une dimension liée à l’imaginaire. En 2000, la ligne éditoriale trouve un équilibre. Elle se fonde sur trois axes : des créations de jeunes auteurs et d’auteurs plus connus ; des traductions en majorité du Japon, des États-Unis et d’Italie ; des ouvrages patrimoniaux mettant en lumière des auteurs oubliés.
Cornélius produit des livres différents de ceux qui existent ailleurs. "Être dans les marges, cela permet de s’ouvrir à des horizons plus larges, d’explorer. Beaucoup de structures œuvrent pour que la BD soit reconnue de façon académique, mais la conséquence est que les livres les plus intéressants sont de plus en plus difficiles à trouver comme à faire connaître." Par ailleurs, la surabondance en bande dessinée a atteint un niveau calé sur la surconsommation : produire plus que ce que le public peut absorber. "Quand les gens ne distinguent plus dans la masse ce qui leur convient, ils se détournent du livre." Vingt ans plus tôt, l’éditeur réfléchit déjà à la façon de faire connaître des auteurs méconnus. Il travaille avec d’autres éditeurs alternatifs à un supplément BD pour le journal Libération. Le projet n’aboutit pas, mais il s’obstine. Avec Felder, il crée la revue Franky et Nicole rebaptisée Nicole lorsqu’il continue seul le projet. Le principe fonctionne.
L’élitisme pour tous, c’est ce que défend Cornélius. "Les gens passent à côté de choses qui peuvent changer leur vie. Il faut faire la différence entre le divertissement et la culture tout en montrant qu’il n’y a pas d’inadéquation entre les deux. Les libraires ont un rôle très important. L’auteur fabrique des manuscrits, l’éditeur fabrique des livres, le libraire fabrique des lecteurs. Être libraire, c’est proposer un livre qui, en lui-même, est un échange : le livre devient alors une clé."
En 2014, Jean-Louis Gauthey fonde avec d’autres éditeurs, le Syndicat des éditeurs alternatifs. Conscients que le marché a changé, ils définissent dans une charte leur positionnement et leurs buts. Cornélius est par ailleurs membre de la Fabrique Pola, lieu de coopération dédié à la création contemporaine, à la production et à la diffusion artistique.
Catalogue : 300 titres
Parutions : 20 titres par an
À découvrir
Les Fleurs rouges, Yoshiharu Tsuge, coll. Pierre, 2019.
Mode O’Day, Robert Crumb, coll. Solange, 2018.
Whisky, Hugues Micol, coll. Blaise, 2018.
Jean-Louis Gauthey fonde les éditions Cornélius en 1991. Il est jeune, inexpérimenté, autodidacte, mais il a à sa disposition du matériel de sérigraphie et réalise des tirages limités de Willem et Crumb. Cependant, insatisfait du rendu de son premier livre, il le retire de la vente : une expérience frustrante autant que formatrice. Il fréquente alors Jean-Christophe Menu (l’Association) qui assume mal d’être son propre éditeur et imagine un "comix" de 24 pages pour lui. David B et Lewis Trondheim intègrent le projet. Mais, très vite, un problème se pose : Cornélius est identifié comme un satellite de l’Association. Après deux ans et demi, les "comix" s’arrêtent, d’autres auteurs arrivent. Cornélius met en place des collections dont les formats s’adaptent à ses besoins. Il favorise les livres à connotation mélancolique, voire dramatique, et même si certains sont ancrés dans le champ autobiographique, il y a toujours une dimension liée à l’imaginaire. En 2000, la ligne éditoriale trouve un équilibre. Elle se fonde sur trois axes : des créations de jeunes auteurs et d’auteurs plus connus ; des traductions en majorité du Japon, des États-Unis et d’Italie ; des ouvrages patrimoniaux mettant en lumière des auteurs oubliés.
Cornélius produit des livres différents de ceux qui existent ailleurs. "Être dans les marges, cela permet de s’ouvrir à des horizons plus larges, d’explorer. Beaucoup de structures œuvrent pour que la BD soit reconnue de façon académique, mais la conséquence est que les livres les plus intéressants sont de plus en plus difficiles à trouver comme à faire connaître." Par ailleurs, la surabondance en bande dessinée a atteint un niveau calé sur la surconsommation : produire plus que ce que le public peut absorber. "Quand les gens ne distinguent plus dans la masse ce qui leur convient, ils se détournent du livre." Vingt ans plus tôt, l’éditeur réfléchit déjà à la façon de faire connaître des auteurs méconnus. Il travaille avec d’autres éditeurs alternatifs à un supplément BD pour le journal Libération. Le projet n’aboutit pas, mais il s’obstine. Avec Felder, il crée la revue Franky et Nicole rebaptisée Nicole lorsqu’il continue seul le projet. Le principe fonctionne.
L’élitisme pour tous, c’est ce que défend Cornélius. "Les gens passent à côté de choses qui peuvent changer leur vie. Il faut faire la différence entre le divertissement et la culture tout en montrant qu’il n’y a pas d’inadéquation entre les deux. Les libraires ont un rôle très important. L’auteur fabrique des manuscrits, l’éditeur fabrique des livres, le libraire fabrique des lecteurs. Être libraire, c’est proposer un livre qui, en lui-même, est un échange : le livre devient alors une clé."
En 2014, Jean-Louis Gauthey fonde avec d’autres éditeurs, le Syndicat des éditeurs alternatifs. Conscients que le marché a changé, ils définissent dans une charte leur positionnement et leurs buts. Cornélius est par ailleurs membre de la Fabrique Pola, lieu de coopération dédié à la création contemporaine, à la production et à la diffusion artistique.
Catalogue : 300 titres
Parutions : 20 titres par an
À découvrir
Les Fleurs rouges, Yoshiharu Tsuge, coll. Pierre, 2019.
Mode O’Day, Robert Crumb, coll. Solange, 2018.
Whisky, Hugues Micol, coll. Blaise, 2018.
Le Lézard Noir
Entretien avec Stéphane Duval
Stéphane Duval crée Le Lézard Noir en 2004. Axé sur l’avant-garde et le japonisme décadent, il s’ouvre au fil des années pour s’adresser à un lectorat plus large. L’éditeur apprend le métier sur le tas, guidé par ses passions. Disquaire, puis directeur de la Maison de l’architecture du Poitou-Charentes, il s’y consacre à plein temps depuis 2018.
Par le nom de sa maison d’édition et à travers le premier auteur qu’il publie, Suehiro Maruo, l’étoile noire du manga, le grand maître de l’ero guro, l’éditeur s’affiche d’emblée dans le mauvais genre. Mais au fil du temps, d’autres envies naissent. Il s’oriente vers le gekiga, des chroniques sociales, et passe le premier palier vers cette ouverture avec Le Vagabond de Tokyo (2009). Le livre donne à la maison d’édition une autre couleur.
En parallèle, il réfléchit à la façon de sensibiliser les adolescents à l’architecture et publie en 2012 Mangapolis, une approche de la ville japonaise contemporaine dans le manga. "La ville est un élément constitutif de la bande dessinée japonaise, elle nourrit l’imaginaire d’un Japon réel." Stéphane Duval choisit des œuvres où la représentation urbaine est forte, où la mégapole s’exprime, où le lecteur vagabonde entre les buildings. "Je suis un hyper urbain. Le Lézard Noir est une projection personnelle de mes obsessions, la rue japonaise en est une. En France, la ville est muséifiée par les architectes des bâtiments de France. Au Japon, c’est le contraire. La ville japonaise est un organisme vivant en perpétuelle mutation."
Un autre palier est franchi en 2015 lorsqu’il publie Chiisakobé, de Minetarô Mochizuki. En 2017, la série est primée au FIBD d’Angoulême, une reconnaissance qui le conforte dans ses choix. "Le Lézard a changé de peau tout en gardant son ADN." Mais il ne sort pas plus de titres pour autant. Sa devise : less is more. Il accorde du temps à chaque livre, veillant à ce que chacun porte un fondement littéraire qui interroge. Il soigne le graphisme des couvertures, un héritage de sa passion pour les pochettes de disques vinyles. "Le design doit préserver et rehausser le travail de l’auteur. C’est une façon de respecter et de défendre les auteurs que je choisis de publier. Incarner un catalogue, c’est aussi savoir présenter les grands noms de demain." Décaler le regard est l’une des fonctions que Stéphane Duval donne à sa maison d’édition. "La normalité est artificielle, le monde n’est pas si simple. Au Japon, les gens se livrent très peu, mais la bande dessinée sert à s’exprimer, à décrypter le monde et les émotions."
Aujourd’hui, le catalogue du Lézard Noir est plus divers, plus complexe, mais chaque livre que Stéphane Duval publie est et reste une histoire avec lui-même.
Catalogue : 80 titres
Parutions : 20 à 30 titres par an
À découvrir
Nagasaki, Agnès Hostache d’après Éric Faye, 2019.
L’Île aux chiens, d’après le film de Wes Anderson, Minetarô Mochizuki, 2019.
La Cantine de minuit, 4 tomes, Yaro Abe, 2017-2018.
Stéphane Duval crée Le Lézard Noir en 2004. Axé sur l’avant-garde et le japonisme décadent, il s’ouvre au fil des années pour s’adresser à un lectorat plus large. L’éditeur apprend le métier sur le tas, guidé par ses passions. Disquaire, puis directeur de la Maison de l’architecture du Poitou-Charentes, il s’y consacre à plein temps depuis 2018.
Par le nom de sa maison d’édition et à travers le premier auteur qu’il publie, Suehiro Maruo, l’étoile noire du manga, le grand maître de l’ero guro, l’éditeur s’affiche d’emblée dans le mauvais genre. Mais au fil du temps, d’autres envies naissent. Il s’oriente vers le gekiga, des chroniques sociales, et passe le premier palier vers cette ouverture avec Le Vagabond de Tokyo (2009). Le livre donne à la maison d’édition une autre couleur.
En parallèle, il réfléchit à la façon de sensibiliser les adolescents à l’architecture et publie en 2012 Mangapolis, une approche de la ville japonaise contemporaine dans le manga. "La ville est un élément constitutif de la bande dessinée japonaise, elle nourrit l’imaginaire d’un Japon réel." Stéphane Duval choisit des œuvres où la représentation urbaine est forte, où la mégapole s’exprime, où le lecteur vagabonde entre les buildings. "Je suis un hyper urbain. Le Lézard Noir est une projection personnelle de mes obsessions, la rue japonaise en est une. En France, la ville est muséifiée par les architectes des bâtiments de France. Au Japon, c’est le contraire. La ville japonaise est un organisme vivant en perpétuelle mutation."
Un autre palier est franchi en 2015 lorsqu’il publie Chiisakobé, de Minetarô Mochizuki. En 2017, la série est primée au FIBD d’Angoulême, une reconnaissance qui le conforte dans ses choix. "Le Lézard a changé de peau tout en gardant son ADN." Mais il ne sort pas plus de titres pour autant. Sa devise : less is more. Il accorde du temps à chaque livre, veillant à ce que chacun porte un fondement littéraire qui interroge. Il soigne le graphisme des couvertures, un héritage de sa passion pour les pochettes de disques vinyles. "Le design doit préserver et rehausser le travail de l’auteur. C’est une façon de respecter et de défendre les auteurs que je choisis de publier. Incarner un catalogue, c’est aussi savoir présenter les grands noms de demain." Décaler le regard est l’une des fonctions que Stéphane Duval donne à sa maison d’édition. "La normalité est artificielle, le monde n’est pas si simple. Au Japon, les gens se livrent très peu, mais la bande dessinée sert à s’exprimer, à décrypter le monde et les émotions."
Aujourd’hui, le catalogue du Lézard Noir est plus divers, plus complexe, mais chaque livre que Stéphane Duval publie est et reste une histoire avec lui-même.
Catalogue : 80 titres
Parutions : 20 à 30 titres par an
À découvrir
Nagasaki, Agnès Hostache d’après Éric Faye, 2019.
L’Île aux chiens, d’après le film de Wes Anderson, Minetarô Mochizuki, 2019.
La Cantine de minuit, 4 tomes, Yaro Abe, 2017-2018.
Les Requins Marteaux
Entretien avec Aurélie Oria-Badoc
Les Requins Marteaux sont nés en 1991, à Albi, à l’initiative des auteurs Guillaume Guerse, Marc Pichelin et Bernard Khatou. Très vite, le trio est rejoint par d’autres auteurs, la revue Ferraille est créée dans l’esprit du fanzine : les auteurs y font leurs armes et expérimentent. Bouzard, Monsieur Pabo, Moolinex font partie de l’aventure. Au début des années 2000, une autre équipe reprend la direction éditoriale : Winshluss, Felder et Cizo. Ferraille devient Le Ferraille illustré ; le magazine s’enrichit de nouveaux auteurs tout en restant un espace de création et un laboratoire. En 2005, la maison d’édition se professionnalise et s’entoure de salariés. La ligne éditoriale s’affine, elle se maintient aux lisières de l’art contemporain et de l’écriture, mais aux côtés de livres à l’humour décalé. Des livres au ton plus politique émergent. Le dessin contemporain est omniprésent, il se décline de différentes façons en fonction de l’équipe du moment. Les Requins s’ouvrent à d’autres formes de publications : des catalogues d’art où les auteurs dévoilent leurs terrains de jeux artistiques – expositions, édition, performances… Ils s’inventent et se renouvellent : musique, films, bande dessinée, peinture, illustration, céramique, rien n’est mis de côté si l’envie est là.
C’est dans la même logique que la collection BDCUL est dirigée par Felder et Cizo. Ils proposent aux auteurs de s’essayer à la bande dessinée pornographique. Les auteurs ont la liberté de faire ce qu’ils veulent. Beaucoup vont vers l’humour, mais chacun se distingue par le traitement qu’il choisit. Si Felder préfère un dessin plus rond, Cizo privilégie des approches graphiques plus contemporaines. "Le principe est d’avoir des auteurs que l’on ne va pas attendre sur ce type de livres. Beaucoup viennent de la littérature jeunesse et la demande vient des auteurs eux-mêmes. Cela rencontre un tel succès que le programme éditorial est bouclé jusqu’en 2020."
La ligne éditoriale des Requins Marteaux s’est forgée au fil des années. L’humour, la violence et la pornographie sont les thèmes les plus représentés. Les livres ne sont pas publiés en fonction d’une collection mais en fonction de l’auteur, de son projet. Leur travail est avant tout d’adapter le format à son contenu. Selon les équipes, les projets tournent et c’est ainsi que cela a toujours fonctionné. Les changements se font au gré des possibilités et des implications de chacun, mais le lien avec les auteurs fondateurs est toujours maintenu. Les Requins Marteaux ne se revendiquent pas accessibles à tous, ils sont avant tout indépendants dans leurs choix et la façon de les exécuter.
Catalogue : 160 titres
Parutions : 10 à 12 titres par an
À découvrir
Pinocchio (édition anniversaire), Winshluss, coll. Sans collection, 2019.
(Fauve d’Or du FIBD d’Angoulême 2009).
Atomic love, Jiro Ishikawa, coll. BDCUL, 2019.
Showtime, Antoine Cossé, 2019.
Les Requins Marteaux sont nés en 1991, à Albi, à l’initiative des auteurs Guillaume Guerse, Marc Pichelin et Bernard Khatou. Très vite, le trio est rejoint par d’autres auteurs, la revue Ferraille est créée dans l’esprit du fanzine : les auteurs y font leurs armes et expérimentent. Bouzard, Monsieur Pabo, Moolinex font partie de l’aventure. Au début des années 2000, une autre équipe reprend la direction éditoriale : Winshluss, Felder et Cizo. Ferraille devient Le Ferraille illustré ; le magazine s’enrichit de nouveaux auteurs tout en restant un espace de création et un laboratoire. En 2005, la maison d’édition se professionnalise et s’entoure de salariés. La ligne éditoriale s’affine, elle se maintient aux lisières de l’art contemporain et de l’écriture, mais aux côtés de livres à l’humour décalé. Des livres au ton plus politique émergent. Le dessin contemporain est omniprésent, il se décline de différentes façons en fonction de l’équipe du moment. Les Requins s’ouvrent à d’autres formes de publications : des catalogues d’art où les auteurs dévoilent leurs terrains de jeux artistiques – expositions, édition, performances… Ils s’inventent et se renouvellent : musique, films, bande dessinée, peinture, illustration, céramique, rien n’est mis de côté si l’envie est là.
C’est dans la même logique que la collection BDCUL est dirigée par Felder et Cizo. Ils proposent aux auteurs de s’essayer à la bande dessinée pornographique. Les auteurs ont la liberté de faire ce qu’ils veulent. Beaucoup vont vers l’humour, mais chacun se distingue par le traitement qu’il choisit. Si Felder préfère un dessin plus rond, Cizo privilégie des approches graphiques plus contemporaines. "Le principe est d’avoir des auteurs que l’on ne va pas attendre sur ce type de livres. Beaucoup viennent de la littérature jeunesse et la demande vient des auteurs eux-mêmes. Cela rencontre un tel succès que le programme éditorial est bouclé jusqu’en 2020."
La ligne éditoriale des Requins Marteaux s’est forgée au fil des années. L’humour, la violence et la pornographie sont les thèmes les plus représentés. Les livres ne sont pas publiés en fonction d’une collection mais en fonction de l’auteur, de son projet. Leur travail est avant tout d’adapter le format à son contenu. Selon les équipes, les projets tournent et c’est ainsi que cela a toujours fonctionné. Les changements se font au gré des possibilités et des implications de chacun, mais le lien avec les auteurs fondateurs est toujours maintenu. Les Requins Marteaux ne se revendiquent pas accessibles à tous, ils sont avant tout indépendants dans leurs choix et la façon de les exécuter.
Catalogue : 160 titres
Parutions : 10 à 12 titres par an
À découvrir
Pinocchio (édition anniversaire), Winshluss, coll. Sans collection, 2019.
(Fauve d’Or du FIBD d’Angoulême 2009).
Atomic love, Jiro Ishikawa, coll. BDCUL, 2019.
Showtime, Antoine Cossé, 2019.
Lucie Braud alias Catmalou est née en 1975 à Bordeaux où elle a vécu plus de vingt ans. Elle navigue entre la bande dessinée, le roman, le récit, l’album jeunesse, la lecture à voix haute. Ses territoires de création de prédilection explorent l’enfance et le portrait. Elle travaille seule ou avec les dessinateurs Alfred, Édith, Cromwell, Joseph Lacroix et l’illustratrice Lauranne Quentric.