Les enjeux d’une diffusion hors salle et non commerciale
Jean-Yves de Lépinay et Marianne Palesse, respectivement président et déléguée générale d’Images en bibliothèques, présentent l’action de ce réseau d’un millier d’adhérents. Loin d’être concurrentes des salles de cinéma, les bibliothèques participent à la formation cinématographique du public à l’instar de leurs cousins les ciné-clubs. Depuis bientôt vingt ans, lors du Mois du film documentaire, le réseau affiche sa puissance avec près de 3 000 séances organisées dans 2 500 lieux, de la prison à l’EHPAD.
Quel est le rôle d’Images en bibliothèques ?
Jean-Yves de Lépinay : Images en bibliothèques est une association de coopération nationale. Nous comptons environ un millier d’adhérents : bibliothèques municipales, bibliothèques universitaires et une trentaine de bibliothèques départementales de prêt. Notre rôle est d’animer ce collectif, de partager des expériences, mais aussi de former les bibliothécaires. Nous organisons des stages, certains en festival, afin que les adhérents soient en prise directe avec le monde de la création.
Marianne Palesse : Nous touchons un public qui ne va pas forcément au cinéma parce qu’il est isolé géographiquement ou socialement. Nous diffusons en particulier des documentaires. S’ils sont sortis au cinéma, la réglementation impose d’attendre un an après l’obtention de leur visa pour les projeter. Nous proposons aussi des films qui ne sont pas passés par la case cinéma. En outre, Images en bibliothèques participe à l’éducation à l’image, hors temps scolaire, mais aussi dans le temps scolaire, en partenariat avec les écoles, collèges et lycées. Les enseignants font découvrir à leurs élèves les fonds audiovisuels (DVD, VoD, etc.) des bibliothèques : ils peuvent les consulter, les manipuler. Nous proposons aussi des rencontres en écho à une projection en salle, des ateliers de pratique, de programmation etc.
Un groupe de concertation a été créé par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) afin de réviser la législation régissant les projections « non commerciales ». Quel est son objectif ? Et où en est la réflexion ?
M.P. : Le point de départ de cette concertation était d’examiner la réglementation des séances non commerciales afin de limiter les mauvaises pratiques. C’était légitime. Conviés à y participer, nous avons pu expliquer le travail culturel, éducatif et social réalisé autour du cinéma par les bibliothèques. Nos interlocuteurs ont vite compris que nous ne sommes pas des concurrents des salles et que nos actions sont complémentaires. Tout le monde s’accorde sur le fait que le texte doit être revu, ne serait-ce que pour être simplifié. L’idée serait de déterminer quels types de séances non commerciales mériteraient un encadrement plus strict.
Chaque année, Images en bibliothèques met le documentaire à l’honneur. Quel est le principe de ce rendez-vous qui fêtera ses vingt ans en 2019 ?
J.-Y.L. : Nous sommes les coordinateurs nationaux du Mois du film documentaire, qui se tient en novembre. Lors de l’édition 2018, près de 2 500 lieux ont proposé plus de 3 000 séances dans des endroits très divers : bibliothèques, salles de cinéma, associations, écoles, lycées, universités, musées, centres culturels, mais aussi hôpitaux, foyers ruraux, EHPAD, prisons… Chaque lieu choisit et élabore sa programmation. Nous imaginons des propositions de programme qui peuvent être retenues en partie ou en totalité. Nous sommes très attentifs à ce que chaque lieu reste autonome dans ses choix.
Jean-Yves de Lépinay : Images en bibliothèques est une association de coopération nationale. Nous comptons environ un millier d’adhérents : bibliothèques municipales, bibliothèques universitaires et une trentaine de bibliothèques départementales de prêt. Notre rôle est d’animer ce collectif, de partager des expériences, mais aussi de former les bibliothécaires. Nous organisons des stages, certains en festival, afin que les adhérents soient en prise directe avec le monde de la création.
Marianne Palesse : Nous touchons un public qui ne va pas forcément au cinéma parce qu’il est isolé géographiquement ou socialement. Nous diffusons en particulier des documentaires. S’ils sont sortis au cinéma, la réglementation impose d’attendre un an après l’obtention de leur visa pour les projeter. Nous proposons aussi des films qui ne sont pas passés par la case cinéma. En outre, Images en bibliothèques participe à l’éducation à l’image, hors temps scolaire, mais aussi dans le temps scolaire, en partenariat avec les écoles, collèges et lycées. Les enseignants font découvrir à leurs élèves les fonds audiovisuels (DVD, VoD, etc.) des bibliothèques : ils peuvent les consulter, les manipuler. Nous proposons aussi des rencontres en écho à une projection en salle, des ateliers de pratique, de programmation etc.
Un groupe de concertation a été créé par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) afin de réviser la législation régissant les projections « non commerciales ». Quel est son objectif ? Et où en est la réflexion ?
M.P. : Le point de départ de cette concertation était d’examiner la réglementation des séances non commerciales afin de limiter les mauvaises pratiques. C’était légitime. Conviés à y participer, nous avons pu expliquer le travail culturel, éducatif et social réalisé autour du cinéma par les bibliothèques. Nos interlocuteurs ont vite compris que nous ne sommes pas des concurrents des salles et que nos actions sont complémentaires. Tout le monde s’accorde sur le fait que le texte doit être revu, ne serait-ce que pour être simplifié. L’idée serait de déterminer quels types de séances non commerciales mériteraient un encadrement plus strict.
Chaque année, Images en bibliothèques met le documentaire à l’honneur. Quel est le principe de ce rendez-vous qui fêtera ses vingt ans en 2019 ?
J.-Y.L. : Nous sommes les coordinateurs nationaux du Mois du film documentaire, qui se tient en novembre. Lors de l’édition 2018, près de 2 500 lieux ont proposé plus de 3 000 séances dans des endroits très divers : bibliothèques, salles de cinéma, associations, écoles, lycées, universités, musées, centres culturels, mais aussi hôpitaux, foyers ruraux, EHPAD, prisons… Chaque lieu choisit et élabore sa programmation. Nous imaginons des propositions de programme qui peuvent être retenues en partie ou en totalité. Nous sommes très attentifs à ce que chaque lieu reste autonome dans ses choix.
"Nous négocions les droits auprès des producteurs, avec un tarif réduit, compensé par une exposition potentielle dans 2 500 lieux."
Comment sont gérés les droits de diffusion ?
M.P. : Près de 80 documentaires (cinéma et TV) sont sélectionnés et soutenus tout au long de l’année par une commission composée de bibliothécaires. Elle choisit ces œuvres à partir des programmes de festivals partenaires, mais les producteurs peuvent aussi lui soumettre leurs films via une plateforme de visionnage. Ces films intègrent l’un des trois catalogues fournisseurs des bibliothèques avec lesquels nous avons signé des conventions (BPI, Images de la Culture du CNC et le catalogue privé ADAV). Ces droits sont acquis pour le prêt, la consultation sur place et la projection publique. Nous élaborons chaque année des cycles thématiques avec des films plus anciens. Nous négocions les droits auprès des producteurs, avec un tarif réduit, compensé par une exposition potentielle dans 2 500 lieux. Cette exploitation hors salle reste indispensable dans l’économie du documentaire.
Comment intervenez-vous dans la mise en place locale du Mois du film documentaire ?
M.P. : L’intérêt de cette manifestation est d’être protéiforme. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle national figé décliné sur tout le territoire. Elle mutualise les énergies et les moyens. Notre rôle est de coordonner ce réseau et ces pratiques, sans aucune volonté de dirigisme. Le Mois du film documentaire reflète la belle cartographie du réseau culturel, éducatif et social qui œuvre pour la diffusion du documentaire en France.
J.-Y.L. : Nous finançons des déplacements de réalisateurs, apportons un soutien éditorial (avis critiques, intégration à la base de données, etc.) aux films et une communication nationale à travers un site web dédié. Mais, surtout, le réseau est structuré par des partenariats signés dans chaque région et nous avons élaboré une charte de coopération, avec des engagements réciproques.
Quels sont vos partenaires en Nouvelle-Aquitaine ?
M.P. : Historiquement, en Aquitaine, deux structures co-organisaient le Mois du documentaire : ALCA (ex Écla) et CINA1 (ex ACPA). Les Yeux Verts, un pôle régional d’éducation à l’image, était l’organisateur dans le Limousin. Dorénavant, une coordination tricéphale se met en place. Les coordinateurs régionaux font un travail important et précieux pour développer la manifestation, accompagner les professionnels et aider à la mise en place des projets. Grâce à leur action, la manifestation touche une diversité de lieux participants et donc de publics.
Comment s’est déroulée l’édition 2018 ?
M.P. : Cette édition s’est remarquablement bien déroulée en Nouvelle-Aquitaine. Le Mois du film documentaire a connu un fort développement dans la grande région, avec une augmentation de 25 % du nombre de séances (une centaine de projections en plus par rapport à 2017 et une quarantaine de structures participantes supplémentaires).
Au sein d’ALCA, le service de la lecture publique porte le Mois du film documentaire. Si son réseau naturel est constitué des bibliothèques, l’agence collabore avec l’ensemble des acteurs, en partenariat avec CINA pour les salles de cinéma et avec Les Yeux Verts pour les structures du Limousin. Elle a accompagné, de manière exemplaire, le développement du Mois du film documentaire sur le territoire, garantissant la complémentarité des lieux de projection. Elle a impulsé de nombreux projets, dont des projections dans les établissements pénitentiaires. ALCA est toujours très attentive à toucher un maximum de publics. Quant au pôle Les Yeux Verts, il travaille avec l’ensemble des structures du Limousin, accompagne les pratiques des professionnels et impulse la manifestation sur ce territoire. CINA, l’association des salles de cinéma indépendantes de Nouvelle-Aquitaine, réalise un travail remarquable de coordination de la programmation dans ses salles adhérentes, s’appuyant sur des films soutenus par la Région.
Vous citez des séances programmées en milieu carcéral par ALCA. Comment organise-t-on des projections dans des lieux de détention ?
M.P. : Cela varie selon les établissements. Ces projections sont soumises à la même réglementation que celles des autres structures non commerciales. Elles doivent s’acquitter de droits de projection. Si elles ont signé des conventions avec des bibliothèques, elles peuvent diffuser des films issus de leurs fonds et organiser des projections en groupe restreint de prisonniers. En revanche, elles ne peuvent pas les diffuser sur leur canal interne. La prison peut aussi négocier les droits de diffusion auprès des fournisseurs, des producteurs et de distributeurs. Dans certaines prisons, les agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) organisent l’activité culturelle. D’autres travaillent avec des associations comme Les Yeux de l’ouïe, Résonance, Passeurs d’Images2, le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir ou Lieux Fictifs à Marseille. En Nouvelle-Aquitaine, des structures comme la bibliothèque Mériadeck (Bordeaux) ou ALCA sont partenaires de centres pénitentiaires.
1 Cinémas indépendants de la Nouvelle-Aquitaine.
2 Dans le cadre du dispositif Passeurs d’Images, l’opération « Des cinés, la vie » est destinée à sensibiliser à l’image les jeunes pris en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
M.P. : Près de 80 documentaires (cinéma et TV) sont sélectionnés et soutenus tout au long de l’année par une commission composée de bibliothécaires. Elle choisit ces œuvres à partir des programmes de festivals partenaires, mais les producteurs peuvent aussi lui soumettre leurs films via une plateforme de visionnage. Ces films intègrent l’un des trois catalogues fournisseurs des bibliothèques avec lesquels nous avons signé des conventions (BPI, Images de la Culture du CNC et le catalogue privé ADAV). Ces droits sont acquis pour le prêt, la consultation sur place et la projection publique. Nous élaborons chaque année des cycles thématiques avec des films plus anciens. Nous négocions les droits auprès des producteurs, avec un tarif réduit, compensé par une exposition potentielle dans 2 500 lieux. Cette exploitation hors salle reste indispensable dans l’économie du documentaire.
Comment intervenez-vous dans la mise en place locale du Mois du film documentaire ?
M.P. : L’intérêt de cette manifestation est d’être protéiforme. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle national figé décliné sur tout le territoire. Elle mutualise les énergies et les moyens. Notre rôle est de coordonner ce réseau et ces pratiques, sans aucune volonté de dirigisme. Le Mois du film documentaire reflète la belle cartographie du réseau culturel, éducatif et social qui œuvre pour la diffusion du documentaire en France.
J.-Y.L. : Nous finançons des déplacements de réalisateurs, apportons un soutien éditorial (avis critiques, intégration à la base de données, etc.) aux films et une communication nationale à travers un site web dédié. Mais, surtout, le réseau est structuré par des partenariats signés dans chaque région et nous avons élaboré une charte de coopération, avec des engagements réciproques.
Quels sont vos partenaires en Nouvelle-Aquitaine ?
M.P. : Historiquement, en Aquitaine, deux structures co-organisaient le Mois du documentaire : ALCA (ex Écla) et CINA1 (ex ACPA). Les Yeux Verts, un pôle régional d’éducation à l’image, était l’organisateur dans le Limousin. Dorénavant, une coordination tricéphale se met en place. Les coordinateurs régionaux font un travail important et précieux pour développer la manifestation, accompagner les professionnels et aider à la mise en place des projets. Grâce à leur action, la manifestation touche une diversité de lieux participants et donc de publics.
Comment s’est déroulée l’édition 2018 ?
M.P. : Cette édition s’est remarquablement bien déroulée en Nouvelle-Aquitaine. Le Mois du film documentaire a connu un fort développement dans la grande région, avec une augmentation de 25 % du nombre de séances (une centaine de projections en plus par rapport à 2017 et une quarantaine de structures participantes supplémentaires).
Au sein d’ALCA, le service de la lecture publique porte le Mois du film documentaire. Si son réseau naturel est constitué des bibliothèques, l’agence collabore avec l’ensemble des acteurs, en partenariat avec CINA pour les salles de cinéma et avec Les Yeux Verts pour les structures du Limousin. Elle a accompagné, de manière exemplaire, le développement du Mois du film documentaire sur le territoire, garantissant la complémentarité des lieux de projection. Elle a impulsé de nombreux projets, dont des projections dans les établissements pénitentiaires. ALCA est toujours très attentive à toucher un maximum de publics. Quant au pôle Les Yeux Verts, il travaille avec l’ensemble des structures du Limousin, accompagne les pratiques des professionnels et impulse la manifestation sur ce territoire. CINA, l’association des salles de cinéma indépendantes de Nouvelle-Aquitaine, réalise un travail remarquable de coordination de la programmation dans ses salles adhérentes, s’appuyant sur des films soutenus par la Région.
Vous citez des séances programmées en milieu carcéral par ALCA. Comment organise-t-on des projections dans des lieux de détention ?
M.P. : Cela varie selon les établissements. Ces projections sont soumises à la même réglementation que celles des autres structures non commerciales. Elles doivent s’acquitter de droits de projection. Si elles ont signé des conventions avec des bibliothèques, elles peuvent diffuser des films issus de leurs fonds et organiser des projections en groupe restreint de prisonniers. En revanche, elles ne peuvent pas les diffuser sur leur canal interne. La prison peut aussi négocier les droits de diffusion auprès des fournisseurs, des producteurs et de distributeurs. Dans certaines prisons, les agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) organisent l’activité culturelle. D’autres travaillent avec des associations comme Les Yeux de l’ouïe, Résonance, Passeurs d’Images2, le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir ou Lieux Fictifs à Marseille. En Nouvelle-Aquitaine, des structures comme la bibliothèque Mériadeck (Bordeaux) ou ALCA sont partenaires de centres pénitentiaires.
1 Cinémas indépendants de la Nouvelle-Aquitaine.
2 Dans le cadre du dispositif Passeurs d’Images, l’opération « Des cinés, la vie » est destinée à sensibiliser à l’image les jeunes pris en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).