Le cinéma social pour montrer la marge
L’association tulliste Autour du 1er mai propose un catalogue incontournable du cinéma social et organise les Rencontres cinéma et société. À quelques semaines de la quatorzième édition du festival, organisé avec Peuple & culture et le cinéma Véo, Sylvie Dreyfus-Alphandery et Stéphanie Legrand détaillent les nombreuses activités de leur structure.
Autour du 1er mai est née avec la Base cinéma et société, sélection de films qui témoignent de la société et de son évolution. Qu’apporte cet outil aux professionnels et publics amateurs ?
Sylvie Dreyfus-Alphandery : C’est lors des grandes grèves de la SNCF en 1995 qu’est née l’idée de la Base cinéma et société. De nombreux films ont alors été réalisés par les cheminots eux-mêmes. Bernard Thibault, qui va devenir le secrétaire général de la CGT, présente lors des États généraux du documentaire une trentaine de films sur ce mouvement social. Alors que je travaille dans le documentaire depuis un certain temps, en tant, notamment, que responsable de la cinémathèque documentaire de la BNF, je m’inquiète de la disparition de ces films qui questionnent la société. L’idée de créer un outil pour les recenser fait alors son chemin.
Autour du 1er mai voit finalement le jour en Corrèze en 2005, après dix ans de maturation donc, en lançant cette Base cinéma et société. J’ai rencontré à la même époque François Hollande, alors maire de Tulle, qui a conditionné le soutien de la Ville à un ancrage local. C’est ainsi que sont nées en 2006 les Rencontres cinéma et société, avec comme premier thème "Cinéma et Front populaire". La base et le festival sont donc les deux piliers de notre association.
Stéphanie Legrand : Nous recensons aujourd’hui près de 5 000 films sur la Base cinéma et société, qui s’investit selon plusieurs moyens. D’abord parmi 26 "chemins d’accès", à savoir 26 thématiques, comme "La planète en danger", "Sois jeune et tais-toi !" ou encore "L’Europe existe-t-elle ?". Ensuite à travers "le fil de l’Histoire", où les films sont classés par périodes historiques. Enfin, nous proposons des sélections filmographiques plus réduites, autour de 10 ou 12 œuvres, construites en lien avec des partenaires et dont le contenu évolue au gré de l’actualité.
La Base cinéma et société est utilisée par des publics divers. Des professeurs s’en servent en vue de diffuser des sélections en classe. Parfois, des festivals recherchant un film très précis ont recours à l’outil. Au-delà de la base, certaines personnes nous contactent pour monter des filmographies n’existant pas encore. Notre propre travail de recherche et de programmation s’élabore évidemment, lui aussi, à partir de notre base.
Autour du 1er mai et le Cedidelp1 ont développé un autre catalogue : la plateforme Films en luttes et en mouvements. Dans quelle mesure s’agit-il d’un prolongement de la Base cinéma et société ?
S.L. : L’idée de ce catalogue est née des travaux que nous effectuons avec le Cedidelp, une médiathèque disposant de films sur des supports physiques. Nous souhaitions inclure le catalogue du Cedidelp dans une plateforme plus large où sont recensées les sélections d’autres partenaires. Films en luttes et en mouvements se distingue donc de la Base cinéma et société en ce qu’il fonctionne comme un moteur de recherche collectif de catalogues de différentes structures.
Sylvie Dreyfus-Alphandery : C’est lors des grandes grèves de la SNCF en 1995 qu’est née l’idée de la Base cinéma et société. De nombreux films ont alors été réalisés par les cheminots eux-mêmes. Bernard Thibault, qui va devenir le secrétaire général de la CGT, présente lors des États généraux du documentaire une trentaine de films sur ce mouvement social. Alors que je travaille dans le documentaire depuis un certain temps, en tant, notamment, que responsable de la cinémathèque documentaire de la BNF, je m’inquiète de la disparition de ces films qui questionnent la société. L’idée de créer un outil pour les recenser fait alors son chemin.
Autour du 1er mai voit finalement le jour en Corrèze en 2005, après dix ans de maturation donc, en lançant cette Base cinéma et société. J’ai rencontré à la même époque François Hollande, alors maire de Tulle, qui a conditionné le soutien de la Ville à un ancrage local. C’est ainsi que sont nées en 2006 les Rencontres cinéma et société, avec comme premier thème "Cinéma et Front populaire". La base et le festival sont donc les deux piliers de notre association.
Stéphanie Legrand : Nous recensons aujourd’hui près de 5 000 films sur la Base cinéma et société, qui s’investit selon plusieurs moyens. D’abord parmi 26 "chemins d’accès", à savoir 26 thématiques, comme "La planète en danger", "Sois jeune et tais-toi !" ou encore "L’Europe existe-t-elle ?". Ensuite à travers "le fil de l’Histoire", où les films sont classés par périodes historiques. Enfin, nous proposons des sélections filmographiques plus réduites, autour de 10 ou 12 œuvres, construites en lien avec des partenaires et dont le contenu évolue au gré de l’actualité.
La Base cinéma et société est utilisée par des publics divers. Des professeurs s’en servent en vue de diffuser des sélections en classe. Parfois, des festivals recherchant un film très précis ont recours à l’outil. Au-delà de la base, certaines personnes nous contactent pour monter des filmographies n’existant pas encore. Notre propre travail de recherche et de programmation s’élabore évidemment, lui aussi, à partir de notre base.
Autour du 1er mai et le Cedidelp1 ont développé un autre catalogue : la plateforme Films en luttes et en mouvements. Dans quelle mesure s’agit-il d’un prolongement de la Base cinéma et société ?
S.L. : L’idée de ce catalogue est née des travaux que nous effectuons avec le Cedidelp, une médiathèque disposant de films sur des supports physiques. Nous souhaitions inclure le catalogue du Cedidelp dans une plateforme plus large où sont recensées les sélections d’autres partenaires. Films en luttes et en mouvements se distingue donc de la Base cinéma et société en ce qu’il fonctionne comme un moteur de recherche collectif de catalogues de différentes structures.
"Le cinéma est pour nous un territoire à part entière, qui ne se cantonne pas à un genre précis."
Votre association organise chaque année au début du mois de mai les Rencontres cinéma et société, dix jours de projections et échanges…
S.D.-A. : Nous avons essayé d’alterner au cours des 13 éditions des commémorations et des thématiques davantage ancrées dans l’actualité. Ainsi nous avons lancé le festival lors du 70e anniversaire du Front populaire et nous avons abordé l’année suivante le "cinéma et [le] monde rural". Mais aussi les accords d’Évian, Mai 68 ou encore "L’école aux frontières de la République". Toutes les projections donnent lieu à des échanges et sont organisées à Tulle mais aussi dans des petits villages avec lesquels nous affinons la programmation.
Nous montrons des films connus et d’autres moins, des fictions et des documentaires. Le cinéma est pour nous un territoire à part entière, qui ne se cantonne pas à un genre précis. Par ailleurs, nous travaillons régulièrement avec les Archives françaises du film du Centre national de la cinématographie et sa directrice, Béatrice de Pastre, fidèle parmi les fidèles du festival. Elle vient régulièrement en Corrèze afin de nous aider à diffuser des œuvres du patrimoine.
Quel est le thème de la prochaine et 14e édition ?
S.D.-A. : Les prochaines Rencontres cinéma et société, qui auront lieu du 1er au 5 mai à Tulle puis du 9 au 12 mai en campagne, aborderont la thématique "Juste justice ?". Nous proposerons une sélection avec notamment des films anciens, l’un d’entre eux mettant en lumière l’affaire Dreyfus ou aussi L’Affaire Dominici d’Orson Welles. Nous montrerons également des films sur l’endettement et la bagarre que des juges ont menée pour aider des personnes en difficulté, des entretiens sur le fonctionnement de l’institution judiciaire… Sera également projeté Le Khmer rouge et le non-violent, de Bernard Mangiante, qui offre une vision extérieure sur l’exercice de la Justice.
S.L. : Pour la première fois, nous organiserons une journée professionnelle à l’occasion du festival. Elle aura lieu le 2 mai et une première partie sera consacrée à l’organisation des projections de films sur le patrimoine, avec notamment Béatrice de Pastre du CNC. Une seconde partie s’intéressera plutôt à notre travail et notre programmation afin que cette dernière tourne dans d’autres salles en Nouvelle-Aquitaine.
En 2010, les Rencontres interrogeaient le féminisme en "mauvais genre". La question de la marge dans la société revient-elle fréquemment dans vos activités ?
S.D.-A. : À l’occasion du 40e anniversaire du Mouvement de libération des femmes, nous avons en effet proposé "Le féminisme est-il un mauvais genre ?" comme thématique du festival. Je crois que cette question de la marge traverse l’ensemble de nos programmations. La marge est aussi la condition pour ouvrir des possibles, pour inventer, s’affranchir et mettre en question l’ordre établi.
Lors de la prochaine édition des Rencontres cinéma et société, nous allons par exemple montrer un film qui construit une sorte de récapitulatif historique des mouvements de révolte en prison. Dans les années 1970, les prisonniers et les gardiens revendiquaient ensemble de meilleures conditions, ce qui semble inimaginable aujourd’hui.
Forts des outils et des événements que vous portez, vous avez noué des partenariats avec la Ligue des droits de l’Homme ou encore le Musée de l’Histoire de l’Immigration…
S.L. : Nous organisons à Paris, en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme, le cycle Ciné-droits de l’Homme, un dimanche tous les deux mois. Le Musée de l’Histoire de l’Immigration relaie notre activité et nous aimerions organiser des projections avec eux. Nous souhaitons développer plus de partenariats avec d’autres organisations qui défendent les mêmes thèmes sans forcément s’exprimer par le cinéma. Ainsi nous assurerons aussi une plus grande diffusion des œuvres sur le territoire national.
Autour du 1er mai organise également des ateliers dans les centres de formation d’apprentis en Nouvelle-Aquitaine afin de lutter contre les discriminations. Comment ces ateliers s’articulent-ils ?
S.L. : Depuis 2017, nous portons le projet "Contre les discriminations, le cinéma, un pouvoir d’agir". Il s’agit de journées d’ateliers pour les apprentis dans les CFA de Tulle, La Rochelle et Bordeaux pour l’instant. Un premier atelier est proposé avec les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) locaux. Nous sommes accompagnés par le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir sur un deuxième atelier qu’il anime autour des stéréotypes dans l’image. Nous abordons donc avec les apprentis ces thématiques à travers le cinéma.
1 Centre de Documentation Internationale sur le Développement, les Libertés et la Paix.
S.D.-A. : Nous avons essayé d’alterner au cours des 13 éditions des commémorations et des thématiques davantage ancrées dans l’actualité. Ainsi nous avons lancé le festival lors du 70e anniversaire du Front populaire et nous avons abordé l’année suivante le "cinéma et [le] monde rural". Mais aussi les accords d’Évian, Mai 68 ou encore "L’école aux frontières de la République". Toutes les projections donnent lieu à des échanges et sont organisées à Tulle mais aussi dans des petits villages avec lesquels nous affinons la programmation.
Nous montrons des films connus et d’autres moins, des fictions et des documentaires. Le cinéma est pour nous un territoire à part entière, qui ne se cantonne pas à un genre précis. Par ailleurs, nous travaillons régulièrement avec les Archives françaises du film du Centre national de la cinématographie et sa directrice, Béatrice de Pastre, fidèle parmi les fidèles du festival. Elle vient régulièrement en Corrèze afin de nous aider à diffuser des œuvres du patrimoine.
Quel est le thème de la prochaine et 14e édition ?
S.D.-A. : Les prochaines Rencontres cinéma et société, qui auront lieu du 1er au 5 mai à Tulle puis du 9 au 12 mai en campagne, aborderont la thématique "Juste justice ?". Nous proposerons une sélection avec notamment des films anciens, l’un d’entre eux mettant en lumière l’affaire Dreyfus ou aussi L’Affaire Dominici d’Orson Welles. Nous montrerons également des films sur l’endettement et la bagarre que des juges ont menée pour aider des personnes en difficulté, des entretiens sur le fonctionnement de l’institution judiciaire… Sera également projeté Le Khmer rouge et le non-violent, de Bernard Mangiante, qui offre une vision extérieure sur l’exercice de la Justice.
S.L. : Pour la première fois, nous organiserons une journée professionnelle à l’occasion du festival. Elle aura lieu le 2 mai et une première partie sera consacrée à l’organisation des projections de films sur le patrimoine, avec notamment Béatrice de Pastre du CNC. Une seconde partie s’intéressera plutôt à notre travail et notre programmation afin que cette dernière tourne dans d’autres salles en Nouvelle-Aquitaine.
En 2010, les Rencontres interrogeaient le féminisme en "mauvais genre". La question de la marge dans la société revient-elle fréquemment dans vos activités ?
S.D.-A. : À l’occasion du 40e anniversaire du Mouvement de libération des femmes, nous avons en effet proposé "Le féminisme est-il un mauvais genre ?" comme thématique du festival. Je crois que cette question de la marge traverse l’ensemble de nos programmations. La marge est aussi la condition pour ouvrir des possibles, pour inventer, s’affranchir et mettre en question l’ordre établi.
Lors de la prochaine édition des Rencontres cinéma et société, nous allons par exemple montrer un film qui construit une sorte de récapitulatif historique des mouvements de révolte en prison. Dans les années 1970, les prisonniers et les gardiens revendiquaient ensemble de meilleures conditions, ce qui semble inimaginable aujourd’hui.
Forts des outils et des événements que vous portez, vous avez noué des partenariats avec la Ligue des droits de l’Homme ou encore le Musée de l’Histoire de l’Immigration…
S.L. : Nous organisons à Paris, en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme, le cycle Ciné-droits de l’Homme, un dimanche tous les deux mois. Le Musée de l’Histoire de l’Immigration relaie notre activité et nous aimerions organiser des projections avec eux. Nous souhaitons développer plus de partenariats avec d’autres organisations qui défendent les mêmes thèmes sans forcément s’exprimer par le cinéma. Ainsi nous assurerons aussi une plus grande diffusion des œuvres sur le territoire national.
Autour du 1er mai organise également des ateliers dans les centres de formation d’apprentis en Nouvelle-Aquitaine afin de lutter contre les discriminations. Comment ces ateliers s’articulent-ils ?
S.L. : Depuis 2017, nous portons le projet "Contre les discriminations, le cinéma, un pouvoir d’agir". Il s’agit de journées d’ateliers pour les apprentis dans les CFA de Tulle, La Rochelle et Bordeaux pour l’instant. Un premier atelier est proposé avec les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) locaux. Nous sommes accompagnés par le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir sur un deuxième atelier qu’il anime autour des stéréotypes dans l’image. Nous abordons donc avec les apprentis ces thématiques à travers le cinéma.
1 Centre de Documentation Internationale sur le Développement, les Libertés et la Paix.