Coproduire en temps de pandémie : "faire preuve de souplesse et d’adaptabilité"
Fondée par Louise Bellicaud et Claire Charles-Gervais en 2015, In Vivo Films est une société de production installée à La Rochelle, spécialisée dans la coproduction internationale de longs métrages. Leur catalogue comprend déjà plusieurs films réalisés en Amérique latine mais aussi du monde entier. Face à la pandémie internationale de la Covid, quelles sont les répercussions sur les projets de réalisation de films dans un cadre de coproduction internationale ? Voici une étude de cas, avec Dos Estaciones de Juan Pablo González, coproduit par In Vivo Films en France et tourné au Mexique en novembre 20201.
Comment en êtes-vous venues à travailler sur des coproductions avec l’Amérique latine ?
Louise Bellicaud : Lorsque nous avons créé avec Claire Charles-Gervais In Vivo Films, nous avions la volonté de travailler sur des coproductions internationales. La relation avec un producteur exécutif local est absolument indispensable. En tant que Françaises, nous pouvons certes travailler sur le scénario, structurer la coproduction, chercher des financements en France et en Europe, mais la production exécutive appartient à un producteur local qui connaît les salaires, gère les budgets de tournage, négocie avec les prestataires locaux.
Avant la Covid, nous nous déplacions sur le tournage mais pas pour l’intégralité de celui-ci pour laisser plus de souplesse au réalisateur sur son film. En revanche, du fait de la situation sanitaire, le tournage du film Dos Estaciones de Juan Pablo González qui aura lieu dans un petit village au nord du Mexique en novembre 2020 se fera sans notre présence physique. Avant la crise, nous pouvions envoyer des techniciens français sur le tournage. Actuellement, cela est devenu trop compliqué. Dès lors, ne pouvant participer au tournage, nous récupérons la quasi-intégralité de la post-production réalisée à L’Alhambra studios à Rochefort.
"Pour la recherche des fonds privés, les conséquences négatives vont commencer à apparaître prochainement, puisqu’avec la crise économique, les distributeurs ne prendront plus de risque avec un spectre aussi large qu’avant."
Qu’est-ce qui a changé dans votre manière de travailler sur des projets de coproduction en cette année si particulière ?
L.B. : En ce qui concerne notre communication, puisque nous étions habituées à travailler à distance, cela n’a rien changé. Les financements publics ont tous été maintenus sur nos différents projets. En revanche, au lieu de faire des réunions en présentiel, comme lors de la commission Nouvelle-Aquitaine, en face-à-face avec un jury, nous avons dû faire des vidéos avec des explications de nos projets que les jurys ont visionné à distance. Pour la recherche des fonds privés, les conséquences négatives vont commencer à apparaître prochainement, puisqu’avec la crise économique, les distributeurs ne prendront plus de risque avec un spectre aussi large qu’avant.
"C’est vrai aussi qu’au bout de six mois d’échanges ainsi à distance, nous découvrons à présent les limites des rencontres virtuelles."
C’est vrai aussi qu’au bout de six mois d’échanges ainsi à distance, nous découvrons à présent les limites des rencontres virtuelles. Cette communication permet une première rencontre mais n’offre pas la possibilité d’entretenir les liens sur le long terme. Sur un tournage, la situation sanitaire entraîne des frais supplémentaires conséquents comme le fait qu’il ne peut y avoir qu’une personne par voiture entraînant plusieurs locations, ou de disposer d’une plus grande cantine pour respecter la distance entre chacun. Il faut une personne qui désinfecte tout, un référent Covid, etc. Étant donné que nous travaillons déjà sur des films à économie fragile, l’augmentation du budget de soixante mille euros liée au virus peut devenir handicapante.
Face à cette conjoncture, nous devons, en tant que producteurs, faire preuve de plus de souplesse et d’adaptabilité. Ainsi, un tournage peut être repoussé. Pour celui de Dos estaciones, le nombre de techniciens a été réduit de manière drastique. Ils vont tous se mettre en confinement durant deux semaines avant de démarrer et la condition est de vivre ensemble en autarcie durant les six semaines de tournage. Il s’agit là d’une initiative propre aux producteurs mexicains plus qu’une application de la réglementation des autorités locales. Quant aux assurances, les compagnies, en fonction de l’état actuel du pays de tournage, acceptent ou non de couvrir la clause Covid.
1Entretien réalisé en octobre 2020.
(Photo : Esteban Chinchilla)