La "caméra-pinceau" de Camille Lavaud
Camille Lavaud, dessinatrice originaire de Bergerac, en Dordogne, est l'artiste à l'œuvre de ce onzième numéro d'Éclairages consacré à "La dynamique des marges". Son univers graphique, superposant des sources d'inspiration diverses, sera présenté lors de matinées audiovisuelles sur le stand de la Nouvelle-Aquitaine (F83) à Livre Paris, du 15 au 18 mars.
Vous souvenez-vous avoir vu, à la gare Saint-Jean de Bordeaux, en 2017, une exposition de très grandes affiches de cinéma1, dessinées dans une esthétique "romans noirs d’après-guerre" ? Les films Dédé la rétine ou L’Estafette de la mort exhalaient leur parfum étrange et familier. Cela tenait au fait qu’aucun de ces films n’existe, pas même Le Consortium des prairies, le label qui porte toutes les productions de Camille Lavaud, l’artiste plasticienne qui les a créées. En résidence à Angoulême jusqu’en mars 2019 pour un projet de cinéroman avec les Requins Marteaux, elle souhaite adapter, entre documentaire et roman-photo dessiné, Thérèse Desqueyroux tourné par Franju en 1962 à Argelouse, près du Chalet Mauriac, où elle sera en résidence transmédia en avril prochain.
Diplômée de l’école des Beaux-arts de Bordeaux, Camille Lavaud est née en 1981 et a grandi en Dordogne, entre un grand-père couturier et conducteur d’un bibliobus et un père antiquaire et tapissier décorateur. Enfant, elle a exploré les rayonnages du bibliobus où se côtoyaient les romans noirs des éditions Fleuve, de la Série noire de Gallimard, les classiques et les histoires locales. Dessinatrice, elle a depuis créé un univers graphique, proche de ces années d’après-guerre, quand foisonnaient dans le moindre kiosque ou épicerie de France ces polars "Spécial-Police", "Espionnage", etc. Camille a conservé le principe de ces couvertures illustrées qui suggéraient déjà tout le contenu.
Diplômée de l’école des Beaux-arts de Bordeaux, Camille Lavaud est née en 1981 et a grandi en Dordogne, entre un grand-père couturier et conducteur d’un bibliobus et un père antiquaire et tapissier décorateur. Enfant, elle a exploré les rayonnages du bibliobus où se côtoyaient les romans noirs des éditions Fleuve, de la Série noire de Gallimard, les classiques et les histoires locales. Dessinatrice, elle a depuis créé un univers graphique, proche de ces années d’après-guerre, quand foisonnaient dans le moindre kiosque ou épicerie de France ces polars "Spécial-Police", "Espionnage", etc. Camille a conservé le principe de ces couvertures illustrées qui suggéraient déjà tout le contenu.
Au-delà de ce qu’elle se réapproprie et qu’elle adapte de manière contemporaine, Camille Lavaud construit une œuvre particulièrement fictionnelle et très singulière dans sa démarche. Ce qui l’environne lui sert de matière narrative. Ce peut être une des nombreuses histoires familiales comme, entre autres, celle de cette tante assassinée à Sète, transformée en affiche de film, La Montre de Jeanne, ou ce peut être ce qu’elle lit ou chine. Ses trouvailles, que ce soit le carnet de dessins d’un étudiant ou des planches-contacts d’un touriste américain, déclenchent immédiatement une trame narrative qui peut démarrer un projet. Chaque idée la porte ensuite à arpenter les centres d’archives pour creuser chaque question, visionner de vieux films, exhumer des témoignages sonores, à la recherche de tout ce qu’un échantillon pourrait lui fournir de plus.
Avançant encore aujourd’hui très précairement, comme malheureusement nombre de ses pairs artistes, Camille Lavaud peut toutefois s’honorer d’avoir été repérée tant son travail est inclassable et très documenté. C’est ainsi que certains de ses dessins ont été publiés dans le Sunday Review du New York Times (2013), dans Le Monde (2014), qu’elle a présenté ses travaux à Barcelone, à Bruxelles, à la prestigieuse Villa Arson de Nice, à Toulouse au Lieu commun avec Zebra3/Buysellf. En 2017, elle est lauréate du prix Mézanine Sud décerné par les Abattoirs Musée/Frac Occitanie. À Bordeaux, la biennale d’Evento (2013) et le Frac Nouvelle-Aquitaine (2017) l’ont invitée et, cette année, le Centre Georges Pompidou souhaite qu’elle organise des ateliers pour différents publics.
"Rien n’est plus réel que l’histoire humaine qui se cache dans un vrai fait divers."
Mais que fait donc Camille Lavaud ? Comme elle le dit elle-même, son "protocole de travail s’organise par absorption ; elle déterritorialise le dessin avec des va-et-vient entre les (fausses) couvertures de livres, les (fausses) Unes de journaux, les (fausses) publicités et les (fausses) affiches de cinéma". Elle reterritorialise toutefois chacun de ses projets en livrant un réel "packaging" cinématographique, constitué de l’affiche d’un faux film, de sa bande-annonce2, soutenue par le story-board du faux scénario… Mais là où tout se complique, c’est que si rien n’existe, tout est vrai. Rien n’est plus réel que l’histoire humaine qui se cache dans un vrai fait divers. Il devient matière à cinématographie.
Le cinéma fait en effet partie de ses grandes passions. Et notamment le cinéma expressionniste, dont celui de Georges Franju justement, qui a fondé avec Henri Langlois la Cinémathèque française en 1936. Alors, en passant un mois en résidence au Chalet Mauriac en 2015, à Saint-Symphorien, Camille ne pouvait manquer d’être attirée par le personnage de Thérèse Desqueyroux. Il est issu de la même période (le roman est publié en 1946) et il vient également d’un vrai fait divers, celui d’une empoisonneuse bordelaise dont François Mauriac a d’ailleurs suivi le procès en 1906. En visitant le village d’Argelouse, où Georges Franju a tourné, il n’a pas fallu très longtemps à Camille pour envisager de se le réapproprier et de le recontextualiser à sa façon. Ce qu’elle prélèvera, construira et restituera, on l’espère pour les sept ans du Chalet Mauriac en septembre prochain, sera sans aucun doute un nouveau trompe-l’œil épistolaire entre le cinéma, la bande dessinée et l’art contemporain. Et peut-être, aussi, une porte d’entrée dans le milieu du cinéma et des festivals…
* Le terme "caméra-pinceau" est emprunté à Georges Sadoul, écrivain et historien du cinéma (1904-1967), auteur entre autres d’une Histoire générale du cinéma en 6 volumes publiée à partir de 1946.
1 Dans le cadre d’un programme régional d’expositions autour de l’histoire commune entre l’art contemporain et la bande dessinée, « Comics de répétition », organisé à l’initiative du Frac Nouvelle-Aquitaine avec La Mauvaise Réputation et Les Requins Marteaux à Bordeaux, la SNCF Gares & Connexions à Bordeaux et Paris, Spacejunk à Bayonne et Pollen à Monflanquin, du 13 janvier au 20 octobre 2017.
2 Voir sur Viméo La Vie Souterraine, 5”20
Le cinéma fait en effet partie de ses grandes passions. Et notamment le cinéma expressionniste, dont celui de Georges Franju justement, qui a fondé avec Henri Langlois la Cinémathèque française en 1936. Alors, en passant un mois en résidence au Chalet Mauriac en 2015, à Saint-Symphorien, Camille ne pouvait manquer d’être attirée par le personnage de Thérèse Desqueyroux. Il est issu de la même période (le roman est publié en 1946) et il vient également d’un vrai fait divers, celui d’une empoisonneuse bordelaise dont François Mauriac a d’ailleurs suivi le procès en 1906. En visitant le village d’Argelouse, où Georges Franju a tourné, il n’a pas fallu très longtemps à Camille pour envisager de se le réapproprier et de le recontextualiser à sa façon. Ce qu’elle prélèvera, construira et restituera, on l’espère pour les sept ans du Chalet Mauriac en septembre prochain, sera sans aucun doute un nouveau trompe-l’œil épistolaire entre le cinéma, la bande dessinée et l’art contemporain. Et peut-être, aussi, une porte d’entrée dans le milieu du cinéma et des festivals…
* Le terme "caméra-pinceau" est emprunté à Georges Sadoul, écrivain et historien du cinéma (1904-1967), auteur entre autres d’une Histoire générale du cinéma en 6 volumes publiée à partir de 1946.
1 Dans le cadre d’un programme régional d’expositions autour de l’histoire commune entre l’art contemporain et la bande dessinée, « Comics de répétition », organisé à l’initiative du Frac Nouvelle-Aquitaine avec La Mauvaise Réputation et Les Requins Marteaux à Bordeaux, la SNCF Gares & Connexions à Bordeaux et Paris, Spacejunk à Bayonne et Pollen à Monflanquin, du 13 janvier au 20 octobre 2017.
2 Voir sur Viméo La Vie Souterraine, 5”20
Née en 1968, Nathalie André a grandi sur l’Île d’Oléron, en Charente-Maritime, et est diplômée en histoire de l’art et archéologie à Bordeaux Montaigne. Elle a été secrétaire de rédaction pour la revue et maison d’édition Le Festin puis responsable de publications pour les éditions Le bleu du ciel. Chargée ensuite de programmes Vie littéraire à ALCA Nouvelle-Aquitaine, elle travaille actuellement en tant qu’éditrice indépendante.
(Photo : Centre international de poésie Marseille)
(Photo : Centre international de poésie Marseille)