Résidences : l’expérience de l’ailleurs
Né en 1972 dans un coin de l’Aragon où l’on parle catalan, Francesc Serés a publié une dizaine de livres en catalan dont deux traduits en France (chez Fédérop et Actes Sud). S’il écrit souvent à partir de lieux et de personnages qui lui sont proches, cet écrivain de Barcelone pratique avec intérêt des résidences d’écritures dans différents pays comme l’Égypte (Alexandrie), les États-Unis (Ledig house – OMI) ou la France (Aquitaine, Bordeaux, La Prévôté). Il en aime les découvertes, les rencontres, l’expérience des lieux et sait profiter des qualités de chacune.
Pourquoi aimez-vous les résidences d’écriture ?
Francesc Serés : C’est une expérience unique, une chance de travailler sans interférences. On peut se concentrer sur les livres et ce qu’on fait et en plus, on peut échanger notre expérience avec des gens d’autres pays. Je suis allé aux États-Unis, en Égypte, en France… Cela a été des expériences incroyables. Chaque résidence a ses caractéristiques et ses motifs d’exister. Je suis allé en Égypte à un moment très difficile, c’était pendant la seconde révolution arabe. Je pensais annuler mais en fait c’était le meilleur moment pour y aller. C’est contradictoire mais j’étais le seul touriste à Alexandrie et le seul touriste autour des pyramides. J’ai eu la chance de voir un pays sans touristes, j’étais le seul étranger qui allait dans différents endroits. C’était aussi une responsabilité pour moi durant cette résidence. Aux États-Unis, j’y suis allé pour la possibilité d’échanger avec des écrivains, éditeurs, critiques, artistes, dans la même résidence, à New-York. En France, à Bordeaux, j’ai eu la chance d’avoir une résidence pendant deux mois et de travailler beaucoup.
Vous en avez déjà refusé ?
F.S. : Oui, pas à cause des résidences elles-mêmes mais en raison du travail ou des engagements. Il faut penser que l’on doit dédier un ou deux mois de sa vie pour aller dans une autre place. C’est souvent presque impossible. Si vous avez un autre travail à côté, des articles pour moi, il faut vraiment s’organiser.
Vous écrivez en catalan, autour de lieux et personnages près de vous, est-ce que ces déplacements vous apportent quelque chose dans votre écriture ?
F.S. : Absolument. Dans mon dernier livre, La Peau, il y a un chapitre qui s’appelle "les avions qui entrent par la fenêtre" où je parle de la résidence à New-York. Je décris une fête de la résidence où il y avait beaucoup d’invités du milieu culturel pour en faire une réflexion sur la littérature. Il y a des gens qui pensent d’une manière tout à fait différente de nous la littérature, les sujets littéraires, les maisons d’édition etc. Ce contraste était incroyable. En France, je n’ai rien écrit sur la France mais il y a beaucoup de choses qui sont différentes de la Catalogne, notamment la politique culturelle qui est aussi une partie de mon travail à côté de la littérature. J’essaie de comparer avec ici, voir ce qui peut être intéressant. Sur la question de l’influence de la résidence sur l’écriture, sur le style, c’est un peu différent parce que on va en résidence avec sa valise, ses idées et son projet. Mais on découvre des choses. À Bordeaux par exemple, je suis allé dans toutes les librairies de bande dessinée et c’était pour moi une grande découverte. Je lis des bandes dessinées mais il n’y a pas chez moi la même fréquence, la même densité. On peut aussi voir la différence de la lecture d’un public à l’autre. Aux États-Unis, il y a une attitude, je ne veux pas dire pas passive mais ils sont habitués aux lectures d’écrivain. En France, il y a beaucoup de discussions, c’est plus actif. Et quand je fais une lecture en Catalogne, je me dis que j’ai connu des modèles très différents et qu’il faut voir ce que l’on peut prendre de l’un et de l’autre.
Ce qui veut dire que l'on entend différemment les résidences d'écriture suivant les pays ?
F.S. : Ce sont des cultures très différentes. Aux États-Unis, il y a beaucoup de gens qui vont dans une résidence parce qu’ils ont payé cette résidence d’une certaine manière (rires), il y a beaucoup de mécénat, de sponsors... On a la sensation de devoir quelque chose à des gens qui ont payé tous les voyages, les Per diem etc. En France, en Allemagne et en Europe, on la sensation qu’il y a une gestion administrative de la résidence, ce qui veut dire que l’on n’est pas en dette avec eux. Il y a une dette avec le public. Ceux qui gèrent la résidence ne veulent rien de toi sauf que tu fasses une bonne lecture, que les gens qui viennent soient contents. C’est aussi une question de gestion privée et de gestion publique. Aux États-Unis, les sponsors ont beaucoup de responsabilité sur les choix des résidents, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas une vision technique des invités. En Europe, il y a plus une question technique, je ne veux pas dire plus démocratique mais je n’ai pas la sensation qu’une lettre de recommandation ait la même force dans l’une et dans l’autre (rires).
Quelle serait pour vous la résidence d'écriture idéale ?
F.S. : Ce serait un "petit Frankenstein" de beaucoup de résidences. En Aquitaine, j’ai beaucoup aimé l’attention à l’écrivain, elle est superbe. Je ne parle pas de mon égo mais il y avait la possibilité d’être le protagoniste de chaque activité. On te laisse te débrouiller pendant une rencontre et une heure de questions, c’est un très bon entraînement ! Dans la résidence aux États-Unis, on n’est pas seul, on lit dix minutes et ça y est. Là pendant une heure, on se confronte aux lecteurs, c’est une chance. Ils ont beaucoup de questions sur la politique, la littérature, le sens de la littérature et on doit avoir des réponses car on est seul devant eux. Aux États-Unis, c’était autre chose, j’ai eu la chance de travailler avec d’autres écrivains, des traducteurs, des critiques, dramaturges… En Égypte, j’ai appris beaucoup de choses sur les difficultés de la gestion de la résidence culturelle dans un pays qui a beaucoup de difficultés. Je ne sais pas s’il y a une résidence idéale et même si on construit le cadre idéal avec tout ce qu’il faut, cela peut quand même se passer mal ou les gens peuvent être mécontents. Je crois qu’il y a surtout une expérience idéale de la résidence.
Francesc Serés : C’est une expérience unique, une chance de travailler sans interférences. On peut se concentrer sur les livres et ce qu’on fait et en plus, on peut échanger notre expérience avec des gens d’autres pays. Je suis allé aux États-Unis, en Égypte, en France… Cela a été des expériences incroyables. Chaque résidence a ses caractéristiques et ses motifs d’exister. Je suis allé en Égypte à un moment très difficile, c’était pendant la seconde révolution arabe. Je pensais annuler mais en fait c’était le meilleur moment pour y aller. C’est contradictoire mais j’étais le seul touriste à Alexandrie et le seul touriste autour des pyramides. J’ai eu la chance de voir un pays sans touristes, j’étais le seul étranger qui allait dans différents endroits. C’était aussi une responsabilité pour moi durant cette résidence. Aux États-Unis, j’y suis allé pour la possibilité d’échanger avec des écrivains, éditeurs, critiques, artistes, dans la même résidence, à New-York. En France, à Bordeaux, j’ai eu la chance d’avoir une résidence pendant deux mois et de travailler beaucoup.
Vous en avez déjà refusé ?
F.S. : Oui, pas à cause des résidences elles-mêmes mais en raison du travail ou des engagements. Il faut penser que l’on doit dédier un ou deux mois de sa vie pour aller dans une autre place. C’est souvent presque impossible. Si vous avez un autre travail à côté, des articles pour moi, il faut vraiment s’organiser.
Vous écrivez en catalan, autour de lieux et personnages près de vous, est-ce que ces déplacements vous apportent quelque chose dans votre écriture ?
F.S. : Absolument. Dans mon dernier livre, La Peau, il y a un chapitre qui s’appelle "les avions qui entrent par la fenêtre" où je parle de la résidence à New-York. Je décris une fête de la résidence où il y avait beaucoup d’invités du milieu culturel pour en faire une réflexion sur la littérature. Il y a des gens qui pensent d’une manière tout à fait différente de nous la littérature, les sujets littéraires, les maisons d’édition etc. Ce contraste était incroyable. En France, je n’ai rien écrit sur la France mais il y a beaucoup de choses qui sont différentes de la Catalogne, notamment la politique culturelle qui est aussi une partie de mon travail à côté de la littérature. J’essaie de comparer avec ici, voir ce qui peut être intéressant. Sur la question de l’influence de la résidence sur l’écriture, sur le style, c’est un peu différent parce que on va en résidence avec sa valise, ses idées et son projet. Mais on découvre des choses. À Bordeaux par exemple, je suis allé dans toutes les librairies de bande dessinée et c’était pour moi une grande découverte. Je lis des bandes dessinées mais il n’y a pas chez moi la même fréquence, la même densité. On peut aussi voir la différence de la lecture d’un public à l’autre. Aux États-Unis, il y a une attitude, je ne veux pas dire pas passive mais ils sont habitués aux lectures d’écrivain. En France, il y a beaucoup de discussions, c’est plus actif. Et quand je fais une lecture en Catalogne, je me dis que j’ai connu des modèles très différents et qu’il faut voir ce que l’on peut prendre de l’un et de l’autre.
Ce qui veut dire que l'on entend différemment les résidences d'écriture suivant les pays ?
F.S. : Ce sont des cultures très différentes. Aux États-Unis, il y a beaucoup de gens qui vont dans une résidence parce qu’ils ont payé cette résidence d’une certaine manière (rires), il y a beaucoup de mécénat, de sponsors... On a la sensation de devoir quelque chose à des gens qui ont payé tous les voyages, les Per diem etc. En France, en Allemagne et en Europe, on la sensation qu’il y a une gestion administrative de la résidence, ce qui veut dire que l’on n’est pas en dette avec eux. Il y a une dette avec le public. Ceux qui gèrent la résidence ne veulent rien de toi sauf que tu fasses une bonne lecture, que les gens qui viennent soient contents. C’est aussi une question de gestion privée et de gestion publique. Aux États-Unis, les sponsors ont beaucoup de responsabilité sur les choix des résidents, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas une vision technique des invités. En Europe, il y a plus une question technique, je ne veux pas dire plus démocratique mais je n’ai pas la sensation qu’une lettre de recommandation ait la même force dans l’une et dans l’autre (rires).
Quelle serait pour vous la résidence d'écriture idéale ?
F.S. : Ce serait un "petit Frankenstein" de beaucoup de résidences. En Aquitaine, j’ai beaucoup aimé l’attention à l’écrivain, elle est superbe. Je ne parle pas de mon égo mais il y avait la possibilité d’être le protagoniste de chaque activité. On te laisse te débrouiller pendant une rencontre et une heure de questions, c’est un très bon entraînement ! Dans la résidence aux États-Unis, on n’est pas seul, on lit dix minutes et ça y est. Là pendant une heure, on se confronte aux lecteurs, c’est une chance. Ils ont beaucoup de questions sur la politique, la littérature, le sens de la littérature et on doit avoir des réponses car on est seul devant eux. Aux États-Unis, c’était autre chose, j’ai eu la chance de travailler avec d’autres écrivains, des traducteurs, des critiques, dramaturges… En Égypte, j’ai appris beaucoup de choses sur les difficultés de la gestion de la résidence culturelle dans un pays qui a beaucoup de difficultés. Je ne sais pas s’il y a une résidence idéale et même si on construit le cadre idéal avec tout ce qu’il faut, cela peut quand même se passer mal ou les gens peuvent être mécontents. Je crois qu’il y a surtout une expérience idéale de la résidence.
Christophe Dabitch écrit des récits et des scénarios de bandes dessinées. Il vit à Bordeaux. Il a travaillé dans différents médias et revues, il mène des ateliers d’écritures et participe à des projets collectifs et à des expositions. Son travail a souvent des bases historiques ou documentaires envisagées comme des points de départ à l’imaginaire ou à différentes formes de récits.