Une résidence d’auteur dans les collèges et les bibliothèques en Dordogne
Depuis onze ans, la bibliothèque départementale Dordogne-Périgord organise, avec le soutien de la Drac, des résidences d’auteurs consacrées à l’écriture de fiction pour les adolescents. Co-construites en partenariat avec une médiathèque et un collège du département, ces résidences associent temps de création et moments de médiation, dans un juste équilibre pour permettre à l’auteur d’avancer dans son travail tout en s’inscrivant dans un territoire à la fois géographique et humain. En 2021, l’écrivaine Manon Fargetton fut accueillie à Terrasson-Lavilledieu.
Les résidences d’écriture organisées par la bibliothèque départementale Dordogne-Périgord ont pour objectif de favoriser la rencontre entre l’écriture et le public adolescent. Dans ce cadre, la résidence ne constitue pas une commande et ne propose pas l’édition d’une œuvre finalisée. Le candidat accepte de consacrer son séjour en Dordogne à l’avancement du travail de création sur la base duquel il aura été choisi et d’en faire une restitution publique en fin de résidence.
Les bibliothèques ont majoritairement calibré leurs propositions de résidence à environ deux mois complets, conscientes qu’un auteur ou une autrice a également une vie de famille et que, pour ceux qui sont par ailleurs salariés, un congé sans solde est difficilement accordé pour une durée plus longue par les employeurs. Habituellement, quelques allers-retours vers leur domicile sont pris en charge par la structure d’accueil.
La médiation proposée par l’auteur en partenariat avec la bibliothèque départementale Dordogne-Périgord, la médiathèque et le collège choisis ne doit pas dépasser quinze journées – soit trente pour cent du temps de résidence – afin de ne pas prendre le pas sur le travail de l’auteur.
Chaque année, un auteur ou une autrice s’installe pendant une dizaine de semaines sur le territoire, où bibliothèques et collèges entrent en partenariat. Une bourse de quatre mille cinq cents euros lui est allouée pour toute la période. Le collège change chaque année. Le Département achète les livres de l’auteur pour le collège auprès des librairies locales et met à disposition du CDI de l'établissement son Modul’ado, un dispositif accueillant, un lieu confortable pour" buller" sur des Fatboy, lire, feuilleter, regarder et emprunter des livres et des CD (deux cent cinquante titres proposés). Dans ce module, les collégiens peuvent retrouver tous les ouvrages de l’auteur en résidence.
Cette année, le collège Jules-Ferry de Terrasson-Lavilledieu et la médiathèque Simone-Veil ont accueilli Manon Fargetton, ancienne régisseuse lumière au théâtre et maintenant écrivaine à plein temps. Avec sa vingtaine de titres publiés à ce jour, elle a remporté nombre de prix littéraires pour des textes qui traitent de thèmes touchant de près aux préoccupations des adolescents, comme l’homophobie, le suicide, le deuil, la solitude ou encore la pauvreté et la solidarité. Ainsi, L’Héritage des Rois-Passeurs, aux éditions Bragelonne, a reçu le prix Imaginales du meilleur roman francophone 2016 et Les Illusions de Sav-Loar, chez le même éditeur, le prix Imaginales des lycéens 2018. En 2020, À quoi rêvent les étoiles a reçu le prix Millepages et il est en lice pour le prix Unicef de la littérature jeunesse.
La résidence de création en Dordogne-Périgord propose à l’auteur un programme très dense, tout en lui laissant le loisir de poursuivre son œuvre dans un cadre beau et confortable. En effet, Manon Fargetton a été hébergée dans un gîte superbe au sein du quartier historique de Terrasson-Lavilledieu avec vue sur la Vézère, qui coule au milieu de la ville. La qualité de l’accueil importe grandement pour ancrer l’écrivain dans un territoire et auprès de ses habitants.
"La répartition des journées d’intervention s’organise en collaboration avec l’autrice, qui a choisi de fractionner sa résidence en plusieurs fois", explique Pascale Loubiat, de la médiathèque départementale Dordogne-Périgord. Manon Fargetton a proposé une carte blanche avec l’Atelier du Trio (Gilles Abier, Thomas Scotto et Cathy Ytak), qui a offert une lecture aux élèves de troisième du texte écrit ensemble, Va te changer !.
Elle a également réalisé des ateliers d’écriture de la sixième à la troisième, des rencontres avec les classes, une signature en librairie qui a rassemblé beaucoup de jeunes avec leurs familles, et des lectures de vingt minutes dans toutes les classes du collège.
Sans oublier la restitution, à la médiathèque Simone-Veil, sous la forme d’une rencontre autour du roman qu’elle a écrit pendant sa résidence : Tout ce que dit Manon est vrai, paru depuis aux éditions Héloïse d’Ormesson. Dans ce texte, Manon Fargetton déploie avec brio le mécanisme de l’emprise dans une relation. Sa sincérité a touché le public à qui elle a lu quelques extraits de son livre en expliquant son travail d’écriture. La séance de dédicaces était organisée en partenariat avec la librairie Méga Presse et s’est poursuivie par un atelier d’écriture proposé par l’autrice.
La médiathèque Simone-Veil de Terrasson-Lavilledieu possède un fonds spécifique destiné aux adolescents. Coutumière des animations en direction de la jeunesse, elle accueille régulièrement un atelier philo en collaboration avec la documentaliste du CDI du collège situé à quatre minutes à pied. La résidence de Manon Fargetton fut l’occasion de mettre en avant non seulement ses ouvrages à elle, mais aussi le fonds important de littérature jeunesse de la médiathèque. Les collégiens y ont été accueillis plusieurs fois pendant la résidence, notamment pour la restitution finale. La bibliothèque est ainsi devenue à leurs yeux un lieu de culture plus proche, puisque Manon leur a montré avec sa sincérité et son talent combien sont vivants les écrivains dont les livres peuplent les étagères. Les six cents collégiens de Jules-Ferry ont tous été impliqués dans cette belle aventure collective.
La résidence d’écriture, selon Manon Fargetton
Éclairagiste professionnelle, Manon Fargetton n’avait jamais bénéficié de résidence d’écriture. Son temps libre se passait principalement sur les routes pour se rendre dans des salons du livre ou des collèges pour des interventions, même en Suisse, en Belgique ou en Polynésie ! Le morcellement de la résidence en raison des vacances scolaires lui a permis de retrouver sa vie personnelle de temps en temps sans que les collégiens s’en aperçoivent. Manon précise que le fractionnement des heures d’écriture, étant donné qu’elle a un autre métier, est son seul rythme de travail possible depuis toujours. Elle ne se voit pas rester deux mois d’affilée en résidence où que ce soit, tant les sollicitations professionnelles sont nombreuses toute l’année.
Elle ne connaissait pas la Dordogne, et son immersion dans un nouveau paysage, pour la Parisienne qu’elle est devenue, fut un enchantement. Vivre à côté de la rivière, de ses lumières et de ses brumes l’a beaucoup impressionnée.
Manon a insisté pour que chacun des six cents collégiens de Terrasson puisse bénéficier de sa présence, allant jusqu’à organiser des petits ateliers d’écriture sur la pause méridienne, principalement pour les classes où elle n’avait pas pu lire.
À lire – bibliographie sélective de Manon Fargetton :
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L’Héritage des Rois-Passeurs, éditions Bragelonne, novembre 2016, 480 p., prix Imaginales du meilleur roman francophone 2016.
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Les Illusions de Sav-Loar, éditions Bragelonne, octobre 2017, 864 p., prix Imaginales des lycéens 2018.
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À quoi rêvent les étoiles, éditions Gallimard Jeunesse, septembre 2020, 400 p., prix Millepages 2020, prix Peep 2021.
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Tout ce que dit Manon est vrai, éditions Héloïse d’Ormesson, août 2021, 416 p.