Beaulieu-sur-Dordogne


Terre de tournages propose de découvrir des lieux précieux ou secrets, qu'on ne voit plus ou auxquels on ne pense pas. Des lieux dont la singularité ou, au contraire, le caractère universel, permettent aux histoires de prendre place. Thrillers, comédies romantiques, enquêtes policières ou drames contemplatifs, tous les écrins existent. ALCA vous plonge dans une rêverie cinématographique, pour impulser des envies, pour y accrocher des récits, pour révéler le territoire limousin dans toute sa richesse géographique et poétique. Le Limousin, une terre de tournages et de légendes à arpenter.
Première légende
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La légende dit que c’est à Beaulieu-sur-Dordogne que se referme la dernière saison de Dix pour cent.
Quelques éléments, pour ceux qui n’auraient pas vu cet épisode. On est à Beaulieu-sur-Dordogne. Décor de carte postale, ruelles pavées, roses trémières… et, au centre, comme une apparition, en sandales et tablier fleuri : Miou-Miou. Réfugiée ici, loin de Paris, des plateaux, des producteurs et des attachés de presse. Très peu savent où elle est, et ceux-ci savent qu’elle veut la paix.
Seulement voilà. Marco Bellocchio tourne une série historique, et il a décidé que c’était Miou-Miou, et personne d’autre, qui devait jouer la Mère supérieure. La production est interrompue, tout le monde est aux abois.
Andréa représente Bellocchio, et veut rétablir la situation. Thibault est l’ancien agent de Miou-Miou, il sait où la trouver, et il a besoin d’un coup d’éclat pour se relancer. Andréa et Thibault prennent sur eux, oublient un moment leur aversion mutuelle, et partent ensemble à Beaulieu.
Sauf que Miou-Miou leur claque la porte au nez. Thibault et Andréa se retrouvent en tête-à-tête dans ce décor idyllique, et se souviennent qu’ils se détestent. Après une violente altercation, Andréa rencontre une jeune agricultrice et se découvre un irrépressible amour pour le fromage de chèvre local. Amour que partage Miou-Miou. Les trois femmes sympathisent autour d’un bon verre de rouge et d’une montagne de Chèvre, et Miou-Miou finit par accepter de reprendre le rôle de la Mère supérieure. À condition que Marco Bellocchio vienne la filmer à Beaulieu.
Ce qu’il fait, et c’est la dernière séquence : Miou-Miou conclut sa scène magistralement, Bellocchio et ses techniciens en ont les larmes aux yeux. Le réalisateur supplie l’actrice de le rejoindre à Rome pour son prochain long-métrage. Elle accepte. On retrouve alors Andréa, un verre de rouge à la main, sur la terrasse de Miou-Miou. Elle a l’air plus calme que jamais. Devant elle coule la Dordogne. Rideau.
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Seconde légende
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On est en 855. L’Aquitaine prend forme, et Rodolphe s’y est bien employé. On en sait peu sur lui, sinon qu’il est le fils du comte de Quercy — mais le fils cadet, celui qui n’hérite pas, qui compte à peine et que, de fait, ses parents offrent à l’Église comme oblat.
Il faut l’imaginer enfant à l’abbaye de Solignac. Il a quitté la lumière blanche du Quercy, sa mère Aiga, ses frères Immon et Godefroy. En contrepartie, on lui offre la règle bénédictine, "Prie et travaille", et la compagnie des moines. Quoi qu’il ait pu penser de la transaction, il fait belle carrière dans les ordres, au point de devenir un jour archevêque de Bourges.
Rodolphe accède alors au grand jeu, celui qui peut coûter la vie. Il est proche de Pépin II, proclamé roi d’Aquitaine à la mort de son père. Mais le grand-père de Pépin ne le reconnait pas et lui préfère son propre fils, Charles le Chauve. Le jeu des trônes s’enclenche, Rodolphe s’engage dans les négociations entre l’oncle et le neveu, et finit par prendre le parti de Charles lorsque Pépin est emprisonné. On pourrait y voir une trahison, au moins de l’opportunisme. On ne sait pas. Ce qui est sûr, c’est qu’en des temps dangereux, il a bien manœuvré.
Le voilà donc en 855, et sa vie semble connaître un repli. Son père est mort. Il revient sur les terres familiales et décide d’y fonder une abbaye. Il cherche le meilleur endroit, longe la Dordogne, et s’arrête dans l’une de ses boucles. C’est là. Et ce sera Bellus Locus, "beau lieu". Il fait appel aux moines de Solignac, qu’il allie à sa famille, pour bâtir et peupler l’abbaye. Il ne lui reste que peu d’années. Mais il a enfin réuni tous les fragments de sa vie.