Sous le feu des projecteurs
En avril 2021 a été lancé le concours "Premiers feux – concours des jeunes écritures" créé à l’initiative de cinq enseignants des universités Bordeaux Montaigne et de Limoges. Il est destiné aux étudiants de la Nouvelle-Aquitaine inscrits dans un établissement universitaire ou une école publique d’art ainsi qu’aux jeunes qui viennent juste de terminer leur formation.
Initialement pensé comme un concours d’écriture dramatique, Premiers feux s’est ouvert à d’autres disciplines : écriture de scénario, pamphlet/manifeste et illustration et ce, afin de promouvoir l’écriture sous différentes formes et de soutenir de jeunes créateurs émergents dans toute la Région.
Portée à l’origine par Pierre Katuszewski, maître de conférences en études théâtrales et vice-président délégué Politique culturelle à l’université Bordeaux Montaigne, l’idée a rapidement conquis ses collègues et a donc permis cet élargissement : Camille Gendrault, maîtresse de conférences en cinéma et audiovisuel, Julien Béziat, maître de conférences en arts plastiques et responsable du master Illustration1, et Anne-Perrine Couët, enseignante en arts plastiques ont ainsi rejoint le projet, de même que Jean-Michel Devésa, professeur de littérature.
La volonté de mettre en avant l’écriture théâtrale est d’abord née du constat d’une insuffisance dans l’enseignement de ce genre, comme le souligne Pierre Katuszewski : "Je trouvais qu’il y avait un manque concernant l’écriture dramatique : les études proposées par les écoles nationales privilégient souvent la mise en scène, le jeu de l’acteur. À l’Ensatt2, il y a bien une section écriture, mais cela me paraissait important, à côté de ces écoles qui sont très sélectives, de promouvoir le travail des étudiants. Ce n’est pas pour mettre en concurrence les écoles nationales et l’université ; nous-mêmes, on travaille avec l’éstba3 main dans la main, mais l’objectif est simplement de valoriser plus largement l’écriture dramatique."
"Le concours que nous mettons en place cette année a aussi été pensé au départ dans l’idée d’accompagner ce mouvement d’affirmation de l’existence des auteurs dramatiques."
L’initiative visait aussi à accompagner un mouvement de soutien aux auteurs dramatiques démarré en 2018 en réaction à un effacement croissant de la profession : "Il y a eu, pendant un moment, dans l’histoire récente du théâtre, une focalisation sur la mise en scène, avec ce que l’on appelle les “écrivains de plateaux” : ils écrivent à partir de la scène des formes qui ne sont pas forcément textuelles, mais qui peuvent être aussi visuelles, plastiques, sonores… On a vu par ailleurs beaucoup de mises en scène de romans, de nouvelles, de témoignages, etc., ce qui est très bien en soi, mais cela révèle aussi que les auteurs de théâtre ont parfois été invisibilisés. De la même manière, on retrouve souvent à la tête des institutions des metteurs en scène ou des acteurs, très rarement des auteurs. De ce fait, une mobilisation très forte des auteurs et des autrices de théâtre a démarré en 2018. Des états généraux de l’écriture dramatique ont été lancés à Paris. Ils ont permis de soulever beaucoup de questions et d’aboutir à des propositions faites au ministère de la Culture pour soutenir ce genre. Le concours que nous mettons en place cette année a aussi été pensé au départ dans l’idée d’accompagner ce mouvement d’affirmation de l’existence des auteurs dramatiques." Pour cette catégorie, il sera demandé aux participants d’écrire un texte d’au plus cent vingt mille signes, pensé pour la scène, avec une prise en compte de sa réception par un public et non simplement écrit en vue d’une lecture.
L’idée de mettre en avant le genre du pamphlet et du manifeste, portée par Jean-Michel Devésa4, vise à inciter les jeunes à formaliser par écrit leur engagement politique. Ils auront ainsi l’opportunité de s’exprimer sur des questions actuelles de société, telles que l’écologie ou les notions d’égalité et de genre.
Côté cinéma, il s’agira d’écrire un scénario pour un court métrage de fiction en prise de vue réelle d’une durée de quinze minutes environ. Une grande liberté sera laissée aux candidats, sans critère de faisabilité pour laisser libre cours à l’imagination. Seules compteront l’originalité, la qualité de l’écriture, l’invention fictionnelle.
Enfin, pour l’illustration, les participants devront créer cinq planches inédites – le critère de nouveauté valant pour l’ensemble des catégories – qui seront un extrait ou présenteront un projet plus développé. Toutes les techniques graphiques sont autorisées.
Le concours est ouvert à tous les étudiants, sans limite d’âge et quels que soient leurs domaines d’étude – avis aux scientifiques, par exemple, qui voudraient expérimenter d’autres aptitudes…
Un lauréat par catégorie5 recevra de l'université Bordeaux Montaigne la somme de 1 000 € et se verra par ailleurs invité aux journées et aux ateliers professionnels dans le cadre de la programmation annuelle d’ALCA. Le jury sera composé par moitié d’enseignants-chercheurs et de professionnels. Une phase de restitution est également programmée avec une lecture des textes primés par des artistes dramatiques sur la scène du TNBA et au cinéma Jean-Eustache de Pessac pour les scénarios. L’occasion pour ces jeunes créateurs de faire entendre leurs voix face à un public averti. Peut-être un premier pas vers la professionnalisation ?
1Créé en 2020 à Bordeaux Montaigne, le master Illustration est une formation inédite dans les universités françaises qui vise l’insertion professionnelle des étudiants et le développement de la recherche dans le domaine de l’illustration.
2École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre.
3École supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine.
4Jean-Michel Devésa est également auteur. Il vient de publier, aux éditions Le Bateau ivre, Scènes de la guerre sociale, ouvrage dans lequel il relate, comme une sorte de journal de bord, son expérience des manifestations de contestation des gilets jaunes auxquelles il a participé de février à juin 2019.
5Le concours portera seulement sur trois catégories pour cette première édition : scénario, écriture dramatique et illustration.