La Ruche : un premier pas sur l’immense voie vers le cinéma
À l'occasion du Festival international du film indépendant de Bordeaux (Fifib), ALCA a accueilli à la MÉCA du 11 au 15 octobre derniers la neuvième promotion de la Ruche. Lancée par Gindou Cinéma en 2013, cette action a pour objectif de proposer un accompagnement à huit jeunes auteurs et autrices dans l’écriture de scénario en vue d’un premier court métrage professionnel.
Publié en février dernier, l’appel à candidatures pour la session 2021 a connu un succès inédit. Plus de 200 dossiers sont parvenus à Gindou, petite commune du Lot, fief de l’association Gindou Cinéma qui œuvre depuis 1989 à développer des actions d’éducation à l’image orientées prioritairement vers les jeunes publics mais aussi des actions pour le public professionnel : résidences d’écriture de scénario et bureau d’accueil de tournages. La Ruche a été créée en 2013 dans l’objectif de proposer un accompagnement à des jeunes créateurs qui sont éloignés du milieu du cinéma : pas d’étude de cinéma, pas de réseau personnel.
L’intention
L’esprit depuis le départ est de s’adresser à de jeunes réalisateurs et réalisatrices dans la tranche d’âge 20-30 ans, qui sont autodidactes et n’ont donc pas de formation ou d’expérience dans le domaine du cinéma. La sélection vise aussi une diversité socio-culturelle et territoriale. Huit projets sont retenus chaque année, les dossiers présentant un projet de court métrage. Les participants sont donc inexpérimentés mais ils sont convaincants dans leur envie d’aller plus loin.
Pour faire ces métiers et notamment réalisateur, un point d’entrée, une mise en réseau est nécessaire pour aborder le monde professionnel et c’est ce que ce programme prévoit : écrire le projet, le développer pour le présenter aux producteurs et avoir la possibilité d’un premier film produit. La notion de premier réseau professionnel est fondamentale et tout aussi déterminante que de développer son projet d’écriture. C’est pourquoi le programme, qui dure six mois en trois temps, est toujours adossé à des festivals de cinéma, pour avoir des échanges avec d’autres cinéastes, des producteurs.
L’évolution et la sélection
De 20 dossiers la première année à 200 en 2021, le succès et la notoriété du programme n’est pas démentie. La demande d’accompagnement à l’écriture est forte. Si le côté autodidacte est le point de départ, il s’apprécie au cas par cas. Ce qui est détecté, c’est la nécessité, le besoin d’accompagnement, l’équilibre entre la qualité du projet et la détermination de la personne.
Parmi les dossiers retenus, une diversité territoriale est souhaitée : "Il y aura toujours une majorité en provenance d’Île-de-France, mais souvent on monte à Paris pour travailler alors qu’on vient d’ailleurs", explique Sébastien Lasserre, co-directeur de Gindou Cinéma et notamment responsable de l’action la Ruche avec Carole Garrapit.
Le déroulé du programme
Les huit auteurs se retrouvent dans un premier temps en résidence pendant dix jours en août lors des Rencontres Cinéma de Gindou. Ensuite, le programme est associé à deux festivals de cinéma dans deux régions où se situent les résidences. La première a lieu à Bordeaux, donc, pendant le Festival international du film indépendant de Bordeaux (Fifib) en partenariat avec ALCA, l’autre à Villeurbanne durant le Festival du film court de Villeurbanne en partenariat avec Auvergne Rhône-Alpes Cinéma et la Cinéfabrique. Le programme s’achève par une rencontre avec des producteurs à la Maison des auteurs de la SACD à Paris.
À Bordeaux, les auteurs et autrices ont travaillé une semaine à la MÉCA, en atelier, en format individuel et ont assisté notamment à la séance Pitch du Clos (Créations libres et originales du septième art), une résidence artistique proposée en Nouvelle-Aquitaine par le Fifib.
Virginie Legeay et Dania Reymond-Boughenou – cette dernière étant associée pour la première fois au programme –, sont les principales intervenantes auprès des apprentis cinéastes ; elles sont elles-mêmes réalisatrices, scénaristes. Elles racontent l’évolution des jeunes lors de ces résidences : "Ils et elles arrivent avec des projets qui sont à des stades très divers d'avancement. Cela peut aller d'une simple ébauche à une continuité dialoguée déjà avancée. Les attentes sont donc très différentes. L'idée c'est qu'à la fin de la résidence, ils aient tous un texte suffisamment élaboré et construit pour être présenté à un producteur. Le travail d'écriture se poursuit souvent après la Ruche. Dès la première session, des bonds énormes sont faits, dans la compréhension et l'appropriation de leur projet. C'est assez excitant car nous sommes témoins de belles transformations et, quelque part, les premiers spectateurs !"
Dans leur tutorat, elles se servent de leur propre expérience artistique pour accompagner les jeunes dans leur propre trajectoire. Elles savent que le travail d’écriture nécessite un regard extérieur pour amener une distance et un discernement. C'est cette place qu’elles occupent auprès des jeunes auteurs, en les aidant à identifier la singularité de leur projet, de se l'approprier et de leur permettre d'y accéder plus facilement.
Pour le responsable, "ce qui est important c’est que les gens trouvent leur voie dans le cinéma en étant accompagné dans cet immense parcours. Le cercle ne cesse de s’agrandir des réalisatrices et réalisateurs qui sont passés par chez nous et qui sont lancés. Ce que je retiens c’est que la poursuite du parcours est liée à la motivation, voir la nécessité de faire du cinéma."
La communauté de la Ruche : des noms prometteurs
Au fil des années, la communauté de la Ruche s’agrandit et le collectif fonctionne. Les anciens gardent un lien fort avec l’association et jouent le jeu en échangeant avec les nouveaux.
Maïmouna Doucouré a été élève lors de la toute première session en 2013. Elle est un exemple emblématique de nos promotions. "Dans son groupe, c’était la plus déterminée", observe Sébastien Lasserre. Lors de cette session, elle a été accompagnée sur le projet d’écriture de Maman, son court métrage, qui, depuis, a été produit et primé dans le monde entier (prix du meilleur court métrage au Festival de Toronto au Canada, prix du meilleur court métrage international au Festival du film de Sundance aux États-Unis et le César 2017 du meilleur court métrage). Récemment, elle réalise le long métrage Mignonnes, qui sort sur les écrans en août 2020, qui a reçu le César du meilleur premier film et fait partie de la short-list pour représenter la France aux Oscars cette année.
Enricka Moutou est aussi un nom à retenir. La jeune réalisatrice a démarré lors de la promotion 2016. Ce fut un temps formateur, structurant : "J'ai eu la chance d'y développer le scénario de Dorlis, mon second court métrage. Cette résidence d'écriture m'a appris les bases de l'écriture d'un scénario court. À la fin du dispositif, je disposais d'une V1 que j'ai présentée à des producteurs lors de la journée de pitch qu'organise la Ruche avec la SACD. Quelques mois plus tard, j'ai signé avec Caimans production et notre film a pu se tourner fin 2020 avec le soutien de la Région Martinique, du fonds Outre-mer du CNC, du fonds de la diversité et de bénéficier d'un pré-achat de France 3. Aujourd'hui, il démarre sa vie en festival avec une première symbolique et émouvante pour moi au Festival de Gindou dont l'équipe n'a cessé de m'encourager depuis la résidence et a remporté 4 prix depuis."
Derniers exemples, dans la campagne girondine, entre Villenave-de-Rions et Cadillac, Alexis et Jeremy Lopes préparent leur prochain court métrage qui a notamment reçu l'aide de la Région Nouvelle-Aquitaine et du Département du Lot-et-Garonne, avec le soutien d’une productrice rencontrée grâce à la Ruche. "Ce programme nous a aussi permis d'acquérir les fondamentaux de l'écriture et de la narration cinématographique", témoignent-ils.
La promotion 2021
En 2021, la sélection a été réalisée par les deux tutrices Virginie Legeay et Dania Reymond-Boughenou, Sébastien Lasserre et Carole Garrapit, et deux cinéastes : Carine May et Philippe Étienne. "Cette année, curieusement, sept projets ont trait au sujet de la migration, traité de manière très différente d’un projet à l’autre, c’est le hasard et c’est inédit, cela dit quelque chose de notre époque", constate Sébastien Lasserre.
Retenez donc ces noms, ils ont démontré leur détermination, ont convaincu par leur projet d’écriture. L’accompagnement individualisé, le temps passé et le côté communauté sont les ingrédients du succès de la Ruche et sont les éléments qui permettront à cette nouvelle équipée de se lancer dans cet immense parcours pour trouver leur voie dans le cinéma.
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Meryem-Bahia Arfaoui, projet À la ligne
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Abdoulaye Diop, projet Oto
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Tom Doumaux, projet Amen amen amen
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Ahmed Yassine Drissi, projet Pirlo
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Bénédicte Dubuisson, projet Le Jour des cendres
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Mailys Itier, projet Maurine
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Olga Stuga, projet Travailleur détaché
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Jackee Toto, projet Taxi noir