Plan national en faveur des bibliothèques : qu’en disent les professionnels ?
Le 22 septembre dernier, la MECA accueillait la 9e Journée régionale de l’Inventivité en bibliothèque. L’occasion de tendre le micro aux professionnelles sur deux projets d’actualité portés par le gouvernement : une campagne de mobilisation en faveur des bibliothèques et le projet d’extension des horaires d’ouverture. Impressions.
L’émulation est partout sur la terrasse de la MECA : quelques 200 bibliothécaires sont réunis toute la journée pour partager leurs inspirations autour du thème de la transition écologique. Au programme, concocté avec l’Urfist, Médiaquitaine et biblio.gironde : écoresponsabiblité, podcast, calculettes, grilles et autres baromètres de la transition écologique.
Dans le foisonnement des interventions, la campagne en faveur des bibliothèques lancée par le gouvernement le 6 septembre 20231 n’occupe pas le cœur des conversations. Mais ce n’est pas la seule raison du peu d’écho trouvé à ce plan gouvernemental. Car si la volonté d’attirer l’attention du public sur les médiathèques est louée par l’ensemble des professionnelles, elles relèvent plusieurs problèmes.
Un rendez-vous manqué
Premier regret, l’absence d’anticipation : "La campagne était complètement invisible ; les élu·es ne m’en ont pas parlé, ni les services de comm’" déplore Brigitte Groleau, directrice du réseau des bibliothèques de l’agglo 2B, dans le nord de Saivres. C’est juste avant la pause estivale que la mobilisation a été annoncée ; certaines professionnelles l’ont découverte après son lancement, quand d’autres n’avaient toujours pas vu le spot publicitaire pourtant réalisé en partenariat avec France Bleu et France télévisions. "C’est décevant au regard des enjeux : faire reconnaître la place et l’intérêt des médiathèques" se désole Elsa Scattolin, directrice de la médiathèque d’Eysines.
L’ouverture sur le monde est au cœur de cette campagne publicitaire diffusée par voie d’affiches ou spots télévisés. Un axe qui permet de mettre en lumière la grande diversité de ressources et de services auxquels on accède dans ces espaces, mais qui manque en grande partie sa cible : "Les associations professionnelles avaient indiqué les populations qu’il faudrait toucher, à savoir les ado et les jeunes adultes, qui désertent les bibliothèques et les médiathèques." Tik-Tok, ou des partenariats avec des booktubeuses et booktubeurs paraissent plus indiqués pour atteindre la génération Z. Certaines évoquent également le besoin de campagnes en direction de publics alophones, et d’une valorisation de la bibliothèque comme lieu d’accueil – chauffé – pour attirer les publics précarisés.
C’est enfin l’aspect one-shot que déplorent les bibliothécaires qui appellent à une médiation au long cours. Cette même critique du "court-termisme" est d’ailleurs opposée au projet d’extension des horaires d’ouverture de leurs établissements.
Ouvrir plus longtemps : pour combien de temps ?
"Plus d’ouverture signifie plus de monde, plus d’idées, d’originalité, d’inventivité, de diversité, de compétences" énumère Marie-Dominique Charbonnier, responsable de la médiathèque du MI[X] à Mourenx. Là encore, tout le monde en convient.
Depuis quatre ans, à Bordeaux, la bibliothèque Mériadeck est ouverte 7 jours sur 7. C’est un succès. Familles, étudiantes et étudiants viennent y trouver refuge : "Le dimanche après-midi, on est à plus de 1000 personnes en 4 heures" souligne Mathilde Peyrou. La directrice adjointe du réseau des bibliothèques de Bordeaux insiste sur l’importance de préparer en amont un tel changement : investissements de fonctionnement, automatisation, négociations salariales, recrutement de vacataires : "Cette nouvelle organisation chamboule la vie des agents. C’est important de le prendre en compte."
L’État soutient la mise en place de ce dispositif, puis délègue la pérennisation aux collectivités qui, bien souvent, ne peuvent l’assumer. Exemple à Blanquefort, où depuis 2019, la médiathèque Assia Djebar est passée de 30 heures à 35 heures d’ouverture hebdomadaires : "Nous sommes obligées de restreindre aujourd’hui : les postes de titulaires ne sont pas renouvelés et il faut du personnel pour assurer ces ouvertures" note Béatrice Castay, bibliothécaire à Blanquefort. Alexia Dagréou responsable du service culture et pratiques artistiques de la commune le déplore, elle aussi : "C’est un peu un retour en arrière."
Et après ?
Attirer l’attention, ouvrir plus … oui. Mais aux réponses ponctuelles apportées pour concrétiser ces projets, les bibliothécaires posent toutes la même question : et après ? Et Sophie Bobet d’aller plus loin sur les mesures attendues : revalorisation des régimes indemnitaires des bibliothécaires et engagement en faveur de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes : "On est trop souvent dans le bas de l’échelle, alors qu’on a des missions similaires à des conservateurs et conservatrices du patrimoine. Et comme ce métier est fortement féminisé, on a trop tendance à considérer que c’est intellectuel, décalé, et que c’est notre argent de poche." À un regret succède toujours un rebond, une idée, une vision dans la bouche des professionnelles qui incarnent ce jour-là pleinement l’Inventivité.
Pour cheminer vers plus d’égalité et d’ouverture dans ces véritables lieux de vie que sont les médiathèques, il semble essentiel d’écouter celles et ceux qui nous font lire.
1. Le Plan Bibliothèques : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Livre-et-lecture/Les-bibliotheques-publiques/Plan-Bibliotheques