Trapèze : un nouveau lieu de résidence engagé
IanE1 Sirota et Nolwen Terrien cofondent Trapèze en 2021 : un lieu de résidence de création, installé à Saint-Jean-d’Angély, en Charente-Maritime, pour prendre soin de soi et des autres.
IanE, Nolwen, quels sont vos parcours ?
IanE Sirota : Je suis plasticienNE et auteurice queer écoféministe. J’ai fait face à différents types de violences, passant d’une volonté de censure de mon propos au refus de respecter mon genre. La nécessité d’espaces de création où la parole est accueillie et où l’individu est respecté s’est fait jour comme une évidence.
Nolwen Terrien : Je suis une travailleuse du livre ; je suis relectrice pour des maisons d’édition et j’en ai fondé une petite, Pousse-pied. J’ai été trois ans en charge de la programmation et de l’animation de rencontres littéraires pour un festival et j’ai à cœur de continuer à faire entendre des voix plurielles avec Trapèze.
Pouvez-vous nous parler de Trapèze ?
I. S. : C’est une association de soutien à la création et à la diffusion, prioritairement pour des artistes auteurices et des propos qui peuvent manquer de cet appui, dans une perspective de lutte contre les discriminations.
N. T. : Nous coprogrammons des événements en partenariat avec les structures culturelles de la ville de Saint-Jean-d’Angély. Nous menons aussi un travail interassociatif avec des résidences amies (La Maison François Méchain, Le Pli, la Villa Valmont, etc.2) pour que les artistes se rencontrent.
"Prendre soin de soi et des autres, c’est un acte politique"
Trapèze a un positionnement fort par rapport aux questions de parité, d’égalité, de diversité et de lutte contre les discriminations…
I. S. : Dès la rédaction de nos statuts, nous avons inscrit la lutte contre les discriminations dans nos objectifs. Trapèze est constituée de personnes qui sont engagées, sensibles à ces thématiques, souvent parce qu’elles sont directement concernées.
C’est une réelle responsabilité pour vous ?
I. S. : Pour appuyer sur l’enjeu de responsabilité, et notamment sur les enjeux de santé mentale pour les personnes qu’on accueille, il n’y a pas d’injonction à la production.
N. T. : On sait que les artistes et auteurices précaires n’ont pas toujours accès à des espaces de répit. D’ailleurs, nos membres actifs·ves peuvent venir en "séjour de repos créatif", bénéficier des ateliers, avec du temps de qualité, un accès à la nature… Prendre soin de soi et des autres, c’est un acte politique. Aussi, l’accessibilité, tant pour les résidents et les résidentes que pour les publics, est une priorité.
I. S. : Il y a aussi la responsabilité environnementale. Malgré notre budget contraint, on a pu avoir recours au circuit court pour des matériaux renouvelables non polluants et respectueux du bâti ancien. Le potager est un outil d’éducation populaire en la matière.
Et puis étant moi-même syndiquéE, promouvoir les droits des artistes auteurices pour qu’iels soient respecté·e·s, valorisé·e·s, rémunéré·e·s et les informer pour leur permettre de mieux comprendre leur environnement administratif, font partie de mes missions au sein de Trapèze et au-delà.
N. T. : Nous souhaitons aussi prendre notre part dans l’éducation artistique et culturelle au sein de notre lieu, rural. S’inscrire dans notre voisinage immédiat, travailler avec les structures locales, les établissements scolaires, etc. est crucial pour nous.
Vous parlez de point de vue situé, qu’entendez-vous par là ?
I. S. : Ce qui nous intéresse, c’est de promouvoir les points de vue pluriels qui décrivent le monde avec ses injustices actuelles et permettent de penser faire société autrement. L’enjeu est de bousculer celleux qui sont un peu endormi·e·s dans leur confort relatif et de réconforter celleux qui n’ont pas accès à ce confort, dont la dignité n’est pas respectée.
Quelles sont les actualités à venir pour Trapèze ?
N. T. : Nous allons bientôt accueillir notre première résidente, l’autrice et traductrice Noémie Grunenwald, pendant huit semaines, avec le soutien d’ALCA en tant que lieu de résidence émergent. En 2025, nous ouvrirons un espace d’exposition qui accueillera des soirées littéraires.
1. Les majuscules en finales, comme le point médian ou le redoublement, sont des formes d’écriture démasculinisée (dite inclusive), utilisées pour des groupes et de façon individuelle ; c’est alors la personne concernée qui définit la forme qui lui correspond. Respecter ces usages, c’est respecter les personnes.
2. La plupart de ces lieux font partie du réseau des résidences en Nouvelle-Aquitaine.
(Photo : Anne Collongues)