Une coopération avec l’Institut français du Sénégal pour accompagner la création francophone
Depuis 2017, ALCA et l’Institut des Afriques proposent chaque année une résidence d’écriture en Nouvelle-Aquitaine, ouverte aux autrices et aux auteurs francophones africains et haïtiens, et visant à accompagner l’émergence de nouveaux talents littéraires de ces territoires. Portée désormais par une coopération internationale avec l’Institut français du Sénégal et adossée à la Villa Saint-Louis Ndar, la résidence internationale d’écriture francophone Afriques-Haïti se transforme pour l’édition 2025 en une résidence de trois mois avec un accueil sur les deux continents. Entretien avec Aimée Ardouin, responsable de la mission Résidences/Chalet Mauriac à ALCA, Victor Faye, coordinateur de la Villa Saint-Louis Ndar1 au Sénégal, et Dana Khouri, coordinatrice de l’Institut des Afriques2 (IdAf).
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Dans le cadre de la politique culturelle et internationale de la Région Nouvelle-Aquitaine, Aimée Ardouin, vous accompagnez les résidences du Chalet Mauriac et, depuis 2022, les résidences de coopération internationale d’ALCA, dont celle dite "Afriques-Haïti". Comment avez-vous souhaité faire évoluer ce dispositif pour 2025 ?
Aimée Ardouin : L’enjeu était d’assurer la continuité de ces résidences d’écriture tournées vers l’international (Québec, Land Hesse, Afriques-Haïti) en envisageant de nouvelles dynamiques. En sept ans, la résidence Afriques-Haïti a acquis une aura et une belle visibilité professionnelle ; à ce stade, il s’agissait de continuer à travailler son enracinement et son déploiement dans le paysage des aides à la création.
Depuis 2023, nous avions déjà élargi la résidence à huit semaines réparties dans trois lieux du réseau régional des résidences d’écriture de Nouvelle-Aquitaine, attachés aux questions francophones (la Maison des écritures de La Rochelle, la Maison des auteurs.rices des Francophonies – Des écritures à la scène de Limoges et la Villa Valmont – Maison des écritures et des paysages de Lormont). Pour préparer 2025, nous avons maillé avec un partenaire implanté sur le continent africain. La Villa Saint-Louis Ndar au Sénégal apporte désormais un regard renouvelé sur les projets d’écriture que nous recevons à la suite de l’appel à candidatures, s’appuyant sur la réalité des filières livres des Afriques et d’Haïti. En coordonnant nos savoir-faire et nos capacités à accompagner des projets ensemble, d’un continent à l’autre, nous espérons que ce dispositif va en être consolidé et pérennisé.
L’IdAf a pour mission de favoriser le rayonnement des dynamiques africaines présentes en Nouvelle-Aquitaine ; il signe aussi des coopérations internationales pour valoriser les nouvelles formes narratives de ce continent et des Caraïbes. Aussi, qu’attendait l’IdAf de cette passerelle entre nos deux continents ?
Dana Khouri : Nous souhaitions favoriser une circulation des auteurs et des autrices dans les espaces intra africains. L’idée de s’associer avec l’Institut français du Sénégal et la Villa Saint-Louis Ndar qu’il gère est venue naturellement du fait des liens déjà existants avec l’IdAf. Cela nous a immédiatement semblé évident vu la qualité du lieu, de l’accompagnement offert, de la pluridisciplinarité des auteurs qui y sont accueillis et, aussi, de leur expérience de résidences en lien avec la France, notamment avec la Cité internationale des arts de Paris.
Ce partenariat donne ainsi une dimension africaine à cette résidence. À la mutualisation de nos moyens, est venu s’ajouter un nouveau processus de sélection des candidatures apporté par la Villa Saint-Louis Ndar. Celui-ci consiste, après un premier choix, à auditionner en visio les candidats retenus, en présence de tous les partenaires, afin d’élire la personne et le projet qui épousent au plus près les visions et les territoires des différents lieux de résidence où le projet va s’épanouir.
La Villa Saint-Louis Ndar, ouverte en 2019, est un lieu de résidence artistique pluridisciplinaire, l’un des premiers sur le continent africain. Intégrée au réseau des villas culturelles de l’Institut français, elle a déjà accueilli une centaine d’artistes et de chercheurs internationaux. Victor Faye, qu’est-ce qui vous a semblé pertinent, avec l’Institut français, dans cette coopération ?
Victor Faye : L’Institut français a pour mission de promouvoir la langue et la culture françaises, en coconstruisant notamment des projets dont les partenariats favorisent les échanges interculturels. Aussi, accompagner la politique culturelle internationale de la Région Nouvelle-Aquitaine, aux côtés d’ALCA et de l’IdAf, tout en soutenant la mobilité des talents et en encourageant la rencontre avec la culture du Sénégal ne peut que contribuer à renforcer l’attractivité de nos deux pays, d’autant que Saint-Louis est inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco depuis 2000. Ensuite, quand on a découvert l’IdAf, nous avons constaté que ses programmes rejoignaient les nôtres. Pour savoir comment nous pouvions collaborer, une visite à Bordeaux s’imposait. C’est à ce moment-là qu’Aimée Ardouin a souhaité travailler sur l’évolution de la résidence. Cette convergence a immédiatement donné du sens à toutes nos attentes. Au retour, j’ai présenté le projet de coopération à Isabelle Boiro-Gruet, la directrice déléguée de l’Institut français à Saint-Louis du Sénégal, qu’elle a adopté tant il rejoignait nos missions. D’une part, les dispositifs de résidence de la villa reposent sur la langue française, puisque c’est celle qui nous permet de communiquer ici avec la population, d’autre part, on ne pouvait qu’encourager ce partenariat puisqu’il est rare que des institutions en France accompagnent l’émergence d’auteurs haïtiens et africains.
Comment avez-vous souhaité vous insérer dans cette coopération ?
V. F. : L’Institut français a mis à disposition sa plateforme numérique d’appels à projets et nous avons proposé d’apporter notre expertise dans la sélection des dossiers parce que nous connaissons la situation de la chaîne du livre ici, ainsi que celle des auteurs. Nous avons donc proposé à un éditeur de mener une première expertise des candidatures car, par son métier, il sait évaluer les contenus littéraires des manuscrits qui émanent du continent ; il sait ce qu’il publierait et ce qui se lirait ici.
Ce qui est important pour nous sur ce dispositif, c’est la continuité : trois mois, c’est le temps nécessaire pour approfondir un projet et acquérir une compréhension des territoires. Le ou la lauréate va rencontrer des professionnels du livre, créer un réseau, se faire connaître et, au-delà des temps de médiation publics que l’on va organiser, tous les moments informels vont tout autant alimenter son projet en cours et lui être bénéfiques. Nous avons donc hâte de recevoir l’heureux ou l’heureuse lauréate.
1. villandar.ifs.sn/la-villa-saint-louis-ndar-senegal
Nota : La résidence, qui est dotée d’une bourse, se déroulera du 1er février au 30 avril 2025. Le ou la lauréate francophone de Haïti ou de l’un des pays africains sera accueillie en premier à la Villa Saint-Louis Ndar, durant quatre semaines (du 1er au 28 février). Retrouvez toutes les informations sur cette résidence sur alca-nouvelle-aquitaine.fr
(Photo : Centre international de poésie Marseille)