"Amélie et la métaphysique des tubes", braver l’amnésie infantile


Liane-Cho Han et Maïlys Vallade traduisent magistralement en animation l'autobiographie, de 0 à 3 ans, de la fantasque Amélie Nothomb. Un hommage vibrant et magnifique à l’esprit vif et à la langue bien plantée de l’autrice belge ainsi qu’à son pays d’adoption, le Japon.
Adapter un ouvrage d’Amélie Nothomb relève déjà du pari mais s’attaquer à sa Métaphysique des tubes, petit précis de philosophie à hauteur d’enfant, tient du défi. Comment plonger le spectateur aux côtés de cette gamine si singulière ? Par quel biais traduire la pensée décalée de son autrice, se visualisant comme un tube de 0 à 2 ans et demi ? Comment suivre ensuite les premiers pas de cette Amélie bien décidée à se souvenir de tout et à braver l’amnésie infantile ? Éveillée à la vie grâce à la magie du chocolat blanc belge, après une longue période d’apathie, Amélie savoure chaque instant, révélant, touche par touche, les pans de sa personnalité si attachante alors chrysalide. Un apprentissage sublimé par le style graphique singulier des créateurs, Liane-Cho Han et Maïlys Vallade. Depuis l’École des Gobelins, ce duo a parcouru du chemin, se faisant notamment la plume et le pinceau sur Calamity, de Remi Chayé. Les deux artistes auront mis sept ans à accoucher de ce chef-d’œuvre d'animation. Un traité de finesse sur l’art de grandir en toute liberté.
Avec Amélie et la Métaphysique des tubes, le réalisateur et la réalisatrice offrent une parenthèse enchantée, une bulle de tendresse, de couleurs, de sons. Le passage de l’écrit à l’image animée ne souffre à aucun moment de leur parti pris narratif, la beauté des images, le jeux des couleurs, la signature visuelle du duo reflète non seulement l’amour qu’ils ont du texte originel, mais aussi leur attachement à un cinéma d’animation de grande facture, digne d’un Ghibli. À l’instar de Nishio-San ou de la mamie belge, il ne faut qu’un instant pour tomber en adoration devant cette petite demoiselle. Le spectateur vidé de tout résistance, endosse avec grâce le costume de disciple de la fillette. Si l’Amélie du film semble moins tyrannique que celle de papier, c’est tant mieux. Amélie est un être spécial qui a pris son temps pour marcher, parler. Longtemps mutique alors qu’elle n’arrête pas de penser, ce petit bout de femme avec son air revêche et ses grands yeux verts mène son monde à sa guise, dans un univers baigné de couleurs magnifiques et enchanteresses. Malgré la beauté environnante, entre fleurs du jardin et traditions nipponnes, l’enfant traverse le deuil, avant de connaître la séparation et l’acceptation de sa finitude.
Tout, dans cette adaptation, flatte le regard. Les libertés et changements pris dans le récit n’entament pas le plaisir. Amélie et la métaphysique des tubes est une merveille graphique qui rivalise d’ingéniosité et de finesse. Pas de flash-back, mais une vraie trouvaille de mise en scène. Quant au doublage, il est parfait en tout point. Conserver la voix off, fil rouge du récit, sans qu’elle ne se confonde avec le filet de voix d’Amélie, tout en ne perdant pas le spectateur : le procédé force le respect. Après sa présentation en séance spéciale au Festival de Cannes, Amélie et la métaphysique des tubes a été couronné du Prix du Public à la grand’messe d’Annecy, preuve indéniable que l’aura de la petite fille n’a pas fini de s’étendre.
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Amélie et la métaphysique des tubes de Liane-Cho Han et Maïlys Vallade / En salles le 25 juin 2025
Production : Maybe Movies, Ikki Films. Distribution : Haut & Court / 1h17 / France / 2025 / VF.
D’après Métaphysique des tubes d’Amélie Nothomb, éditions ALBIN MICHEL.
Soutien à l’écriture et au développement de la Région Nouvelle-Aquitaine et du département de la Charente, en partenariat avec le CNC, accompagné par ALCA et le Pôle Image Magelis.