Le retour du radeau de la Méduse
Un an et demi de travail et un budget conséquent pour un documentaire historique : La Véritable Histoire du radeau de la Méduse, de Herlé Jouon, coproduit et diffusé par Arte (le 21 mars 2015 à 20 h 50 et + 7), tente de comprendre le drame qui a fasciné le peintre Théodore Géricault.
Une enquête à plusieurs niveaux
Ce documentaire de 90 minutes est construit selon trois niveaux de narration : l’enquête de Géricault à l’époque et l’exécution de son tableau (reconstitution en équipe cinéma avec comédiens), l’enquête contemporaine mené par Philippe Mathieu, administrateur au Musée national de la marine de Rochefort (qui est aussi la "voix" du réalisateur) et la reconstruction du radeau de la Méduse à l’identique par une équipe d’ingénieurs (qui ont travaillé sur l’Hermione) et le sculpteur sur bois Philippe Bray. Emboîtés les uns dans les autres avec rythme, sur une musique que l’on pourra trouver trop présente et significative, ce système pour évoquer la "Machine" (surnom donné au radeau par les naufragés) aboutit par touches successives à une compréhension du drame d’un côté et de l’œuvre d’art de l’autre. Comme le dit Herlé Jouon, aidé pour l’écriture par l’auteur Émilie Dumond, ce documentaire est très scénarisé et presque entièrement écrit avant le tournage, avec une longue préparation et un casting précis avec un "modèle" narratif en tête, la série québécoise Cold case. Sachant que l’idée de la construction du radeau, avec la fédération de nombreuses personnes de différents métiers autour du projet, est sans doute ce qui a emporté l’adhésion de la chaîne Arte, diffuseur et coproducteur.
Une production d’envergure
La Véritable Histoire du radeau de la Méduse a réuni une équipe très importante pour un documentaire, du fait de la part fictionnelle et de la construction du radeau. La structure bordelaise Grande Angle Productions, déjà productrice de deux précédents films de Herlé Jouon, qui produit environ quatre-vingts documentaires par an pour des chaînes françaises et étrangères, dont un certain nombre consacrés à l’histoire et à la mer, a travaillé presque deux ans sur ce projet dont le budget global avoisine les 800 000 euros avec une coproduction à hauteur de 62 % par Arte et TV5 Monde et, notamment, un soutien du Conseil régional d'Aquitaine. Suivi par Guillaume Pérès, ce documentaire a suscité selon la directrice de production Anne Fredon une "vraie dynamique avec des partenaires qui ont été de tout cœur avec nous, c’était un projet très ambitieux et très motivant. Le film est un vrai mélange d’histoire et d’aventure humaine, dans le passé et le présent, c’est à la fois historique et très actuel."
Quand il a tourné ce documentaire, Herlé Jouon avait une autre idée en tête : il a dédicacé son film à tous les migrants d’aujourd’hui qui deviennent des naufragés. "Les Français de la Méduse partaient coloniser l’Afrique et aujourd’hui des personnes qui veulent changer de vie se retrouvent sur des radeaux identiques. On les abandonne en mer de la même manière."