Game Girls
Grand Prix du Jury du dernier Festival International du Film Indépendant de Bordeaux, Game Girls raconte l’histoire d’amour entre deux femmes noires amoureuses dans le monde chaotique de Skid Row. Rencontre avec sa réalisatrice Alina Skrzeszewska.
Parlez-nous de Skid Row, ce quartier de Los Angeles où se déroule Game Girls…
Alina Skrzeszewska : Skid Row se trouve dans le centre historique de la ville de Los Angeles. On y trouve d’ailleurs des immeubles très anciens. C’était là historiquement où l’on trouvait des bars et des petits hôtels, derrière la ligne de chemin de fer. Puis, dans les années 70, la mairie a décidé d’y concentrer ses services sociaux et ses programmes de logements sociaux. On y trouve aussi les "missions" (les aides sociales des églises). Cette politique visant à concentrer la population la plus vulnérable dans une seule zone de la ville était un moyen de la contrôler et d’éviter que ces personnes qu’on ne veut pas voir se dispersent dans le reste de la ville.
Quelle a été l’évolution de ce quartier depuis les années 70 ?
A.S. : Depuis dix ou quinze ans, on observe un processus de gentrification. On y a fait d’énormes investissements immobiliers et cela a créé une très forte pression autour de Skid Row. Ce qui a donné lieu à un mouvement de la part d’une communauté d’activistes : il y a en effet toute une population qui vit là depuis parfois 40 ans, des anciens drogués qui se sont sortis de l’addiction habitent là depuis des années et forment une communauté très implantée.
Quelle est votre propre connexion à ce quartier ?
A.S. : Quand je suis arrivée à Los Angeles en 2006, je suis allée habiter dans un de ces hôtels bon marché où l’on pouvait payer sa chambre en cash. J’y suis restée deux ans. J’y ai filmé mon premier documentaire, Songs from the Nickel. C’était un film sur mes voisins de chambrée, tous des hommes. Après, j’ai eu envie de réaliser un film sur les femmes. D’ailleurs, à Skid Row actuellement, on trouve de plus en plus de femmes et d’enfants.
Comment avez-vous rencontré Teri, le personnage principal de Game Girls ?
A.S. : L’idée du film s’est faite par étapes. Dès le départ, j’avais en tête une approche collaborative avec les personnes que j’allais filmer. J’ai mis sur pied un atelier d’expression personnelle exprès pour le film, une sorte de "drama-therapy". Une ONG de Skid Row nous a prêté son local. C’était ouvert et gratuit pour toutes les femmes du quartier. Et Teri a été l’une des premières à pousser la porte.
Alina Skrzeszewska : Skid Row se trouve dans le centre historique de la ville de Los Angeles. On y trouve d’ailleurs des immeubles très anciens. C’était là historiquement où l’on trouvait des bars et des petits hôtels, derrière la ligne de chemin de fer. Puis, dans les années 70, la mairie a décidé d’y concentrer ses services sociaux et ses programmes de logements sociaux. On y trouve aussi les "missions" (les aides sociales des églises). Cette politique visant à concentrer la population la plus vulnérable dans une seule zone de la ville était un moyen de la contrôler et d’éviter que ces personnes qu’on ne veut pas voir se dispersent dans le reste de la ville.
Quelle a été l’évolution de ce quartier depuis les années 70 ?
A.S. : Depuis dix ou quinze ans, on observe un processus de gentrification. On y a fait d’énormes investissements immobiliers et cela a créé une très forte pression autour de Skid Row. Ce qui a donné lieu à un mouvement de la part d’une communauté d’activistes : il y a en effet toute une population qui vit là depuis parfois 40 ans, des anciens drogués qui se sont sortis de l’addiction habitent là depuis des années et forment une communauté très implantée.
Quelle est votre propre connexion à ce quartier ?
A.S. : Quand je suis arrivée à Los Angeles en 2006, je suis allée habiter dans un de ces hôtels bon marché où l’on pouvait payer sa chambre en cash. J’y suis restée deux ans. J’y ai filmé mon premier documentaire, Songs from the Nickel. C’était un film sur mes voisins de chambrée, tous des hommes. Après, j’ai eu envie de réaliser un film sur les femmes. D’ailleurs, à Skid Row actuellement, on trouve de plus en plus de femmes et d’enfants.
Comment avez-vous rencontré Teri, le personnage principal de Game Girls ?
A.S. : L’idée du film s’est faite par étapes. Dès le départ, j’avais en tête une approche collaborative avec les personnes que j’allais filmer. J’ai mis sur pied un atelier d’expression personnelle exprès pour le film, une sorte de "drama-therapy". Une ONG de Skid Row nous a prêté son local. C’était ouvert et gratuit pour toutes les femmes du quartier. Et Teri a été l’une des premières à pousser la porte.
"Je voulais bâtir le film autour de l’idée d’une relation humaine profonde qui se nouerait entre des personnages."
Quand avez-vous décidé que le film se focaliserait sur la vie de Teri ?
A.S. : Je voulais bâtir le film autour de l’idée d’une relation humaine profonde qui se nouerait entre des personnages. Cela pouvait être la relation d’une mère à sa fille – il y a beaucoup de familles à Skid Row – ou une histoire d’amour. Je voulais sortir du cliché qui représente toujours les SDF comme des êtres désocialisés, solitaires et isolés. J’ai vite compris que l’histoire d’amour entre Teri et Tiahna allait être le moteur du film.
Et vous ? Quelle a été votre propre relation à Teri ?
A.S. : Tout le monde aime Teri. Elle a un charme, un charisme, une force de volonté… même si elle peut aussi se montrer odieuse. J’ai tout de suite beaucoup Teri et elle, elle voulait vraiment que son histoire personnelle soit sue et vue. Elle m’a embarquée dans ses aventures. À chaque fois qu’elle m’emmenait avec elle quelque part, quelque chose se passait. Dans le cadre de l’atelier, ce que partageaient les autres femmes était riche et plein d’émotion. Teri, elle, se montrait beaucoup plus réservée, mais elle continuait de m’appeler pour participer au film. Elle était tenace.
Tout le film semble traversé par deux énergies : l’une qui maintient les protagonistes engluées dans une forme de surplace, l’autre qui les projette dans l’ailleurs, le futur, le désir…
A.S. : Oui, si on reste à la surface de l’histoire de Teri, on peut vite être enthousiaste : elle devient sobre, elle trouve une maison. Mais son histoire n’est pas linéaire, c’est une spirale. Il ne faut pas s’arrêter à ce qu’elle accomplit. Le système maintient les gens à la même place, sans leur offrir de véritables opportunités de changer de vie. Ce que je trouve intéressant chez Teri, c’est sa persistance à continuer coûte que coûte. Sa détermination m’impressionne. Sachant qu’il suffit d’une petite erreur pour tout perdre. Le racisme institutionnel ne pardonne pas le moindre faux pas, et cela dès l’adolescence, dès l’enfance.
La structure du film semble suggérer un éternel recommencement: il commence par Teri qui va chercher Tiahna à sa sortie de prison et s’achève sur Tiahna qui attend à son tour Teri à la porte de la prison…
A.S. : Oui, il y aussi les scènes où elles se font coiffer chacune à leur tour, où elles se confient sur leur relation toxique. Je ne pouvais pas imaginer terminer mon film sur un happy end. On quitte les deux femmes au milieu de leur histoire. Leur histoire continue. Et ce n’est pas une histoire de rédemption.
A.S. : Je voulais bâtir le film autour de l’idée d’une relation humaine profonde qui se nouerait entre des personnages. Cela pouvait être la relation d’une mère à sa fille – il y a beaucoup de familles à Skid Row – ou une histoire d’amour. Je voulais sortir du cliché qui représente toujours les SDF comme des êtres désocialisés, solitaires et isolés. J’ai vite compris que l’histoire d’amour entre Teri et Tiahna allait être le moteur du film.
Et vous ? Quelle a été votre propre relation à Teri ?
A.S. : Tout le monde aime Teri. Elle a un charme, un charisme, une force de volonté… même si elle peut aussi se montrer odieuse. J’ai tout de suite beaucoup Teri et elle, elle voulait vraiment que son histoire personnelle soit sue et vue. Elle m’a embarquée dans ses aventures. À chaque fois qu’elle m’emmenait avec elle quelque part, quelque chose se passait. Dans le cadre de l’atelier, ce que partageaient les autres femmes était riche et plein d’émotion. Teri, elle, se montrait beaucoup plus réservée, mais elle continuait de m’appeler pour participer au film. Elle était tenace.
Tout le film semble traversé par deux énergies : l’une qui maintient les protagonistes engluées dans une forme de surplace, l’autre qui les projette dans l’ailleurs, le futur, le désir…
A.S. : Oui, si on reste à la surface de l’histoire de Teri, on peut vite être enthousiaste : elle devient sobre, elle trouve une maison. Mais son histoire n’est pas linéaire, c’est une spirale. Il ne faut pas s’arrêter à ce qu’elle accomplit. Le système maintient les gens à la même place, sans leur offrir de véritables opportunités de changer de vie. Ce que je trouve intéressant chez Teri, c’est sa persistance à continuer coûte que coûte. Sa détermination m’impressionne. Sachant qu’il suffit d’une petite erreur pour tout perdre. Le racisme institutionnel ne pardonne pas le moindre faux pas, et cela dès l’adolescence, dès l’enfance.
La structure du film semble suggérer un éternel recommencement: il commence par Teri qui va chercher Tiahna à sa sortie de prison et s’achève sur Tiahna qui attend à son tour Teri à la porte de la prison…
A.S. : Oui, il y aussi les scènes où elles se font coiffer chacune à leur tour, où elles se confient sur leur relation toxique. Je ne pouvais pas imaginer terminer mon film sur un happy end. On quitte les deux femmes au milieu de leur histoire. Leur histoire continue. Et ce n’est pas une histoire de rédemption.
"Pour survivre dans la rue, on doit s’affirmer de la façon la plus agressive possible, se forger une 'street persona'."
Le film s’ouvre sur une séquence très forte qui présente Teri hurlant dans la rue, à la fois indomptable et courageuse mais aussi déchaînée et débordée par ses émotions…
A.S. : Physiquement, Teri est une femme petite, menue, vulnérable. Pourtant elle renvoie aux autres une image brutale d’elle-même. C’est une armure. Pour survivre dans la rue, on doit s’affirmer de la façon la plus agressive possible, se forger une "street persona". Pendant tout le reste du film, on va découvrir sa vraie personnalité, plus complexe.
Dans une scène, on la voit intervenir pour vous protéger…
A.S. : Elle est très protectrice, avec moi ou avec Tiahna. Elle y met tout son immense ego.
Vous filmez Teri et Tiahna dans leur intimité. Quelles ont été les limites que vous vous êtes posées en tant que cinéaste ?
A.S. : Elles ont elles-mêmes posé les limites. Ce sont elles qui choisissaient quand je pouvais filmer. Par exemple, lors de leur bagarre à Las Vegas, c’était extrême. La productrice Kelly Parker était avec moi, on logeait toutes dans le même endroit. On ne s’attendait pas à ça mais leur bagarre a duré des heures. C’était moche. On a d’abord essayé de les arrêter, mais c’était impossible. On pensait que les voisins allaient intervenir mais ils n’ont rien fait. On ne pouvait pas appeler la police. On était piégées. On ne pouvait pas ne rien faire : ça aurait pu vraiment mal tourner. Alors j’ai commencé à filmer, pensant qu’elles s’arrêteraient. Sur le coup, c’était quelque chose d’intuitif. Après, lors du montage, je leur ai demandé si je pouvais garder cette scène. Teri était réservée, mais Tiahna était tout à fait partante. Elle trouvait que cela représentait réellement ce qu’elles vivaient.
Teri est impulsive et violente mais elle est aussi intelligente. C’est une experte pour naviguer dans la rue mais aussi dans le labyrinthe des aides sociales…
A.S. : Oui, c’est un monde très compliqué avec une multitude de règles dont les personnes extérieures au système n’ont pas idée. Teri est une débrouillarde. Quand elle obtient son appartement, dans le film on pourrait croire que c’est facile. Mais en fait c’est extrêmement compliqué. Mettre la main sur un appartement en location comme elle l’a fait, avec son voucher d’aide sociale, c’est un exploit. Il faut une très bonne connaissance des droits.
Teri est pleine de colère. Pourtant, elle ne la dirige jamais vers les services sociaux…
A.S. : Elle a internalisé cette haine du système. C’est très commun. Sa colère se retourne contre ses proches, non contre le système. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle ne participe pas complètement aux manifestations de protestation organisées par la communauté.
En parlant d’agressivité, n’avez-vous pas eu de difficultés à filmer dans la rue ?
A.S. : Personne n’aime être filmé, en général. Mais quand on connaît individuellement les gens, cela devient plus facile. Dans la plupart des scènes, les personnes présentes me connaissent, m’ont déjà vue. C’est tout un processus qui demande beaucoup de temps et qui est épuisant. À Skid Row, il y a des drogués, beaucoup de malades mentaux, des gens qui ont faim, qui sont en colère, frustrés. On peut comprendre qu’ils retournent leur frustration contre vous. Il faut être mentalement préparé.
Vous êtes une femme blanche qui filme une communauté noire. Est-ce que ça n’a pas posé problème ?
A.S. : C’est vrai qu’a priori, physiquement, je ne peux pas me fondre dans la communauté. Mais en fait, dès mon premier film à Skid Row, les gens ont réagi positivement au fait qu’une étrangère vienne d’Europe pour les filmer. Ensuite, plus que l’identité définie visuellement, c’est davantage la relation que l’on tisse qui compte. Et puis, Skid Row est tout le contraire d’une communauté fermée : il y a beaucoup de personnes qui viennent d’ailleurs : de Cuba, d’Afrique, des Caraïbes. Chacun a des identités multiples. Je pense à cet homme que j’ai rencontré : il avait une étoile de David tatouée à son cou parce qu’il avait été élevé dans une famille juive mais ne savait rien de ses parents biologiques, et avait grandi auprès de chicanos. C’est vrai qu’aujourd’hui le quartier est à 90 % noir, mais à l’origine le quartier était plutôt habité par des hommes blancs SDF et alcooliques. Il faut savoir qu’en fait, très peu d’habitants de Skid Row y sont nés et y ont grandi : on y vient d’un peu partout, surtout quand on sort de prison pour s’insérer dans des programmes sociaux, bénéficier des distributions de nourriture, des services de santé et d’hygiène.
Dans ce documentaire, vous n’hésitez pas à décoller du réalisme pur et dur par la musique…
A.S. : C’est un quatuor à cordes. Il me semblait indispensable de mettre de la musique sur les séquences d’ateliers d’expression personnelle, par exemple, pour rendre au plus juste leur ambiance intense en émotions. Ou lorsque Teri ou Tiahna se retrouvent seules. La musique révèle quelque chose de la vie intérieure des personnages, de leur ressenti. Le thème de cette musique est l’espoir.
A.S. : Physiquement, Teri est une femme petite, menue, vulnérable. Pourtant elle renvoie aux autres une image brutale d’elle-même. C’est une armure. Pour survivre dans la rue, on doit s’affirmer de la façon la plus agressive possible, se forger une "street persona". Pendant tout le reste du film, on va découvrir sa vraie personnalité, plus complexe.
Dans une scène, on la voit intervenir pour vous protéger…
A.S. : Elle est très protectrice, avec moi ou avec Tiahna. Elle y met tout son immense ego.
Vous filmez Teri et Tiahna dans leur intimité. Quelles ont été les limites que vous vous êtes posées en tant que cinéaste ?
A.S. : Elles ont elles-mêmes posé les limites. Ce sont elles qui choisissaient quand je pouvais filmer. Par exemple, lors de leur bagarre à Las Vegas, c’était extrême. La productrice Kelly Parker était avec moi, on logeait toutes dans le même endroit. On ne s’attendait pas à ça mais leur bagarre a duré des heures. C’était moche. On a d’abord essayé de les arrêter, mais c’était impossible. On pensait que les voisins allaient intervenir mais ils n’ont rien fait. On ne pouvait pas appeler la police. On était piégées. On ne pouvait pas ne rien faire : ça aurait pu vraiment mal tourner. Alors j’ai commencé à filmer, pensant qu’elles s’arrêteraient. Sur le coup, c’était quelque chose d’intuitif. Après, lors du montage, je leur ai demandé si je pouvais garder cette scène. Teri était réservée, mais Tiahna était tout à fait partante. Elle trouvait que cela représentait réellement ce qu’elles vivaient.
Teri est impulsive et violente mais elle est aussi intelligente. C’est une experte pour naviguer dans la rue mais aussi dans le labyrinthe des aides sociales…
A.S. : Oui, c’est un monde très compliqué avec une multitude de règles dont les personnes extérieures au système n’ont pas idée. Teri est une débrouillarde. Quand elle obtient son appartement, dans le film on pourrait croire que c’est facile. Mais en fait c’est extrêmement compliqué. Mettre la main sur un appartement en location comme elle l’a fait, avec son voucher d’aide sociale, c’est un exploit. Il faut une très bonne connaissance des droits.
Teri est pleine de colère. Pourtant, elle ne la dirige jamais vers les services sociaux…
A.S. : Elle a internalisé cette haine du système. C’est très commun. Sa colère se retourne contre ses proches, non contre le système. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle ne participe pas complètement aux manifestations de protestation organisées par la communauté.
En parlant d’agressivité, n’avez-vous pas eu de difficultés à filmer dans la rue ?
A.S. : Personne n’aime être filmé, en général. Mais quand on connaît individuellement les gens, cela devient plus facile. Dans la plupart des scènes, les personnes présentes me connaissent, m’ont déjà vue. C’est tout un processus qui demande beaucoup de temps et qui est épuisant. À Skid Row, il y a des drogués, beaucoup de malades mentaux, des gens qui ont faim, qui sont en colère, frustrés. On peut comprendre qu’ils retournent leur frustration contre vous. Il faut être mentalement préparé.
Vous êtes une femme blanche qui filme une communauté noire. Est-ce que ça n’a pas posé problème ?
A.S. : C’est vrai qu’a priori, physiquement, je ne peux pas me fondre dans la communauté. Mais en fait, dès mon premier film à Skid Row, les gens ont réagi positivement au fait qu’une étrangère vienne d’Europe pour les filmer. Ensuite, plus que l’identité définie visuellement, c’est davantage la relation que l’on tisse qui compte. Et puis, Skid Row est tout le contraire d’une communauté fermée : il y a beaucoup de personnes qui viennent d’ailleurs : de Cuba, d’Afrique, des Caraïbes. Chacun a des identités multiples. Je pense à cet homme que j’ai rencontré : il avait une étoile de David tatouée à son cou parce qu’il avait été élevé dans une famille juive mais ne savait rien de ses parents biologiques, et avait grandi auprès de chicanos. C’est vrai qu’aujourd’hui le quartier est à 90 % noir, mais à l’origine le quartier était plutôt habité par des hommes blancs SDF et alcooliques. Il faut savoir qu’en fait, très peu d’habitants de Skid Row y sont nés et y ont grandi : on y vient d’un peu partout, surtout quand on sort de prison pour s’insérer dans des programmes sociaux, bénéficier des distributions de nourriture, des services de santé et d’hygiène.
Dans ce documentaire, vous n’hésitez pas à décoller du réalisme pur et dur par la musique…
A.S. : C’est un quatuor à cordes. Il me semblait indispensable de mettre de la musique sur les séquences d’ateliers d’expression personnelle, par exemple, pour rendre au plus juste leur ambiance intense en émotions. Ou lorsque Teri ou Tiahna se retrouvent seules. La musique révèle quelque chose de la vie intérieure des personnages, de leur ressenti. Le thème de cette musique est l’espoir.
Après des études de sociologie, Laetitia Mikles devient critique de cinéma pour la revue Positif, puis réalisatrice : Rien ne s’efface (Prix Découverte de la Scam), Kijima Stories (Étoile de la Scam), Que l’amour (Étoile de la Scam). Lauréate de résidences d’artistes (Villa Kujoyama, Moulin d’Andé, résidence Bogliasco, Chalet Mauriac), elle développe une écriture fictionnelle (Quatre mains, La Nageuse) parallèlement à la réalisation documentaire.
(Photo : Quitterie de Fommervault)
(Photo : Quitterie de Fommervault)