Tremblements
Projeté à l’Utopia ce jeudi 2 mai en présence de la productrice guatémaltèque Pilar Peredo et du producteur français Edgar Tenembaum, Tremblements est un film social qui raconte l’histoire de Pablo, "homme comme il faut" guatémaltèque, religieux pratiquant, marié et père quadragénaire, qui tombe amoureux d’un autre homme. Son réalisateur Jayro Bustamante et Pilar Peredo reviennent sur la fabrication et la vie de cette œuvre soutenue par la Région Nouvelle-Aquitaine et accompagnée par ALCA.
Vous dédiez votre film à tous les "Pablo" qui vous ont confié leur histoire. Avez-vous recueilli beaucoup de témoignages avant d’écrire Tremblements ?
Jayro Bustamante : Oui, j’ai procédé à toute une recherche pendant trois ans et j’ai rencontré vingt-deux "Pablo". Leurs témoignages ont guidé mon écriture et ne m’ont pas quitté. J’ai même réécrit entièrement le scénario quand j’ai compris qu’ils partageaient tous un point commun : ils attribuaient leurs souffrances à leur femme. Je leur ai objecté qu’ils avaient aussi utilisé leur épouse pour bâtir leur façade et cacher qui ils étaient aux yeux de la société. Du coup, j’ai réécrit le personnage de l’épouse de Pablo pour en faire, elle aussi, une victime de la société.
Le tremblement, de terre et du cœur – de la peur, de la frustration –, est un symbole fort qui court tout au long du film…
J.B. : Oui, c’est aussi un tremblement charnel. Dans le film, Pablo se cache quand il se rend compte que ce qui le fait trembler va être sa damnation. Il a construit sa vie sur un mensonge qui s’effrite. Sa vie n’est qu’une façade qui risque à tout moment de s’effondrer. Comme une terre instable.
Sur ce film comme sur Ixcanul, vous travaillez avec Pilar Peledo qui est à la fois votre directrice artistique et votre productrice…
J.B. : On a formé un vrai trio artistique avec Luis, le chef opérateur. On était très liés. On avait tous les trois une idée très claire de l’image du film.
Pilar Peredo : Avec Jayro, j’ai cherché une palette de couleurs et on a essayé de la respecter, que ce soit dans les objets, dans les murs des décors, dans les costumes. C’est un travail qui s’est fait main dans la main avec le chef opérateur et la costumière. On a fait plusieurs essais autour de couleurs froides et désaturées.
J.B. : Pilar a aussi une passion pour les histoires. Elle est capable de lire et relire des versions différentes d’un scénario sans jamais se lasser, ni perdre de vue l’intention du scénario.
P.P. : J’ai été formée aux Beaux-Arts, puis j’ai travaillé en tant que décoratrice en Argentine. Sur les films de Jayro, j’ai été amenée à porter cette double casquette : décoratrice et productrice. J’ai été présente dès le développement du scénario, puis dans la recherche de financements.
Vous vous dédoublez donc ?
P.P. : Au moment du tournage, je suis présente tous les jours sur le plateau. Et quand le tournage se termine, je me remets à la production.
Jayro Bustamante : Oui, j’ai procédé à toute une recherche pendant trois ans et j’ai rencontré vingt-deux "Pablo". Leurs témoignages ont guidé mon écriture et ne m’ont pas quitté. J’ai même réécrit entièrement le scénario quand j’ai compris qu’ils partageaient tous un point commun : ils attribuaient leurs souffrances à leur femme. Je leur ai objecté qu’ils avaient aussi utilisé leur épouse pour bâtir leur façade et cacher qui ils étaient aux yeux de la société. Du coup, j’ai réécrit le personnage de l’épouse de Pablo pour en faire, elle aussi, une victime de la société.
Le tremblement, de terre et du cœur – de la peur, de la frustration –, est un symbole fort qui court tout au long du film…
J.B. : Oui, c’est aussi un tremblement charnel. Dans le film, Pablo se cache quand il se rend compte que ce qui le fait trembler va être sa damnation. Il a construit sa vie sur un mensonge qui s’effrite. Sa vie n’est qu’une façade qui risque à tout moment de s’effondrer. Comme une terre instable.
Sur ce film comme sur Ixcanul, vous travaillez avec Pilar Peledo qui est à la fois votre directrice artistique et votre productrice…
J.B. : On a formé un vrai trio artistique avec Luis, le chef opérateur. On était très liés. On avait tous les trois une idée très claire de l’image du film.
Pilar Peredo : Avec Jayro, j’ai cherché une palette de couleurs et on a essayé de la respecter, que ce soit dans les objets, dans les murs des décors, dans les costumes. C’est un travail qui s’est fait main dans la main avec le chef opérateur et la costumière. On a fait plusieurs essais autour de couleurs froides et désaturées.
J.B. : Pilar a aussi une passion pour les histoires. Elle est capable de lire et relire des versions différentes d’un scénario sans jamais se lasser, ni perdre de vue l’intention du scénario.
P.P. : J’ai été formée aux Beaux-Arts, puis j’ai travaillé en tant que décoratrice en Argentine. Sur les films de Jayro, j’ai été amenée à porter cette double casquette : décoratrice et productrice. J’ai été présente dès le développement du scénario, puis dans la recherche de financements.
Vous vous dédoublez donc ?
P.P. : Au moment du tournage, je suis présente tous les jours sur le plateau. Et quand le tournage se termine, je me remets à la production.
"Il fallait former les interprètes car il n’y a pas de cinéma au Guatemala."
Comment avez-vous travaillé avec les interprètes ?
J.B. : Il fallait les former car il n’y a pas de cinéma au Guatemala. On a donc organisé des ateliers pendant un an à la façon du "théâtre de l’opprimé" [méthode d’improvisation initiée par Augusto Boal, dramaturge brésilien, ndlr]. J’avais envie que les comédiens comprennent que la construction d’un personnage est une recherche et que je n’allais pas leur apporter toutes les réponses. Puis, dans un second temps, on a eu recours à la méthode Stanislavski, méthode basée sur la parole qui a fait office de thérapie de groupe. Sauf pour Mauricio [Francisco dans le film] et Maria [la nounou] qui, eux, incarnaient des personnages plus lumineux et plus protecteurs. En revanche, pour tous les autres interprètes, il leur a fallu comprendre la souffrance de Pablo en cherchant dans leurs propres vies des histoires similaires. Cela nous a soudés, on est vraiment devenu une famille.
Est-ce que les interprètes se sont montrés réticents à tourner des scènes d’amour physique entre deux hommes ?
J.B. : Dès le départ, les comédiens qui ont montré une résistance à l’idée d’incarner un homo, je n’en ai pas voulu. Je ne les ai même pas rappelés pour faire les figurants. Parce qu’aujourd’hui un artiste doit être impliqué et engagé. Surtout dans mon pays. Les deux acteurs que j’ai choisis ont tout accepté sans réticence.
Quel a été le parcours du film ?
P.P. : Il a fait son avant-première mondiale à Berlin, dans la section Panorama. Il a été sélectionné dans les festivals de Miami, Toulouse (Prix du Public), Guadalajara (Prix pour le chef opérateur), Cartagena et Panama. Il a été très bien accueilli aussi bien en Europe qu’en Amérique Latine.
J.B. : Pour ce qui est du Guatemala, je suis devenu par la force des choses le coproducteur de mon film et le distributeur. J’ai ouvert la première salle du pays diffusant du cinéma d’auteur. J’ai fondé la Fondation Ixcanul et je suis même devenu l’agent de certains de mes comédiens.
J.B. : Il fallait les former car il n’y a pas de cinéma au Guatemala. On a donc organisé des ateliers pendant un an à la façon du "théâtre de l’opprimé" [méthode d’improvisation initiée par Augusto Boal, dramaturge brésilien, ndlr]. J’avais envie que les comédiens comprennent que la construction d’un personnage est une recherche et que je n’allais pas leur apporter toutes les réponses. Puis, dans un second temps, on a eu recours à la méthode Stanislavski, méthode basée sur la parole qui a fait office de thérapie de groupe. Sauf pour Mauricio [Francisco dans le film] et Maria [la nounou] qui, eux, incarnaient des personnages plus lumineux et plus protecteurs. En revanche, pour tous les autres interprètes, il leur a fallu comprendre la souffrance de Pablo en cherchant dans leurs propres vies des histoires similaires. Cela nous a soudés, on est vraiment devenu une famille.
Est-ce que les interprètes se sont montrés réticents à tourner des scènes d’amour physique entre deux hommes ?
J.B. : Dès le départ, les comédiens qui ont montré une résistance à l’idée d’incarner un homo, je n’en ai pas voulu. Je ne les ai même pas rappelés pour faire les figurants. Parce qu’aujourd’hui un artiste doit être impliqué et engagé. Surtout dans mon pays. Les deux acteurs que j’ai choisis ont tout accepté sans réticence.
Quel a été le parcours du film ?
P.P. : Il a fait son avant-première mondiale à Berlin, dans la section Panorama. Il a été sélectionné dans les festivals de Miami, Toulouse (Prix du Public), Guadalajara (Prix pour le chef opérateur), Cartagena et Panama. Il a été très bien accueilli aussi bien en Europe qu’en Amérique Latine.
J.B. : Pour ce qui est du Guatemala, je suis devenu par la force des choses le coproducteur de mon film et le distributeur. J’ai ouvert la première salle du pays diffusant du cinéma d’auteur. J’ai fondé la Fondation Ixcanul et je suis même devenu l’agent de certains de mes comédiens.
"L’idée est d’utiliser le film comme un outil social."
Quel est l’objet de la Fondation Ixcanul ?
J.B. : La fondation va initier des débats autour du film. Il y a déjà une dizaine de représentants d’églises du pays qui a accepté que l’on projette le film pour susciter la discussion autour de l’inclusion. Je sais qu’au Guatemala le public risque d’être plus réactionnaire qu’en Europe. On va considérer le film comme une insulte à la religion : pour certains religieux, être homosexuel est une insulte à Dieu.
La fondation va accompagner le film et faire tout ce travail social que je n’ai pas les moyens de financer. On l’avait déjà fait pour Ixcanul en défendant le droit des enfants et notamment en soutenant une loi faisant passer l’âge légal du mariage des petites filles de 12 ans à 18 ans. L’idée est d’utiliser le film comme un outil social.
J.B. : La fondation va initier des débats autour du film. Il y a déjà une dizaine de représentants d’églises du pays qui a accepté que l’on projette le film pour susciter la discussion autour de l’inclusion. Je sais qu’au Guatemala le public risque d’être plus réactionnaire qu’en Europe. On va considérer le film comme une insulte à la religion : pour certains religieux, être homosexuel est une insulte à Dieu.
La fondation va accompagner le film et faire tout ce travail social que je n’ai pas les moyens de financer. On l’avait déjà fait pour Ixcanul en défendant le droit des enfants et notamment en soutenant une loi faisant passer l’âge légal du mariage des petites filles de 12 ans à 18 ans. L’idée est d’utiliser le film comme un outil social.
Après des études de sociologie, Laetitia Mikles devient critique de cinéma pour la revue Positif, puis réalisatrice : Rien ne s’efface (Prix Découverte de la Scam), Kijima Stories (Étoile de la Scam), Que l’amour (Étoile de la Scam). Lauréate de résidences d’artistes (Villa Kujoyama, Moulin d’Andé, résidence Bogliasco, Chalet Mauriac), elle développe une écriture fictionnelle (Quatre mains, La Nageuse) parallèlement à la réalisation documentaire.
(Photo : Quitterie de Fommervault)
(Photo : Quitterie de Fommervault)