La Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine réveille le patrimoine régional
Installée à Limoges, la Cinémathèque du Limousin est devenue en 2016 la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine. Sur les bords de Vienne, donnant sur le pont Saint-Martial, ce haut lieu de la mémoire filmique se donne pour mission de collecter, de restaurer et de valoriser le patrimoine régional cinématographique. Marc Wilmart, son président, s’est entretenu avec Prologue sur le rôle et les perspectives de la structure qu’il a fondée.
La Cinémathèque a été créée en 2009 à Limoges. Sous quelles impulsions a-t-elle été conçue et à quels besoins répond-elle ?
Marc Wilmart : Venant de la télévision et ayant réalisé un certain nombre de documentaires, il m'est arrivé de chercher des archives pour les utiliser dans mes films. Cette idée de créer la Cinémathèque du Limousin m'est venue quand j'ai arrêté de travailler, sachant alors qu'une cinémathèque peut prendre plusieurs formes : elle peut être un lieu de diffusion avec une programmation ou alors un endroit où l'on restaure les films, ce qui est notre cas. Le terme cinémathèque, parce qu'il contient le mot cinéma, me paraissait bien plus opportun et attrayant que celui de pôle archives.
La fusion des Régions et l'important changement d'échelle qu'elle a provoqué nous sont apparus comme une opportunité, nous incitant à créer la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine1. En passant de trois départements - par ailleurs moitié moins peuplés que la Gironde - à un aussi vaste territoire, nous avons donc décuplé notre champ d'action. Cet élargissement a entraîné un peu plus tard la création du réseau Mémoire filmique de Nouvelle-Aquitaine avec nos camarades du Fonds Audiovisuel de Recherche de La Rochelle, de La Mémoire de Bordeaux Métropole et Trafic Image à Angoulême.
La Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine a pour mission d’assurer la collecte, la numérisation, la conservation et la valorisation du patrimoine régional cinématographique. Comment s'organise plus précisément ce travail de collecte et de numérisation sachant que vous travaillez en lien avec des particuliers, des professionnels et des acteurs culturels publics ?
M.W. : Nous travaillons prioritairement sur des films amateurs parce que ceux-ci constituent un gisement inconnu qu'il faut absolument récolter et sauvegarder. Toutes ces images de la vie, bien qu'elles soient très souvent le reflet répétitif de moments familiaux heureux, restent très intéressantes car tournées à des moments différents. Parfois, nous trouvons ce que l'on appelle une "pépite", une chose rare qui va illustrer l'histoire de la manière la plus vivante qu’il soit, le film rendant compte du réel mieux que n'importe quel autre support. De nombreuses images sont en sommeil quelque part et notre mission est de les ranimer.
Nous répondons aussi à des demandes d’acteurs et de structures professionnelles. Nous réfléchissons en ce moment à la manière dont nous pourrions rassembler les films soutenus par la Région Nouvelle-Aquitaine. Au cours des années passées, la Région a soutenu des centaines de productions. Il nous semble à ce titre logique de les rassembler, les conserver mais aussi les programmer, dans un cadre juridique adapté.
"De nombreuses images sont en sommeil quelque part et notre mission est de les ranimer."
Vous menez aussi un travail de valorisation du fonds avec par exemple des rendez-vous pour découvrir ou redécouvrir des documents amateurs ou des ciné-concerts autour de thématiques en lien avec le territoire. Comment s'opère cette programmation et avec quels partenaires ?
M.W. : Nous travaillons avec différents réseaux. Par exemple, à Limoges, nous entretenons des rapports fréquents avec la Bibliothèque Francophone Multimédia, la société Les Écrans et le réseau Véo. Nous organisons plus largement des projections et autres rendez-vous comme la diffusion tout le mois de février dernier du projet 100 ans d’images en Corrèze, montage de films amateurs tournés dans le département et conservés par la Cinémathèque, accompagné par une création musicale originale, écrite et interprétée en direct par le trio corrézien « Lost In Traditions ». Projeté à Tulle, Égletons et Uzerche, ce projet a été initié par la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine et le Centre Régional des Musiques Traditionnelles en Limousin.
Ce programme est décliné chaque année sur un département et nous souhaiterions investir ces prochaines années la Dordogne, qui dispose d’un gisement patrimonial, ou la Charente, en articulation avec Trafic Image. De la même manière, en nous appuyant sur les archives de La Mémoire Bordeaux Métropole, nous pourrions envisager de programmer une édition girondine.
La Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine a reçu le soutien de l'Union européenne via les fonds Feder pour investir en matériel de numérisation et de restitution d'images. En quoi ont consisté ces investissements et comment sollicite-t-on ces fonds communautaires ?
M.W. : Ces fonds – près de 250 000 euros – ont permis l’acquisition d’un scanner Vario, d’un serveur NAS et du site Internet. Des investissements essentiels pour notre activité de collecte, de restauration et de valorisation des films. Il faut savoir que les fonds Feder, à la condition bien sûr d’avoir respecté toutes les obligations et procédures, vous parviennent bien après l’achat du matériel envisagé. Il faut donc trouver un prêt relai auprès d’une banque, ce qui suscite naturellement quelques inquiétudes… Nous y sommes arrivés et, forts de cette expérience, nous préparons une nouvelle demande pour le financement de Diamant, un logiciel de restauration qui nous permet de nettoyer plus rapidement les images des films et avec un résultat optimal.
"Le public peut visionner près de 3 000 films depuis le site Internet et environ 5 000 depuis des espaces de consultation disséminés sur le territoire néo-aquitain."
La Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine est membre du réseau Mémoire filmique de Nouvelle-Aquitaine aux côtés du Fonds audiovisuel de recherche de La Rochelle, de La Mémoire de Bordeaux Métropole et de Trafic Image à Angoulême. Comment s'articule ce réseau et quels projets partagés proposez ou envisagez-vous ?
M.W. : Nous avons pu, grâce au Feder, investir dans un site Internet et une base de données que peut alimenter chacun des membres. Nous avons aussi organisé des animations en commun, à l’instar de projections en plein air à Bordeaux. Mais l’objectif premier du réseau reste de donner accès le plus possible aux images des uns et des autres. Entre membres, bien sûr, mais aussi pour le public, qui peut visionner près de 3 000 films depuis le site Internet et environ 5 000 depuis des espaces de consultation disséminés sur le territoire néo-aquitain2.
L’accessibilité de Limoges en Nouvelle-Aquitaine pose-t-elle des difficultés dans la réalisation de vos missions ?
M.W. : C'est un sujet qui concerne beaucoup de monde à Limoges et dans l'ancien Limousin. Nous avons fortement recours aux moyens de communication et Patrick Malefond, qui coordonne la Cinémathèque, se déplace très régulièrement. Nos déplacements sont néanmoins limités par la taille de notre équipe, qui compte trois salariés permanents et un service civique. Pour faciliter les échanges d'informations, notamment entre structures du réseau néo-aquitain, nous avons mis en place cette base de données accessible à tous les membres afin de déposer, classer et utiliser des archives.
La prochaine étape qu’ambitionne la Cinémathèque est de pouvoir grandir dans un espace conforme à ses objectifs de cinémathèque régionale : un espace adapté, visible, moderne, rationnel, conçu dans un esprit d’aménagement concerté et de compétences partagées, soit dans des locaux existants soit dans un nouvel équipement.
1La Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine est soutenue financièrement par la Région Nouvelle-Aquitaine, le CNC, la Drac Nouvelle-Aquitaine et les Départements de la Creuse et de la Haute-Vienne.
2Ces postes de consultation sont accessibles aux Archives départementales de la Corrèze, de la Creuse, de la Charente, de la Gironde et de la Haute-Vienne, aux Archives municipales de Limoges et Guéret, ainsi que dans de nombreuses médiathèques, pour l’instant essentiellement ex-limousines.