Albertine
Aller d’une rive à l’autre, passerelle entre deux Arts. La collection Pont des Arts aux éditions Canopé et de L'Élan vert invite des auteurs et des illustrateurs à faire découvrir aux plus jeunes des œuvres : peinture, gravure, sculpture… À travers une histoire illustrée, ils racontent et emportent le lecteur à la découverte d’un tableau et de son auteur. L’album Albertine, écrit par Géraldine Elschner et illustré par Lucile Placin, raconte les matins d’une petite fille. On a peu de peine à imaginer qu’ils se ressemblent tous, en tout cas ceux où il faut se lever pour aller à l’école.
Se lever, sortir du lit chaud et douillé pour s’habiller. Albertine semble vivre dans une sorte de camp, dans un endroit désertique entouré de nature. Une fois sortie du lit et le petit déjeuner pris, il va falloir se préparer. Entre les conseils de sa maman, guidée par la crainte qu’Albertine ait froid et qu’elle ne soit jamais assez couverte (petit clin d’œil non dissimulé aux mamans un peu trop couveuses) et face à la multitude de vêtements qu’Albertine trouve, le choix n’est pas simple pour la petite fille.
Alors elle entasse ce que sa mère lui conseille de mettre et ce qu’elle choisit elle-même. Quand le choix est trop difficile, elle met une écharpe, un foulard et le col de dentelle de mamie ! Il ne faut rien oublier pour ne pas tomber malade ! Comme un jeu, comme une danse, Albertine s’amuse de cette habitude et sort presque tout d’un coffre qui ressemble fort à une malle de déguisements. Dans ces pages-ci, pas de fonds illustrés ou très peu. La première place est laissée à Albertine, aux accessoires et à la façon qu’elle a de jouer avec tout ça. Elle est aussi accompagnée de quelques autres personnages qui s’amusent avec elle.
Enfin prête pour y aller après l’ultime rappel de sa maman sur l’oubli du bonnet. Décidément ! Et c’est une véritable carapace qu’Albertine a revêtue pour affronter l’extérieur et ses multiples dangers, d’ailleurs absents dans l’illustration de façon à souligner l’inquiétude exagérée de la mère. Cette appréhension maternelle est renforcée par le fait que la technique choisie par l’illustratrice nous offre des fonds clairs comme ensoleillés qui contrastent avec les recommandations hivernales de la maman !
Au moment du départ, Albertine, certainement bien trop engoncée et prisonnière de ses mouvements, se libère au fur et à mesure de l’écharpe, du foulard, des mitaines, des chaussettes, du bonnet, des pulls, afin de pouvoir rejoindre ses amis dans les arbres et vaquer enfin à des occupations de son âge : jouer, grimper, légère et débarrassée du poids des vêtements (et certainement aussi un peu de celui de sa mère trop protectrice). Cette avant-dernière double page de l’album sans texte laisse place à l’illustration, au jeu et à ce formidable espace de liberté pour Albertine.
"Quand, en dernière page, on découvre l’œuvre d’Albrecht Dürer, une gravure sur bois de 1515, sobrement appelée Rhinocéros, on comprend ce qui a pu inspirer les auteurs."
À travers cette histoire, c’est aussi la relation mère-fille qui est touchée du doigt de façon plutôt attendrissante et moqueuse. Quand, en dernière page, on découvre l’œuvre d’Albrecht Dürer, une gravure sur bois de 1515, sobrement appelée Rhinocéros, on comprend ce qui a pu inspirer les auteurs. La gravure représente un rhinocéros sous une carapace chargée qui semble extrêmement lourde et encombrante donnant l’impression d’une superposition de motifs. En dernière page de garde, on apprend d’abord qu’Albrecht Dürer n’a jamais vu de rhinocéros de sa vie. À son époque, en janvier 1515, un sultan des Indes en offre un au roi du Portugal. L’épopée et la fin tragique de cette bête se répandent en Europe et inspireront très certainement l’artiste. Ce dernier se laisse guider par son imaginaire et ses connaissances et réalise cette gravure sur bois qui aura un succès retentissant dans toute l’Europe. On sait dans quel musée on pourra aller la voir. On a aussi quelques indications sur la répercussion de ses œuvres dès son vivant et enfin la genèse du projet et quels ont été les pistes choisis par l'auteure et l’illustratrice.
L’intérêt de cet album et de cette collection est qu'il invite les jeunes lecteurs à la réflexion. Pourquoi cette œuvre a inspiré cette histoire ? Est-ce que je peux deviner comment les auteurs ont trouvé l’inspiration ? Quels sont les liens que je peux deviner entre les deux ?
Enfin parce qu’il s’agit des éditions Canopé, cet album s’adresse aux enseignants et la collections Pont des arts met à disposition sur son site un dossier pédagogique très complet. Il donne accès à une longue interview de l'auteure et de l’illustratrice, approfondissant ainsi les différentes thématiques abordées dans l’histoire d’Albertine. Puis des pistes pédagogiques de travail sont proposées. Pour autant, au-delà de sa dimension pédagogique, l’album Albertine ravira les plus jeunes comme les plus grands.
Albertine, textes de Géraldine Elschner et illustrations de Lucile Placin
Éditions Canopé et de L'Élan vert
Collection Pont des Arts
2020
14,95 euros
ISBN : 978-2-240-05177-6