Abordo, dix années à l’abordage de la poésie
À la tête des éditions Abordo, Charles Dujour Bosquet et Frédéric Paquet fêtent le dixième anniversaire de la maison bordelaise. Une anthologie de poésie réunissant 65 auteurs contemporains accompagne l’événement et un catalogue déjà riche d’une trentaine de titres.
Il y a dix ans, deux hommes parlaient. Ils partageaient un projet éditorial. Une décennie plus tard, cette affaire a pris corps : le catalogue des éditions bordelaises Abordo est aujourd'hui riche d'une trentaine de titres et, pour saluer cet anniversaire, les deux éditeurs viennent de publier une anthologie poétique. Elle réunit soixante-cinq auteurs contemporains. Des hommes et des femmes issus de cultures et de continents et de langues et de traditions poétiques très différents. Parfois très singuliers. Cela donne ce hors-série passionnant, où l'on croise des auteurs tels que Jeanne Benameur, le poète touareg Hawad, Sanda Voïca, Alain Vircondelet, Claude Pujade, Renaud, Christophe Manon, Gabriel Okoundji et tellement d'autres encore. Ce livre est dirigé par Carles Diaz : Du feu que nous sommes1. Il dit : "J'ai voulu que ce livre soit un témoignage de l'époque et de l'espace francophone. Il associe des auteurs français, bien sûr, mais aussi du Québec, de Tahiti, de Belgique, d'Afrique subsaharienne, de l'Île Maurice, d'Haïti. Et plutôt qu'une anthologie encyclopédique, nous avons préféré proposer une réflexion autour de l'idée de passage".
Carles Diaz est le nom de plume de Charles Dujour Bosquet, lequel dialoguait avec Frédéric Paquet, il y a dix ans, avec, à l'esprit, au cœur, ce désir de poésie et de maison d'édition. Charles Dujour Bosquet a débarqué en France, de son Chili natal, il y a quinze ans, le 24 septembre 2004. Parmi ses ancêtres figurent des Basques. Toujours, cette généalogie, cet imaginaire des Pyrénées, sa charge mythologique l'ont nourri et, un jour, le réel a fini par le rattraper. À Santiago, Charles avait obtenu une maîtrise en histoire de l'art, passionné par les marginaux, les oubliés de ce domaine d'étude. Une fois en France, c'est un doctorat qui l'a cueilli pour fouiller les liens entre la France, l'Aquitaine et le monde ibéro-américain entre 1850 et le tout début du XXe siècle.
Carles Diaz est le nom de plume de Charles Dujour Bosquet, lequel dialoguait avec Frédéric Paquet, il y a dix ans, avec, à l'esprit, au cœur, ce désir de poésie et de maison d'édition. Charles Dujour Bosquet a débarqué en France, de son Chili natal, il y a quinze ans, le 24 septembre 2004. Parmi ses ancêtres figurent des Basques. Toujours, cette généalogie, cet imaginaire des Pyrénées, sa charge mythologique l'ont nourri et, un jour, le réel a fini par le rattraper. À Santiago, Charles avait obtenu une maîtrise en histoire de l'art, passionné par les marginaux, les oubliés de ce domaine d'étude. Une fois en France, c'est un doctorat qui l'a cueilli pour fouiller les liens entre la France, l'Aquitaine et le monde ibéro-américain entre 1850 et le tout début du XXe siècle.
"Mais comment fait-on pour définir une ligne éditoriale, se jeter à l'eau, engager un tel grand œuvre ?"
Avant de changer de continent, Charles avait déjà publié deux recueils de poésie à Santiago et obtenu un prix important dans son pays. Quelque chose commençait. Il voulait que ce désir d'écriture achève d'éclore. Ici, en France. Avec Frédéric Paquet qu'il connaissait, l'ambition de "produire de la littérature" s'est peu à peu engrammée. Mais comment fait-on pour définir une ligne éditoriale, se jeter à l'eau, engager un tel grand œuvre ? Chacun avait ses occupations. Charles, une thèse en cours. Frédéric, son travail de professeur de théâtre et de mise en scène à Bordeaux. "Nous voulions fonder quelque chose dans une forme de partage plus que dans un aspect purement et strictement intellectuel", explique Charles qui associe aux premiers pas de la maison le souvenir d'Élisabeth Heller, aujourd'hui disparue. Il ajoute : "Nous ne nous lancions pas dans cette aventure pour exister ou pour nous inventer je ne sais quel statut, mais pour partager une parole, en espérant qu'un message circule et atteigne quelqu'un quelque part."
Il a d'abord fallu trouver un nom. Abordo est venu. Bien sûr pour le jeu avec le nom même de Bordeaux. Et aussi pour reprendre cette injonction - "(Montez) à bord" - qui invite au voyage. Et aussi, comme l'indique la profession de foi des éditeurs, invite "à plonger à la découverte de poésies nouvelles, ouvertes sur le monde, ou à la redécouverte d'auteurs disparus dont la parole est toujours en résonance."
Il a d'abord fallu trouver un nom. Abordo est venu. Bien sûr pour le jeu avec le nom même de Bordeaux. Et aussi pour reprendre cette injonction - "(Montez) à bord" - qui invite au voyage. Et aussi, comme l'indique la profession de foi des éditeurs, invite "à plonger à la découverte de poésies nouvelles, ouvertes sur le monde, ou à la redécouverte d'auteurs disparus dont la parole est toujours en résonance."
"Dans tout ce qu’écrit Carles Diaz, se manifeste une solennité, une acuité et une compréhension absolue de l'espace, du temps, des hommes et des choses qui vont avec."
Désormais, quatre collections constituent l'identité d'Abordo. Quan Garona monta d'abord. Cette collection accueille des auteurs d'aujourd'hui (Jean-Luc Aribaud, Elisabeth Gaumet, Matthieu Gosztola et Carles Diaz) et des récits ou bien de la prose poétique. Et aussi L'Appel de large où peuvent éclore de jeunes auteurs dont il s'agit du premier livre. Vient également la collection La Lanterne du passeur qui réunit des auteurs disparus dont la poésie est encore vivante aujourd'hui : Jean- Joseph Rabearivelo (1901-1937) ou bien Jasmin (1798-1864) pour deux ouvrages bilingues occitan / français. Viennent encore des livrets de théâtre que publie Frédéric Paquet, et des ouvrages en hors collection où l'on rencontre, pour une poésie contemporaine très aigüe, Martin Wable, Thierry Pérémarti, Thibault Marthouret, Thierry Delhourme, Thibaut Biscarrat, Dimitri Dezorty et à nouveau Carles Diaz.
Celui-ci sort cette fois un livre CD où, comme dans tout ce qu'il écrit, se manifeste une solennité, une acuité et une compréhension absolue de l'espace, du temps, des hommes et des choses qui vont avec. Ce recueil s'intitule En marge. Il est traduit en occitan où le français devient Sus la talvera2. La talvera est un mot occitan qui désigne la bordure non labourée du champ, l’endroit où la charrue doit tourner. Par métaphore, sus la talvera se traduit en français par "en marge" qui, dans ce long poème, doit s’entendre comme un souffle de dignité, un frison d’espoir, une invocation à ceux qui se sont dressés, un chant à la gloire des vaincus.
1 Du feu que nous sommes, Anthologie, 65 auteurs contemporains réunis pour nos 10 ans de poésie, Abordo, 300 pages, 25 €
2 Sus la talvera/En marge, Abordo, Carles Diaz, Livre CD bilingue avec pages en regard français / occitan. Traduction du français à l'occitan et préface de Joan-Pèire Tardiu, 64 pages, 20 €
Celui-ci sort cette fois un livre CD où, comme dans tout ce qu'il écrit, se manifeste une solennité, une acuité et une compréhension absolue de l'espace, du temps, des hommes et des choses qui vont avec. Ce recueil s'intitule En marge. Il est traduit en occitan où le français devient Sus la talvera2. La talvera est un mot occitan qui désigne la bordure non labourée du champ, l’endroit où la charrue doit tourner. Par métaphore, sus la talvera se traduit en français par "en marge" qui, dans ce long poème, doit s’entendre comme un souffle de dignité, un frison d’espoir, une invocation à ceux qui se sont dressés, un chant à la gloire des vaincus.
1 Du feu que nous sommes, Anthologie, 65 auteurs contemporains réunis pour nos 10 ans de poésie, Abordo, 300 pages, 25 €
2 Sus la talvera/En marge, Abordo, Carles Diaz, Livre CD bilingue avec pages en regard français / occitan. Traduction du français à l'occitan et préface de Joan-Pèire Tardiu, 64 pages, 20 €
Journaliste de 1991 à 2008 (France Culture, Le Monde, Sud Ouest), Serge Airoldi dirige depuis 2008 les Rencontres à Lire de Dax. Auteur de nombreux livres, dont Rose Hanoï (Arléa, 2017) et Si maintenant j’oublie mon île (L’Antilope, 2021), il collabore à des revues. Depuis 2017, il dirige la collection Pour dire une photographie aux éditions Les Petites Allées.