Belvédère : la mise en voix pour lire autrement son écriture
Proposition inédite construite avec le Bottom Théâtre dans le cadre du dispositif Écritures plurielles, ce stage de deux jours invite les auteurs néo-aquitains à confronter leurs écrits à la lecture orale.
"Quand on entend son texte lu par quelqu'un d'autre, on retrouve ce que l'on voulait entendre mais aussi ce qui résiste. Il y a une différence entre ce qu'on lit avec son oreille et ce qui est dit avec la voix des autres." À l'instar du poète oléronais Thierry Guilabert, de nombreuses autrices et de nombreux auteurs sont en recherche de lieux ouvrant leur processus d'écriture à la dimension critique. Sollicitée en ce sens par les professionnels qu'elle accompagne, ALCA a mis en place avec le Bottom Théâtre un stage de deux jours, intitulé Belvédère, pour éprouver l'écriture par la voix.
"Le but du stage est d'identifier et de pratiquer des outils comme la mise en voix pour que les auteurs prennent de la distance avec leur texte", explique Marie Pierre Bésanger, metteure en scène et directrice artistique du Bottom Théâtre. Avec Philippe Ponty, artiste associé de la compagnie tulliste, elle a donc lu les textes de Thierry Guilabert mais aussi de Christine Dumont-Léger et Jean-Claude Martin, tous réunis en septembre dernier à la Distillerie de rêves, tiers-lieu artistique et touristique à Saint-Pierre-de-Maillé (86).
"Confronter son texte à la lecture permet de rencontrer ce qui a pu nous échapper. Et de s'interroger : Pourquoi ce mot ? pourquoi ce rythme ?"
Les trois auteurs ont ainsi pu écouter leurs textes lus par les comédiens, et échanger entre eux et avec des personnes extérieures constituant un auditoire expérimental et bienveillant. "Parfois l'inconscient travaille quand nous écrivons et nous ne percevons pas des choses écrites. Confronter son texte à la lecture permet de rencontrer ce qui a pu nous échapper", témoigne l'autrice Christine Dumont-Léger. "Et de s'interroger, poursuit-elle : Pourquoi ce mot ? pourquoi ce rythme ?"
Belvédère s'inscrivant dans le cadre d'Écritures plurielles – dispositif créé en 2020 réunissant une trentaine de tiers-lieux ou de librairies indépendantes sur tout le territoire néo-aquitain pouvant mettre à disposition des salles, du matériel, et relier auteurs et acteurs sur place –, chacune des sessions de deux jours se déroule dans un lieu différent. La Distillerie a donc accueilli la première séance quelques jours avant la Métive, à Moutier-d'Ahun (23), avec trois autres autrices. "Une rencontre formidable avec des personnes pleinement engagées dans ce processus critique", se remémore Marie Pierre Bésanger. "Je retiens notamment la lecture de passages du prochain livre d'Élisa Tixen à partir de laquelle nous lui avons proposé de faire parler un personnage à la première plutôt qu'à la troisième personne, une piste créative qu'elle n'avait pas encore envisagée."
"Belvédère m'a ouvert des perspectives et en même temps m'a recentrée sur mes choix rédactionnels."
"J'ai postulé à Belvédère afin de vérifier les trois voix de mon manuscrit," explique Élisa Tixen. "Finalement, l'exercice m'a fait retravailler les points de vue narratifs. Je ne m'attendais pas à un tel impact sur le texte, modifiant même l'histoire, l'intrigue. Je suis sortie de cet atelier avec de nombreuses interrogations sur mon positionnement : mon texte – un thriller, mélange de mauvais genres –, doit-il être un roman populaire ou bien davantage un écrit littéraire ?" En résidence d'écriture à Francfort les semaines suivantes, dans le cadre du partenariat entre la Région Nouvelle-Aquitaine et le Land Hesse, Élisa "a pu faire des choses inattendues sur le texte à partir de la mise en voix." Et de conclure : "Belvédère m'a ouvert des perspectives et en même temps m'a recentrée sur mes choix rédactionnels."
Ouvert aux auteurs ayant publié à compte d’éditeur au moins un titre lors des cinq dernières années, aucun contrat d’édition n'étant demandé pour le texte en cours d’écriture, Belvédère donnera lieu à une troisième session début décembre à l'Avant-Scène, à Cognac (16). Forts de leur succès, d'autres ateliers seront proposés en 2022.
Écritures plurielles, écritures nouvelles
Une proposition innovante et inédite a vu le jour en 2020 : le réseau Écritures plurielles, écritures nouvelles. Pour répondre aux différents besoins exprimés par les auteurs lors des concertations de 2017 – notamment celui de rompre l’isolement de l’écriture, le désir d’échanger sur un texte en cours ou encore la nécessité de disposer ponctuellement d’une salle ou d’outils informatiques – ALCA a coordonné la mise en réseau d’une trentaine de tiers-lieux ou de librairies indépendantes sur tout le territoire néo-aquitain. Les membres de ce réseau peuvent mettre à disposition des salles, du matériel, et sont présents pour répondre aux interrogations de territoires, mettre en relation auteurs et acteurs sur place, etc.
Tous les auteurs vivant dans la région, ayant publié au moins un livre à compte d’éditeur (papier et/ou numérique), bénéficiant d’un contrat à compte d’éditeur ou d’une lettre d’engagement pour un projet de création littéraire en cours, sont concernés par cette proposition.
Pour s'inscrire au dispositif, il suffit de contacter l'une des interlocutrices du pôle Création et vie littéraire d'ALCA. Le coût de location des lieux identifiés dans le réseau est pris en charge par ALCA, dans la limite de 100 € par auteur.