Cinéma basque : trois générations de cinéastes
Les éditions Arteaz, marque de Pimientos, publient Cinéma basque : trois générations de cinéastes, ouvrage majeur traduit pour la première fois en français, dans une version mise à jour. Cette somme collective est la trace mémorielle du Congrès organisé par la Cinémathèque basque en juillet 2014, dans le cadre des cours d’été de l’Université du Pays Basque.
L’ouvrage, dirigé par le directeur de la Cinémathèque basque, Joxean Fernández, fait date dans l’historiographie culturelle du cinéma basque, réunissant plusieurs générations de cinéastes, théoriciens, universitaires, historiens, critiques… afin de faire un état des lieux jamais réalisé de ce cinéma de "communautés imaginées", et comme le dit l’historien et critique de cinéma Santos Zunzunegui, auteur de El cine en el País Vasco : "De quoi parlons-nous, quand nous parlons de cinéma basque ?"
Cinéma basque rassemble une vingtaine d’articles retranscrivant les études, conférences et tables rondes qui se sont déroulées lors du Congrès. Cinq tables rondes ont été notamment organisées, sur les première, seconde et troisième générations, l’industrie cinématographique basque et enfin sur la critique cinéma propre à cette région forte d’identité. Car l’enjeu est en partie dans cette définition de ces cinémas que la culture basque réunit, l’essence de cette industrie aux multiples facettes et évolutions, l’identité basque en tant que marqueur du récit cinématographique. Le dialogue de ces trois générations a permis de cartographier ce continent parfois flou, complexe, disparate, éclaté, notamment en parcourant la généalogie de cet art en Pays basque. L’historien Zunzunegui situe symboliquement la naissance de cette identité le 24 février 1976, lors des premières Journées du cinéma basque. Débattre de la "basquitude" des films relève d’une approche très complexe qui méritait la richesse du programme du Congrès de 2014. Grâce au socle de la Cinémathèque, jouant depuis 1978 un rôle primordial pour la préservation, la conservation et la diffusion du cinéma basque, nombreux sont ceux qui ont répondu présent pour ces rencontres exceptionnelles, Joxean Fernández précisant que "certes, tous ceux qui comptent n’étaient pas là, mais tous ceux qui étaient là comptent évidemment". Quelques grands noms tels que Álex de la Iglesia, Julio Medem ou Victor Erice étaient retenus professionnellement, mais les intervenants ont réussi à proposer un panorama précieux de ce cinéma souffrant parfois de son héritage politique et de certains amalgames partisans.
"L’ouvrage aborde évidemment la place que joue l’institutionnel festival de cinéma de Donostia / Saint-Sébastien, accueillant chaque année cent soixante-dix mille spectateurs."
Des œuvres telles que Sinfonía vasca d’Adolf Trotz (1936) ou Gure Sor Lekua d’André Madré (1956) ont été mises à l’honneur, découvertes majeures des dernières décennies. L’usage de l’euskara mêlé à l’étude du cinéma à partir de la perspective de l’identité nationale ont été confrontés aux polémiques et enjeux des contextes historiques. Le débat autour du genre prend également une place essentielle dans le livre, le "filmer au féminin" coïncidant avec le "féminin filmé". L’article sur la place de l’animation dans le cinéma basque appelle une vision optimiste de son devenir, ainsi que le retour sur cette génération de talents qui a éclos dans les années 1990 avec Bajo Ulloa, Calparsoro, De la Iglesia, Medem ou Urbizu… L’ouvrage aborde évidemment la place que joue l’institutionnel festival de cinéma de Donostia / Saint-Sébastien, accueillant chaque année cent soixante-dix mille spectateurs. Ce festival reste un levier fantastique pour l’industrie cinématographique du Pays Basque ! Autour de cette réussite événementielle, orbitent cependant toutes les difficultés d’une économie régionale, comme celle des entreprises audiovisuelles, qui doit faire face aux défis et évolutions propres à son histoire en terre basque. La troisième génération en est le moteur avec le programme Kimuak – petites pousses, vitrine actuelle du cinéma basque. Vingt ans à mettre en lumière le talent basque, sous forme de courts métrages, passerelles vers l’international. La table ronde retranscrite réunissant six cinéastes issus de ce programme rend hommage au travail du Kimuak. Ainsi, la charge historique du livre n’empêche pas le lecteur d’y comprendre un avenir plutôt radieux pour ce cinéma plein de vitalité.
"Le livre est riche en iconographie, notamment en affiches et images de films, attisant sans cesse l’envie de découvrir ou redécouvrir ces œuvres parfois peu diffusées."
Le livre est riche en iconographie, notamment en affiches et images de films, attisant sans cesse l’envie de découvrir ou redécouvrir ces œuvres parfois peu diffusées. Le cinéma en tant qu’objet d’étude, le cinéma basque en tant qu’ "invention" comme le dit Zunzunegui, à définir, comprendre, délimiter ou au contraire le mêler à cet art si universel. Cinéma basque : trois générations de cinéastes réussit le tour de force de faire un état des lieux d’une industrie particulière, leçon de force identitaire et créative impressionnante. Mêler les générations a été un défi probant, le lecteur étant face à l’évidence de la nécessité de continuer à préserver et à diffuser ce patrimoine cinématographique basque, tout en stimulant l’étude par la recherche. La Cinémathèque basque y joue un rôle essentiel, à la fois garante et force de proposition de ce cinéma intergénérationnel. "C’est la différence des cultures qui rend leur rencontre féconde", Claude Lévi-Strauss.
Cinéma basque : trois générations de cinéastes, sous la direction de Joxean Fernãndez
Arteaz - Pimientos
mars 2019
25 euros
ISBN : 979-10-90257-20-7