Festival de San Sebastián : la coproduction internationale à l’honneur
C’est l’un des festivals emblématiques de la péninsule ibérique qui accueillera public et professionnels du 16 septembre au 24 septembre 2022. Aux portes de la Nouvelle-Aquitaine, celle-ci sera bien représentée puisque pas moins de 11 films soutenus par le Conseil régional y sont sélectionnés.
La section New Directors tout d’abord a choisi de montrer en avant-première mondiale Chevalier Noir d'Emad Aleebrahim Dehkordi. Coproduction 100% française menée par les sociétés UProduction et Indie Prod, ce film iranien est aidé par la Région et le Département de Charente- Maritime en partenariat avec le CNC. C’est aussi le cas de Casa no Campo de Davi Pretto, sélectionné pour WIP Latam. Une coproduction de Dublin Films, Atelier W & Vulcana Cinema et Murillo Cine pour la France, le Brésil et l’Argentine respectivement. Toujours dans la même section, le documentaire El Castillo de Martin Benchimol est coproduit par Sister Production et Heidi Fleischer pour la France, et Gema Films côté argentin.
Nous avons pu échanger avec Katti Pochelu de Gastibeltza, coproductrice du documentaire Les Dossiers bleus, coproduit avec la société espagnole Mirokutana et sélectionné pour la section Zinemira. Lorsque nous abordons l’avantage de la coproduction internationale, évidemment Katti sourit : "Le Pays basque, c’est notre territoire naturel. La frontière, elle existe sur l’autoroute, mais nous la franchissons plusieurs fois par jour sans que cela n’affecte notre vie." Une situation particulière qui permet à Gastibeltza comme à Mirokutana d’aller chercher des financements tant en Espagne qu’en France ; "c’est la grande force de ce territoire". Ce n’est pas le cas sur ce documentaire qui sera projeté en avant-première mondiale, mais Katti Pochelu et ses coproducteurs peuvent aussi compter sur l’Eurorégion. Celle-ci vise en effet la défense des intérêts communs transfrontaliers et "dispose d'un budget destiné à la culture qui peut donc servir entre autres à financer des films". Une structure que Katti fait jouer à son avantage quand c’est possible. "Mais le réel impact que peut avoir la coproduction internationale, c’est de faire venir sur place des professionnels pointus qui vont pouvoir travailler avec notre vivier local et le former. C’est grâce à ce genre de projets que l’on pourra développer le secteur au niveau régional. C’est en tout cas notre ambition".
Un point de vue que partage Yoann Cornu, de Damned Films. Le film que sa société coproduit s’appelle Great Yarmouth : Provision Figures et est en sélection officielle. Il travaille sur ce projet avec Les Films de l’Après-Midi en France, Elation Pictures pour la Grande Bretagne et Uma Pedra Na Sapato, la société de production portugaise qui accompagne le réalisateur Marco Martins – très attendu après Sao Jorge, son quatrième long métrage très remarqué – depuis le début. "Les bruitages du film ont été faits aux studios de l'Alhambra, à Rochefort. Pas vraiment la ville qu’on a en tête de prime abord pour un film portugais coproduit entre la France et l’Angleterre. Mais il se trouve que le studio est très exigeant et que beaucoup de gens ne sont pas nécessairement désireux de travailler à Paris. L’équipe du film est enchantée du résultat et nous aussi ; c’est une chose de plus que nous avons pu apporter". Aucun doute quant à la nécessité d’une coproduction internationale donc : "Le tournage a été arrêté pour cause de Covid, ce qui entraîne des frais conséquents. Sans le coproducteur anglais, impossible de tourner là-bas. Et sans l’aide de la Région Nouvelle-Aquitaine [le film est aussi soutenu par le Département de Charente-Maritime en partenariat avec le CNC], le film n’aurait pas pu exister", résume Yoann Cornu. Une raison de plus pour coproduire à l’international ? "Ça dépend bien sûr du film et de la volonté des gens qui travaillent dessus. Mais dans ce cas précis, oui, la coproduction a sauvé le film". Great Yarmouth sera accompagné de Pornomelancholia de Manuel Abramovitch. Coproduit entre la France (Dublin Films), le Brésil (Desvia Produções), l’Argentine (Gema Films) et le Mexique (Mart Films) et soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine en partenariat avec le CNC, il sera lui aussi présenté en avant-première mondiale.
"C’est ce que nous apporte le forum : une opportunité fantastique de rencontrer les professionnels qui font les films et de pouvoir les écouter nous en parler."
Les films sélectionnés pour l’Europe-Latin America Co-Production Forum sont une coproduction franco-chilienne La Muñeca de Fuego de Niles Atallah, qui a bénéficié d’une résidence à La Prévôté en 2020, et une coproduction franco-colombienne Lovers Go Home ! de Juan Sebastian Mesa, qui a bénéficié lui d’une résidence au Chalet Mauriac en 2022.
Ce forum, qui aura lieu du 19 au 21 septembre, Louise Bellicaud le connaît bien, elle qui, à travers la société In Vivo Films, présente deux longs métrages sélectionnés dans la section Horizontes Latinos. Tout d’abord Un Varón, de Fabian Hernandez, coproduit avec la société colombienne Medios de Contención Producciones, qui poursuit une belle carrière après sa sélection à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Puis Dos Estaciones de Juan Pablo González en coproduction avec la société américaine Sin Sitio Cine. "La sélection [de ce dernier] n’est pas une surprise dans la mesure où le film avait été présélectionné sur scénario pendant le forum. On s’est positionnés sur le package qui nous avait été présenté justement au forum, parce que ça nous a tout de suite plu, et parce que c’est aussi dans notre ADN d’aller vers des films qui présentent une ouverture sur le monde, et pas une problématique franco-française. C’est ce que nous apporte le forum : une opportunité fantastique de rencontrer les professionnels qui font les films et de pouvoir les écouter nous en parler." Si elle n’a pas de doute quant à la capacité de ces films à se faire sans la coproduction internationale, elle est en revanche certaine que cela se ferait avec une ambition plus réduite : "On a eu de la chance, on n’a pas eu à souffrir d’interruption de tournages. Mais le Covid, on l’a vu, a changé la façon de voir les films et donc fatalement notre façon à nous de les produire ou coproduire". La coproduction internationale permettrait-elle alors d’apporter des réponses à la crise que traverse l’industrie ? "Je pense que la solution est plutôt à chercher du côté des distributeurs". Un Varón a trouvé preneur en France et sortira en mars, mais Dos Estaciones cherche encore. Sa sélection à San Sebastián est accueillie à bras ouverts !