"The French Dispatch" de Wes Anderson : Angoulême en décor géant de cinéma
Pour son dixième long métrage qui sort en salle le mercredi 27 octobre, le réalisateur américain Wes Anderson a choisi la ville d'Angoulême comme décor de son French Dispatch. Pendant plus de six mois en 2018 et 2019, la capitale de la bande dessinée s'est transformée en un décor géant de cinéma, associant de nombreux professionnels et habitants régionaux. Rencontre avec la coproductrice Octavia Peissel et Antonio Fernandez, régisseur d'extérieur, qui reviennent avec Prologue sur ce tournage hors-norme.
Octavia Peissel, coproductrice
La ville d'Angoulême est le décor unique de The French Dispatch, racontant le quotidien de l'antenne du journal éponyme situé dans la petite ville française d'Ennui-sur-Blasé. Pourquoi avoir choisi Angoulême ?
Octavia Peissel : Wes Anderson a choisi Angoulême parce qu'elle correspondait à la ville fictive qu'il voulait créer. Après des repérages effectués dans toute la France, Angoulême a été une évidence pour lui : l'architecture, l'histoire, les dénivelés et les remparts devaient être le décor de ce monde à part entière créé pour le film. À l'instar de The Grand Budapest Hotel, il était important pour Wes de tourner l'ensemble du film au même endroit et avec la même équipe, ce qui est bénéfique à l'esprit d'équipe et créativement à l'unité du film.
Le tournage a mobilisé de nombreux professionnels et habitants locaux. Comment s'est passée cette cohabitation ?
O.P. : Notre objectif, avec le régisseur général, étant d'abord de prévoir tout le tournage dans la région et dans cette ville, nous avons très tôt commencé les repérages en identifiant des lieux intérieurs et extérieurs comme potentiels décors du film. Nous avons aussi recherché un studio pour pouvoir tourner des scènes dans des décors fictifs.
La régie, la construction, les départements d'art, la figuration, les costumes, le maquillage ou la coiffure… Les professionnels et habitants d'Angoulême et de la région ont été associés à tous les niveaux. Ayant supervisé la partie animée dans le film, j'ai pour ma part continué après le tournage à me rendre dans le studio d'animation à Angoulême.
"Il était essentiel pour nous de travailler ensemble avec tous les partenaires, notamment institutionnels, d'être écoutés mais d'écouter aussi les besoins ou les préférences locales."
Qu'a apporté le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine et des autres partenaires du film ?
O.P. : Le premier contact s'est noué au Festival de Cannes avec le CNC et Film France. Très vite, nous nous sommes rapprochés de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Département de la Charente, de Magelis, de la Ville d'Angoulême et de la Préfète. Il était essentiel pour nous de travailler ensemble avec tous les partenaires, notamment institutionnels, d'être écoutés mais d'écouter aussi les besoins ou les préférences locales. The French Dispatch racontant plusieurs histoires à différentes époques, nous avons réalisé des castings et des tournages successifs sur une longue période. Nous sommes aussi fiers par cet accompagnement d'être reconnus comme des auteurs indépendants plutôt que des Hollywoodiens venus tourner en France de manière anonyme. Je crois qu'il ressort d'ailleurs de ce film cette énergie collaborative intégrant humainement tous les acteurs locaux.
Antonio Fernandez, régisseur d'extérieur / décorateur
Que retenez-vous de ces six mois de tournage à Angoulême ?
Antonio Fernandez : Je retiens une expérience de tournage inédite, rassemblant beaucoup de monde, de professionnels de la région. C'est une autre manière de travailler par rapport à ce qui se fait habituellement puisqu'étaient rassemblés tous les corps de métier : les dessinateurs et les créatifs étaient présents, aucun sous-traitant n'a été sollicité. Le climat, l'effervescence positive qui se dégageait du matin au soir m'a aussi marqué. J'ai pour ma part travaillé avec Géraldine Nicolo et Jérôme Wargnier sur la décoration. Nous avions tous les jours des demandes précises et nous répartissions le travail chaque matin entre nous. L'ambiance était bon enfant, c'était un plaisir de travailler dans de telles conditions.
Vous étiez plusieurs régisseurs d'extérieur à travailler sur le film. Comment s'est organisé votre travail entre vous ?
A.F. : J'ai par exemple construit le décor du train, en allant chercher auprès d'une association à Caen une Micheline, un autorail léger. Nous avons démonté l'intérieur pour créer un décor Picasso que souhaitait Wes Anderson, avant de leur rapporter. Le musée aéronautique de Rochefort nous a aussi aidés en nous fournissant des filets de parachute et en démontant des intérieurs d'appareil afin de créer le décor du cockpit que nous voyons aujourd'hui dans le film. Dans les scènes plus classiques, j'ai recherché des accessoires d'époque comme des gazinières des années 1950 ou des fauteuils roulants des années 1930, dont les roues ont la spécificité d'être inversées. Nous avons eu de la chance pour nous en procurer puisque l'hôpital d'Angoulême en a conservés dans ses caves.
Le film a associé de nombreux habitants ainsi que des fournisseurs locaux. Cette collaboration a-t-elle facilité votre travail ?
A.F. : Oui, je pense notamment à un collectionneur du coin qui nous a fourni des enceintes lumineuses, des postes de télévision et de radio d'époque Mai-68. Au niveau des matériaux, notamment le bois, et des peintures, je pense que les fournisseurs locaux ont explosé leur chiffre d'affaires !
The French Dispatch a reçu le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine et du Département de la Charente, et est accompagné par ALCA et le Pôle Image Magelis.
Production : American Empirical Pictures et Indian Paintbrush
Distribution : Searchlight Pictures / Walt Disney Company France