Jean de la Ville de Mirmont par Jessica Hautdidier
"Pourquoi avoir choisi Jean de La Ville de Mirmont ? Je crois que c’est d’abord son destin qui a séduit mon âme d’incorrigible romantique, mais aussi mon goût pour l’absurde et l’ironie.
Pour exemple, Les dimanches de Jean Dézert, seul livre publié de son vivant, raconte la vie d’un petit employé de ministère, résigné à sa médiocrité. Pour se distraire, il compte sur le dimanche, promesse d’aventures fabuleuses et d’inconnu. Mais forcément, ses dimanches sont à son image : tristes et solitaires. Et Dézert finit par se résoudre au suicide. Un dimanche "afin de ne pas manquer le bureau".
C’est tragi-comique, drôle et désolé à la fois. À l’image de la vie de Mirmont, l’enfant qui tente vainement de se suicider en avalant une bouteille d’encre (un comble pour un écrivain).
Mirmont, le Bordelais, qui rêve depuis toujours de bateau, d’ailleurs et d’absolu, mais qui rate son concours naval pour cause de myopie. Et se retrouve, tel son futur héros Jean Dézert, dans une carrière de fonctionnaire qu’il exècre.
Mirmont, l’exalté, le romantique qui, bien que réformé (de nouveau à cause de cette satanée myopie) fait des pieds et des mains pour se faire enrôler lors de la première Guerre Mondiale et meurt sous un obus, quelques semaines plus tard, après avoir refusé une relève sur le Chemin des Dames.
Mirmont enfin, qui, peu avant le conflit, avait posé pour une photographie–probablement à l’occasion d’une soirée déguisée - en tenue soldat dans la pose du Dormeur du Val.
Jean de La Ville de Mirmont, le désenchanté, semble toujours être passé à côté de son existence. Mais la vie a-t-elle seulement un sens ? Au fond, de nos jours, il aurait fait –il me semble- un très bon artiste de stand up.
Pourquoi ce texte en particulier ? Il s’agit d’un poème tiré de son recueil l’Horizon Chimérique (tiré du chapitre des Chansons Sentimentales). Plus précisément d’une lettre de rupture. Il n’y a rien de désuet dans cette lettre, rien de poussiéreux. Ça sent le vécu et ça n’a pas pris une ride. Pourtant, qui, de nos jours, écrit encore des lettres de rupture ? Il m’a semblé amusant de confronter cela à la lâcheté actuelle. Ceux qui se sont déjà fait ghoster ou larguer par texto comprendront… Par cette mise en abîme, j’ai tenté de mettre en lumière une part de l’absurdité et de l’individualité de notre époque. J’aime à croire que cela aurait fait sourire Jean de La Ville de Mirmont."
Jessica Hautdidier, illustratrice