La voix de Maud Mayeras
Le soleil inonde le centre-ville médiéval de Limoges, le salon de thé est coloré, accueillant, et Maud Mayeras est tout sourire. Elle est intarissable et rit beaucoup, tout en expliquant pourtant sa passion pour les livres à faire froid dans le dos. Sa voix honnête et espiègle nous dit comment on peut trouver dans une littérature noire de quoi alimenter le principal, à savoir avant tout la vie.
Avez-vous souvenir d’un livre qui vous aurait fait devenir lectrice ?
Maud Mayeras : Oui, très précisément même. Étant plus jeune, la lecture m’ennuyait profondément — que ce soit les classiques d’alors pour la jeunesse comme la Bibliothèque rose, ou les ouvrages de littérature générale prescrits par l’école. Tous ces livres me passaient par-dessus la tête et ne me donnaient clairement pas envie de me mettre à lire. Et puis un jour, ma mère, un peu dépitée, m’a conduite dans une librairie afin de stimuler ma curiosité pour l’écrit. Elle m’a proposé de choisir un livre, celui qui me plaisait, sans aucune restriction. Je me souviens avoir alors été interpellée par un ouvrage figurant un clown sur la couverture. J’avais onze ans et j’ai demandé à ma mère de m’acheter Ça, de Stephen King. Elle a d’abord refusé, mais devant mon insistance — "le livre que je souhaite, n’importe lequel, as-tu dit", ai-je rappelé —, elle a fini par céder.
J’ai lu ces 1500 pages d’une traite et ça a été le véritable point de départ de tout ce qui a suivi. J’ai découvert que l’on pouvait faire vraiment peur avec des romans et je me suis vite dit que, moi aussi, je voulais faire ça. Je suis donc tombée dans la littérature de terreur — Stephen King d’abord, mais aussi C. Barker ou D. Clegg —, avant de m’ouvrir progressivement vers d’autres univers. Mais j’ai toutefois conservé un goût immodéré pour les ambiances marquées, comme par exemple le bayou avec J.R. Lansdale et J.L. Burke, ou les grands espaces américains avec R. Rash et D.R. Pollock.
Maud Mayeras : Oui, très précisément même. Étant plus jeune, la lecture m’ennuyait profondément — que ce soit les classiques d’alors pour la jeunesse comme la Bibliothèque rose, ou les ouvrages de littérature générale prescrits par l’école. Tous ces livres me passaient par-dessus la tête et ne me donnaient clairement pas envie de me mettre à lire. Et puis un jour, ma mère, un peu dépitée, m’a conduite dans une librairie afin de stimuler ma curiosité pour l’écrit. Elle m’a proposé de choisir un livre, celui qui me plaisait, sans aucune restriction. Je me souviens avoir alors été interpellée par un ouvrage figurant un clown sur la couverture. J’avais onze ans et j’ai demandé à ma mère de m’acheter Ça, de Stephen King. Elle a d’abord refusé, mais devant mon insistance — "le livre que je souhaite, n’importe lequel, as-tu dit", ai-je rappelé —, elle a fini par céder.
J’ai lu ces 1500 pages d’une traite et ça a été le véritable point de départ de tout ce qui a suivi. J’ai découvert que l’on pouvait faire vraiment peur avec des romans et je me suis vite dit que, moi aussi, je voulais faire ça. Je suis donc tombée dans la littérature de terreur — Stephen King d’abord, mais aussi C. Barker ou D. Clegg —, avant de m’ouvrir progressivement vers d’autres univers. Mais j’ai toutefois conservé un goût immodéré pour les ambiances marquées, comme par exemple le bayou avec J.R. Lansdale et J.L. Burke, ou les grands espaces américains avec R. Rash et D.R. Pollock.
"Comme il faut s’entraîner pour bien courir, il faut forcément lire pour bien écrire."
Quel type de lectrice êtes-vous aujourd’hui ?
M.D. : Je lis trop peu, hélas. Par manque de temps, mais aussi je dois bien l’avouer, souvent par manque d’envie. Même si je demeure persuadée qu’alimenter sa curiosité est crucial pour créer. En vérité, lorsque l’on écrit, on ne fait souvent que copier, réinventer, s’inspirer de petites choses, de détails pris à droite ou à gauche. Écrire est aussi un sport. Et comme il faut s’entraîner pour bien courir, il faut forcément lire pour bien écrire. Toutefois, pour moi, le cinéma est aussi une source d’inspiration prépondérante. J’aime beaucoup réfléchir à la façon dont sont écrites les histoires au cinéma et je m’en sers beaucoup dans mon travail. J’apprécie tout particulièrement le cinéma coréen, les histoires y sont souvent complètement dingues. Je pense notamment à un cinéaste comme P. Chan-Wook, qui a le don de mélanger terreur et poésie à merveille.
Je continue néanmoins à chercher des livres qui vont me remuer fort. J’aime ça par-dessus tout. J’ai besoin qu’un roman me provoque des montées d’adrénaline, mais bien au chaud sur mon canapé. Dernièrement, ça a été par exemple le cas avec Claustria de R. Jauffret, qui m’a fortement bousculée. C’est toujours une lecture qui me ramène à l’écriture. Ainsi, après mon premier roman, il s’est écoulé plusieurs années sans que rien ne vienne. C’est la lecture de Sur ma peau de C. Flynn qui m’a soudain donné envie de m’y remettre.
Cela signifie-t-il que, pour vous, la littérature est avant tout un outil de transgression ?
M.D. : Je ne sais pas. J’aime en tout cas l’idée que l’on puisse tout faire en littérature, qu’il y aura toujours un lectorat concerné. Quelque part, c’est ce qui a permis l’éclosion d’auteurs comme V. Despentes ou M.G. Dantec qui, avec d’autres, ont pas mal fait bouger les lignes dans la littérature française à leurs débuts. Mais cela peut surgir aussi dans une littérature considérée comme plus classique. L’Amant de M. Duras par exemple reste pour moi un livre cultissime, de par notamment son érotisme exacerbé. Comme le dit mon éditeur, Stephen Carrière : "Il n’y a pas de littérature blanche, il n’y a pas de littérature noire. Il y a juste de la littérature."
Après, je ne sais pas d’où vient chez moi ce goût pour les histoires choquantes ou transgressives. Je sais juste que ça a toujours été là. Je ne suis pas trop attirée par d’autres littératures et, si je change de style de lecture, il y a toujours lien. Si je lis de la poésie, c’est Bukowski. Si je me tourne vers la bande dessinée, ce sont des choses comme Blast de Larcenet. Je crois que j’ai peur de m’ennuyer si je lis autre chose. Même si, du coup, à lire beaucoup de noir, je finis parfois par voir des tueurs en série à chaque coin de rue... Mais n’est-ce pas un peu le cas en vérité ? (rires)
M.D. : Je lis trop peu, hélas. Par manque de temps, mais aussi je dois bien l’avouer, souvent par manque d’envie. Même si je demeure persuadée qu’alimenter sa curiosité est crucial pour créer. En vérité, lorsque l’on écrit, on ne fait souvent que copier, réinventer, s’inspirer de petites choses, de détails pris à droite ou à gauche. Écrire est aussi un sport. Et comme il faut s’entraîner pour bien courir, il faut forcément lire pour bien écrire. Toutefois, pour moi, le cinéma est aussi une source d’inspiration prépondérante. J’aime beaucoup réfléchir à la façon dont sont écrites les histoires au cinéma et je m’en sers beaucoup dans mon travail. J’apprécie tout particulièrement le cinéma coréen, les histoires y sont souvent complètement dingues. Je pense notamment à un cinéaste comme P. Chan-Wook, qui a le don de mélanger terreur et poésie à merveille.
Je continue néanmoins à chercher des livres qui vont me remuer fort. J’aime ça par-dessus tout. J’ai besoin qu’un roman me provoque des montées d’adrénaline, mais bien au chaud sur mon canapé. Dernièrement, ça a été par exemple le cas avec Claustria de R. Jauffret, qui m’a fortement bousculée. C’est toujours une lecture qui me ramène à l’écriture. Ainsi, après mon premier roman, il s’est écoulé plusieurs années sans que rien ne vienne. C’est la lecture de Sur ma peau de C. Flynn qui m’a soudain donné envie de m’y remettre.
Cela signifie-t-il que, pour vous, la littérature est avant tout un outil de transgression ?
M.D. : Je ne sais pas. J’aime en tout cas l’idée que l’on puisse tout faire en littérature, qu’il y aura toujours un lectorat concerné. Quelque part, c’est ce qui a permis l’éclosion d’auteurs comme V. Despentes ou M.G. Dantec qui, avec d’autres, ont pas mal fait bouger les lignes dans la littérature française à leurs débuts. Mais cela peut surgir aussi dans une littérature considérée comme plus classique. L’Amant de M. Duras par exemple reste pour moi un livre cultissime, de par notamment son érotisme exacerbé. Comme le dit mon éditeur, Stephen Carrière : "Il n’y a pas de littérature blanche, il n’y a pas de littérature noire. Il y a juste de la littérature."
Après, je ne sais pas d’où vient chez moi ce goût pour les histoires choquantes ou transgressives. Je sais juste que ça a toujours été là. Je ne suis pas trop attirée par d’autres littératures et, si je change de style de lecture, il y a toujours lien. Si je lis de la poésie, c’est Bukowski. Si je me tourne vers la bande dessinée, ce sont des choses comme Blast de Larcenet. Je crois que j’ai peur de m’ennuyer si je lis autre chose. Même si, du coup, à lire beaucoup de noir, je finis parfois par voir des tueurs en série à chaque coin de rue... Mais n’est-ce pas un peu le cas en vérité ? (rires)
Romuald Giulivo est né en 1973 à Provins. Architecte naval de formation, il se consacre désormais à l’écriture et aux musiques improvisées. Il est notamment l’auteur d’une trilogie à l’humeur gothique chez Bayard jeunesse, de plusieurs romans inspirés par l’actualité immédiate à l’École des Loisirs et d’un premier roman pour adultes aux éditions Anne Carrière.