Le couple Joliot-Curie, Clairvivre, l’eau lourde et le radium… un nouveau roman historique d’Hervé Brunaux
Après un premier roman sur l’Occupation et la Résistance en Périgord, De l’or et des sardines, Hervé Brunaux livre un grand récit autour de Frédéric et Irêne Joliot-Curie, pris dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’une véritable épopée dont sont le centre ces deux figures clés de la recherche scientifique et des enjeux politico-stratégiques de l’époque, en raison de la course à la réalisation de la bombe nucléaire entre les Alliés et l’Allemagne nazie. On y voit évoluer les deux personnalités dans le Paris de la fin des années 30 et de la "drôle de guerre", puis durant la débâcle devant l’armée allemande et sous l’Occupation, qui vont les emmener à Clairvivre, une cité sanitaire utopique implantée depuis 1933 dans la campagne périgourdine.
À la veille de la guerre, les recherches des équipes que dirigent Frédéric et Irêne Joliot-Curie, lui au Collège de France et elle à la tête de l’Institut du radium, sont très avancées. Pour parvenir à terme, il ne manque plus qu’un complément du radium et d’autres éléments radioactifs, de l’eau lourde, dont on ne dispose pas en France. Comme il en était produit en quantité dans une centrale électrique norvégienne, une opération des plus aventureuses est lancée sous l’égide du ministre Raoul Dautry pour aller en prélever là-bas et en ramener à Paris juste avant l’invasion de la Norvège par les Allemands. L’opération réussira après bien des péripéties à suspense. Lors de la défaite, tandis que l’armée allemande commence à occuper Paris, le couple Joliot-Curie et l’eau lourde trouvent un premier refuge à Clermont-Ferrand. De là, leur précieux stock de bidons sera transporté au port de Bordeaux occupé, puis embarqué in extremis sur un navire britannique. Quant à Irêne Joliot-Curie, souffrant gravement de la tuberculose en raison de son exposition aux radiations, elle va être orientée vers le sanatorium pilote construit sous la houlette d’Albert Delsuc, à Clairvivre. Le couple y séjournera durant l’été 1940, avant une déchirante séparation. Elle y fera un second séjour en 1942. À ce moment-là, l’atmosphère de Clairvivre a changé, car on y a accueilli d’abord des réfugiés de la Guerre d’Espagne, puis des Alsaciens, jusqu’à la faculté de médecine et les patients et soignants des hôpitaux de Strasbourg, ainsi que des personnes juives vivant dans la clandestinité. Bientôt, Clairvivre sera un important creuset de la Résistance dans la région. À Paris, à partir de fin 1942 et en 1943, alors qu’Irêne parviendra à se réfugier en Suisse avec ses enfants, Frédéric Joliot-Curie établira au Collège de France un centre névralgique de la Résistance parisienne.
"En poète et en fin psycho-sociologue mâtiné d’historien chevronné, Hervé Brunaux a brillamment relevé le défi d’enchevêtrer la grande histoire, l’histoire régionale et les portraits profondément émouvants de deux grands savants du XXe siècle."
L’art d’Hervé Brunaux repose sur une écriture qui lui est propre, aussi vive, précise, que sensible et délicate, sans se priver de recourir parfois à un style quasi télégraphique dont l’effet d’économie ne rompt qu’à bon escient la fluidité et la cohésion de son texte. Sans nuire au rocambolesque des intrigues ni à la dimension dramatique des situations, le roman à la fois déploie une biographie très documentée et approfondie du couple Joliot-Curie et retrace son histoire plus intime, celle d’un grand amour dans l’aura d’une figure tutélaire, la mère d’Irêne, Marie Curie. En poète et en fin psycho-sociologue mâtiné d’historien chevronné, Hervé Brunaux a brillamment relevé le défi d’enchevêtrer la grande histoire, l’histoire régionale et les portraits profondément émouvants de deux grands savants du XXe siècle. Personnage hors du commun, Irêne ne se sera jamais séparée durant ses tribulations d’un gramme de radium légué par sa mère, sorte de talisman ô combien ambivalent en raison de sa valeur inestimable à tous égards, mais aussi par la dimension de tragédie pour ainsi dire absolue dont il était le symbole.
Au plus cher de nos vies
Hervé Brunaux
Éditions du Rouergue
326 pages, 14 cm x 20,5 cm
Mars 2018-339-090-5
ISBN 978-2-8126-1604-4