Les cadres du contrat d’édition
L’auteur peut parfois avoir le sentiment d’un déséquilibre dans la relation avec un éditeur et qu’un cadre légal lui est imposé sans aucune possibilité de négocier. Qu’en est-il donc précisément de la protection de l’auteur et de sa posture à l’égard de l’éditeur ? Cette protection doit s’envisager non seulement à l’égard de la loi, mais également du contrat.
Le cadre légal
En 1886 a été signée la Convention de Berne, convention internationale qui portait sur la protection accordée à l’œuvre et aux auteurs. Celle-ci dispose d’un minimum de protection qui doit être accordée à l’auteur.
En France, la volonté du législateur s’est portée sur la protection de l’auteur, à l’inverse du copyright anglo-saxon, qui protège l’œuvre dans sa dimension économique. Cette approche juridique nationale octroie à l’auteur une protection plus importante.
C’est ainsi que, dès sa création, l’œuvre appartient à l’auteur, et ce sans aucunes formalités. Toutefois, ces dernières seront nécessaires pour administrer la preuve de la paternité de l’œuvre en cas de conflit.
L’auteur dispose par ailleurs d’un monopole : il est le seul à pouvoir autoriser l’exploitation de son œuvre sous réserve de quelques exceptions pour permettre de répondre aux principes de l’accès pour tous à la culture (article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle1). Il bénéficie d’un droit moral (droit de divulgation, droit de paternité, droit au respect et droit de retrait quand bien même l’œuvre serait exploitée), qui est inaliénable et imprescriptible. En outre, il dispose de droits patrimoniaux consistant à autoriser la reproduction et la diffusion de son œuvre pendant toute sa vie et 70 ans après son décès.
Toute exploitation sans son accord est un délit pénal : le diffuseur non respectueux encourt le risque d’une amende et d’une peine d’emprisonnement, outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’auteur.
Quant à l’éditeur, le Code de la propriété intellectuelle lui impose une obligation d’exploitation qui, à défaut, est sanctionnée par la résiliation du contrat.
Le cadre contractuel
Le contrat d’édition, quant à lui, permet à l’éditeur de disposer de cette autorisation d’exploitation par l’auteur. Il doit avant tout prévoir l’autorisation par l’auteur d’exploiter cette œuvre : il s’agit de la clause de cession de droits d’auteur (droits de reproduction et droits de diffusion). Toute exploitation non prévue au contrat n’est donc pas autorisée.
En outre, le contrat devra décrire toutes les modalités qui s’imposent à l’éditeur quant à son obligation d’exploitation. Il est donc très important pour l’auteur d’être vigilant sur les termes de ce contrat, qui déterminent l’étendue de l’engagement de l’éditeur.
Le cadre juridique qui entoure l’œuvre est particulièrement protecteur pour l’auteur et fait écho aux propos de Kant, qui disait que "l’œuvre est l’émanation de l’âme". Quant au contrat, qui tient lieu de loi entre les parties, il sera la traduction juridique de la volonté des parties, et en l’occurrence, de celle de l’auteur.
Rappelons que le contrat n’est que la conséquence de l’échange de consentements et donc du consentement de l’auteur. Celui-ci peut refuser toute clause qui ne lui convient pas. Sans son accord, il ne peut y avoir de diffusion.
En outre, si la loi impose des obligations, celles-ci ne sont pas forcément d’ordre public, puisqu’elles sont majoritairement supplétives. En d’autres termes, ces dernières s’appliquent si seulement les parties n’ont pas prévu contractuellement d’organiser leurs relations autrement, d’où le principe de liberté contractuelle qui gouverne les obligations contractuelles.
Dans ces conditions, le rapport de force qui peut exister entre l’éditeur et l’auteur est largement contrebalancé par le pouvoir que le législateur a accordé à l’auteur et par le principe de la liberté contractuelle. L’auteur a parfois le sentiment qu’il ne peut pas faire de contrepropositions au projet de contrat qui lui est proposé. Il peut penser, par exemple, qu’il n’est pas légitime de réclamer un à-valoir ou de refuser de céder les droits d’adaptation audiovisuelle. C’est pourquoi, il est essentiel, avant la signature d’un contrat, de bien comprendre les contours juridiques et l’étendue de ses engagements pour ainsi aborder avec sérénité la relation contractuelle entre l’auteur et l’éditeur.
1. Article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle.