Les effets de la crise sanitaire sur les bibliothèques : où en est-on en Nouvelle-Aquitaine ?
Dans les établissements de lecture publique de Nouvelle-Aquitaine, la reprise à la suite des fermetures lors des deux confinements et des restrictions d’entrée qui ont suivi est contrastée selon la situation géographique de la bibliothèque, qu'elle se situe en centre-ville, en quartier ou en réseau.
Trois tendances se dégagent :
- Un retour en force des familles pour se livrer à des activités communes, parents et enfants, proposées par la bibliothèque ou bien en autonomie ;
- Un taux de fréquentation en progression importante mais qui n’est pas toujours revenu à son niveau d’avant 2019 pour la plupart (sauf exceptions notables) ;
- Des prêts qui laissent encore à désirer, sauf en jeunesse où ils sont tirés vers le haut par les BD et les mangas. Le prêt de DVD est en chute libre par endroits.
De nombreuses bibliothèques bénéficient de nouvelles inscriptions dues au travail intense effectué pendant le confinement pour garder le contact avec les lecteurs et leur famille, notamment dans les quartiers et dans les petites agglomérations. On peut citer la bibliothèque de Saint-Sulpice-de-Faleyrens (33) dans le réseau du Grand Saint-Émilionnais, qui a retrouvé sa fréquentation d’avant le Covid et augmenté ses inscriptions.
Des espaces ont été modifiés par la crise : certains ont été aménagés pour le télétravail – une aubaine pour les usagers qui disposent d’une bibliothèque en centre-ville comme à Arcachon – ou pour les étudiants comme à Bordeaux. La médiathèque du MA.AT à Arcachon (33) bénéficie d’un engouement croissant depuis son ouverture en janvier 2020, juste avant le confinement : + 25 % de fréquentation sur l’été 2022, avec 54 heures d’ouverture par semaine.
"Les niveaux d’avant le Covid ont été retrouvés et même dépassés dès la fin de l’obligation de présenter un passe sanitaire, grâce à un gros travail de proximité avec les usagers."
La bibliothèque centrale de Bordeaux Mériadeck, comme sa cousine, la bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon, voit sa fréquentation chuter de 25 % alors que dans le réseau, elle se maintient partout. Dans les quartiers de Bordeaux, "les niveaux d’avant le Covid ont été retrouvés et même dépassés dès la fin de l’obligation de présenter un passe sanitaire, grâce à un gros travail de proximité avec les usagers", précise Yoann Bourion, son directeur. De même à Limoges, où l’on constate une baisse générale sur le réseau d’environ 10 % depuis 2019 : les deux "grosses" médiathèques de quartier ont davantage baissé (- 25 % et - 30 %) que les trois plus petites bibliothèques de quartier, qui ont totalement reconquis leur public de proximité, d'autant que deux d'entre elles ont été modernisées dans la période.
À Anglet (64), cependant, les chiffres de fréquentation restent 30 % inférieurs à ceux d’avant 2019, mais les prêts n’ont pas du tout baissé, nous signale la directrice de la bibliothèque, Corinne Siffert. C’est la fréquentation quotidienne des habitants de quartier, souvent séniors, pour la lecture de la presse locale par exemple, ainsi que celle de l’espace numérique (connexion à Internet) qui s’est affaissée au profit d’une fréquentation en famille qui s’est densifiée.
Le parallèle est fait par plusieurs responsables de médiathèques avec les très grandes surfaces commerciales des périphéries en partie délaissées au profit des magasins de moyenne importance, plus accessibles dans les villes ; les Néo-Aquitains expriment un besoin de proximité, de local, ils se resserrent autour du cercle familial, du partage. Ils ont besoin d’espaces équipés accueillants plus que de documents à emporter – même si l’on constate une très bonne tenue de l’imprimé dans les prêts, particulièrement en jeunesse.
Les bibliothèques ouvertes le dimanche voient ce choix conforté par une grosse affluence des familles entières. C’est le cas dans le réseau de l'agglomération de Pau-Béarn-Pyrénées (64). Le samedi, c’est l’un ou l’autre parent qui accompagne les enfants, le dimanche tout le monde vient. Les animations en direction des familles, particulièrement des grands-parents pendant les vacances scolaires, rencontrent un succès grandissant partout dans la région. "À Limoges, le capital sympathie des lecteurs vis-à-vis de la BFM (Bibliothèque francophone multimédia) s'est solidifié malgré les fermetures, et l’on constate l’émergence d'un réel intérêt pour les formes d'action culturelle à petite ou moyenne jauge, orientées vers le partage et le sourire (soirées jeux de société, visites, quiz, ateliers, after-work...)", dit Julien Barlier, son directeur.
Les bibliothèques ont fait parler d’elles pendant la crise du Covid : certaines bénéficient de ce coût de projecteur involontaire qui a conforté leur image de service public intergénérationnel et proche de ses usagers. Pour les autres, reste à se réinventer. On leur fait confiance, c’est dans leur ADN.