Les festivals de cinéma néo-aquitains jouent collectif
Cet hiver naissait le Collectif des festivals de cinéma et d'audiovisuel de Nouvelle-Aquitaine. Une création précipitée par la crise sanitaire mais qui répond à une réflexion plus profonde sur la nécessité de collaborer pour mieux se développer.
Il y a au moins une chose positive qu’on pourra imputer à la crise du Covid, c’est le formidable coup d'accélérateur qu’elle a donné à la création du Collectif des festivals de cinéma et d'audiovisuel de Nouvelle-Aquitaine. Créé de manière informelle pendant le confinement du printemps 2020, le Collectif existe juridiquement depuis novembre. Il s’agit pour les organisateurs de festivals de cinéma et d’audiovisuel néo-aquitains de renforcer leurs liens. Un besoin mis en évidence lors de réunions organisées par la Région lors du Festival international du film indépendant de Bordeaux (Fifib), en octobre.
Pour Maguy Cisterne, coprésidente du Collectif et secrétaire générale du Festival du cinéma de Brive, il faut "être un interlocuteur puissant des pouvoirs publics et faire avancer nos événements et le cinéma dans la région". L'objectif ? Faire progresser "la représentativité régionale et l’ambition internationale avec, entre les deux, toutes les coopérations qui nous permettent de faire encore mieux avec les mêmes moyens".
Concrètement, les membres se réunissent (en visioconférence, faut-il le préciser) chaque mois pour échanger sur leurs situations respectives (financement, impact du Covid, adaptation aux mesures en cours, etc.). Ils réfléchissent et élaborent des réflexions communes à apporter aux institutions : ministères, CNC, Région, collectivités territoriales et Union européenne, entre autres. Arnaud Dumatin, coprésident du Collectif et délégué général du festival Fema La Rochelle, précise : "L’idée du Collectif est de fluidifier les relations, obtenir des réponses plus rapides et mieux faire comprendre nos enjeux."
"L’idée du Collectif est de fluidifier les relations, obtenir des réponses plus rapides et mieux faire comprendre nos enjeux."
Représentation auprès des financeurs mais aussi auprès des autres festivals, en France, en Europe ou à l'international. Certains membres du Collectif font partie de Carrefour des festivals, une association nationale qui facilite les échanges et qui œuvre à la reconnaissance du travail de ces structures. "Le Collectif vise à intégrer l’association Carrefour des festivals", pointe Arnaud Dumatin. "C'est un réseau d'échanges et d'expériences, et c'est aussi un organe qui peut faire du lobbying. Il existe d’autres collectifs au niveau européen, essentiels, car la Commission européenne impose comme critère pour obtenir des financements la collaboration entre festivals européens."
Au niveau international et lorsque la situation sanitaire le permettra, "notre ambition est de nous représenter dans les festivals à l’étranger et, pourquoi pas, de nous envoyer mutuellement en mission pour rechercher des films", indique Maguy Cisterne. "Maintenant que l'on se parle et que l'on connaît nos spécificités, on peut penser à être ambassadeur de nos festivals et faire de la mise en relation", ajoute Camille Sanz, responsable du Poitiers Film festival et secrétaire générale du Collectif.
Au-delà du volet financier, il existe des échanges artistiques au niveau européen avec des coproductions sur des créations et des échanges de programmation. "Il est vrai qu'il peut y avoir compétition et rivalité entre les festivals, mais il est nécessaire d'établir des passerelles. Il est important de se fédérer – l'union fait la force –, d’autant plus que le tassement des financements rend nécessaire la mutualisation des moyens pour leur donner plus d’ampleur", explique Arnaud Dumatin.
"Autre piste de mutualisation : la création d’une base de données des acteurs de la filière audiovisuelle afin de créer un carnet d’adresses commun aux membres et faciliter leur travail."
Cette mutualisation, les membres du Collectif des festivals de Nouvelle-Aquitaine y pensent pour l’achat de matériel (projecteur de cinéma itinérant par exemple), de moyens aussi (comme le sous-titrage de films) ou de compétences avec éventuellement la création d’emplois communs à plusieurs festivals. Pour Maguy Cisterne, il y a même des emplois à créer : "Nous avons régulièrement recours à des CDD - préparation de l’accueil des invités, le soutien à la communication, etc. Des postes qui pourraient tout à fait être pérennisés sur les plusieurs festivals en fonction du calendrier." Autre piste de mutualisation : la création d’une base de données des acteurs de la filière audiovisuelle (réalisateurs, acteurs, scénaristes, etc.) afin de créer un carnet d’adresses commun aux membres et faciliter leur travail.
Enfin, le Collectif réfléchit aussi à l’organisation de tables rondes dans les festivals adhérents sur des thèmes qui les fédèrent, comme la dimension écoresponsable des événements, la précarisation de l'emploi culturel, la précarisation des structures elles-mêmes (qui sont parfois plus subventionnées sur des projets que sur leur fonctionnement). Un état des lieux est prévu en 2021 pour tenter d'apporter des solutions communes.
Une démarche globale qui séduit puisque trois festivals viennent de rejoindre le Collectif (voir l'encadré). Arnaud Dumatin nous détaille les critères pour y adhérer : "il faut bien entendu être implanté en Nouvelle-Aquitaine, être soutenu financièrement par la Région et exister depuis au moins trois ans. Il faut aussi que le projet soit bien défini avec un responsable de la direction artistique ou un comité de sélection, et s’inscrire dans un réseau de professionnels du cinéma et audiovisuel". Maguy Cisterne souligne que "l’ancrage sur le territoire est essentiel car, au-delà de l'événement, nous faisons un travail d’éducation à l’image, nous proposons des résidences, des formations et nous réalisons un travail étroit avec les salles de cinéma et le public de nos territoires".
"Un festival a du sens parce que c’est de la rencontre, de la chaleur et si la rencontre n'est plus là, il n’y a plus de sens."
La relation avec le public, durement éprouvée depuis un an, est au cœur d’une réflexion menée par le Collectif lors d’une table ronde au Fipadoc en janvier dernier. Avec la crise sanitaire qui perdure, les festivals ont dû se réinventer et pour certains proposer des formats en ligne. "L’aspect positif de l'hybridation, c’est que les films existent et que les festivals travaillent, mais notre travail, c'est d'intervenir dans un territoire, de proposer des films aux habitants. Ce que l'on fait là, c'est un peu navrant, ce n'est pas notre travail", déplore Arnaud Dumatin, rejoint dans son analyse par M. Cisterne pour qui "être totalement en numérique va contre notre raison d'être. Un festival a du sens parce que c’est de la rencontre, de la chaleur et si la rencontre n'est plus là, il n’y a plus de sens." Camille Sanz tempère : "Obligés de se pencher sur les enjeux numériques, on tire les enseignements de ce qu'on a mis en place contraints et forcés. Et on constate une meilleure accessibilité, nous arrivons à toucher des publics qui sont géographiquement ou socialement éloignés de nos sites."
L'après-Covid est déjà au cœur des réflexions du Collectif et pour Camille Sanz, ce sera "des réunions, dans des festivals en vrai et pas en visioconférence, autour du numérique, du développement durable et de la précarisation dans les manifestations. On tentera de mutualiser nos connaissances, nos réflexions et potentiellement nos actions !"
Quoi qu'il arrive, le Collectif est parti pour se développer et donner aux festivals les moyens de retrouver leur place, l’affirmer davantage, devant un public on l’imagine impatient de renouer avec ces rencontres culturelles.