Mélanie Gribinski, la portraitiste du Chalet Mauriac
La Vie de Chalet, produit par Les Productions du Lagon et ALCA avec France Télévisions, est projeté en avant-première lors de la Fête au Chalet qui a lieu les 22 et 23 septembre 2022, à Saint-Symphorien (33), avant d'être diffusé le 29 septembre sur France 3 Nouvelle-Aquitaine. Sa réalisatrice Mélanie Gribinski nous invite dans ce lieu dédié à la culture avec lequel elle entretient un lien étroit.
Résidence de villégiature du jeune François Mauriac, le Chalet Mauriac est devenu en 2013 une résidence d'écriture de référence pour les artistes du livre, du cinéma et de tous les champs artistiques. La transformation de ce bâtiment singulier dans son décor – un chalet de type arcachonnais au cœur du bois des Landes de Gascogne – a été possible grâce au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, propriétaire des lieux, la commune de Saint-Symphorien (33) où il se trouve et ALCA, qui coordonne le projet artistique. Dix années et près de 350 auteurs accueillis après, ces acteurs institutionnels et nombre d'anciens résidents se retrouvent le 22 septembre prochain pour y célébrer le lieu et ses souvenirs autour du documentaire réalisé par Mélanie Gribinski, La Vie de Chalet.
Cette œuvre audiovisuelle est le fruit d'une intuition de son autrice et de discussions régulières avec celle qui organise les résidences, Aimée Ardouin. Il faut dire que le parcours de Mélanie Gribinski a suivi de près ces dernières années celui du Chalet Mauriac. Formée à la photographie à Paris, dont elle est originaire, elle débute au laboratoire Imaginoir où elle croise les plus grands photographes, Sebastiao Salgado, Raymond Depardon ou Peter Lindbergh. "J'y ai fait un peu de tout, de la retouche au tirage, et j'adorais ça. C'est là où ce parcours de photographe a vraiment commencé", nous explique Mélanie. Elle se spécialise ensuite dans le portrait noir et blanc à la chambre argentique et réalise une série d'une cinquantaine de portraits de psychanalystes. Au milieu des années 1990, elle s'installe à Marseille et photographie les auteurs accueillis par le Centre international de la poésie à la Vieille Charité. "J'ai aussi créé une petite revue et une maison d'édition, La Chambre, donc déjà il y a un lien avec le livre", note Mélanie.
C'est en 2005 que Mélanie Gribinski s'installe tout près de Bordeaux, "en ne connaissant personne à part trois éditeurs, Didier Vergnaud, Françoise Valéry et Franck Pruja." Elle y rencontre Denis Mollat et le libraire Paul Roger, et réalise une série de photographies des clients de la librairie. "Je leur propose d'installer un studio dans la librairie, ce qu'ils acceptent. Les lecteurs, un livre à la main, se mettent alors à me parler du livre et me vient naturellement l'idée d'enregistrer. J'ai ensuite travaillé sur un projet de portraits au marché des Capucins et là aussi, le besoin d'enregistrer les témoignages s'est vite fait ressentir. Je me suis rendue compte que la parole était quelque chose qui manquait dans l'image fixe et j'ai donc réalisé des montages pour associer les deux."
Peu de temps après son installation en Gironde, elle rencontre Patrick Volpilhac, alors directeur de l'Arpel (Agence régionale pour l'écrit et le livre en Aquitaine) puis d'Écla (Écrit, cinéma, livre et audiovisuel en Aquitaine) entre 2005 et 2011, et qui dirigera ALCA entre 2019 et 2022. "Patrick m'a reçue dans les locaux de l'agence à Bordeaux alors que je venais de ma campagne et que j'étais un peu perdue (rires). Il a su m'aider en me présentant l'environnement professionnel de la région." De ce premier contact avec l'agence s'ensuivra une collaboration régulière dans le cadre des résidences d'écriture de la Prévôté : avec d'autres photographes régionaux, Mélanie réalisera le portrait d'auteurs accueillis à Bordeaux. Mais c'est surtout avec la création du projet artistique au Chalet Mauriac que cette relation se renforce.
"J'ai dû faire à peu près 45 portraits. J'adorais venir ici, faire la route au travers des pins pour passer du temps avec quelqu'un que je ne connaissais pas."
Pour laisser une trace des résidences des autrices et des auteurs accueillis à Saint-Symphorien, un entretien rédigé accompagné d'un portrait est publié sur la revue en ligne de l'agence. Parmi les photographes fidèles à l'exercice, on peut citer Alban Gilbert, Élisabeth Roger, Quitterie de Fommervault, Olivia Borne et… Mélanie Gribinski. "J'ai dû faire à peu près 45 portraits. J'adorais venir ici, faire la route au travers des pins et passer du temps avec quelqu'un que je ne connaissais pas", se souvient Mélanie, assise dans la cuisine du Chalet, pièce privilégiée par les résidents pour échanger entre eux. "J'ai même connu l'ambiance du lieu au plus près en y dormant au moment où mon compagnon Donatien Garnier était en résidence d'écriture. C'était en 2014 et déjà je sentais qu'il y avait quelque chose dans les discussions entre auteurs que je ne pouvais pas capter par la photo. Peu de temps après, j'ai dit à Aimée que j'aimerais faire un film sur le processus de création au Chalet."
Il faudra donc attendre huit années avant que le projet ne voie le jour. Dans l'intervalle, Mélanie a poursuivi sa mue artistique en réalisant son premier long métrage documentaire, Dans l'œil du Niger, tourné dès 2018 et sorti en 2021. Ce film, qui propose le portrait d'un pays en proie au chaos et perçu à travers la redécouverte de manuscrits anciens, Mélanie l'a réalisé en autoproduction mais assistée de deux compagnons de route : Denis Louis à l'image et Olivier Vieillefond au son, rencontré quelques années auparavant lors du projet sur le marché des Capucins. "Je suis en totale confiance avec Denis et Olivier, leur travail me permet de me concentrer pleinement sur le propos et les intentions. C'est donc tout naturellement que j'ai souhaité faire La Vie de Chalet avec eux." Il en est de même de sa collaboration ave Étienne Rolin, qui a composé la musique des deux films : "Lorsque nous arrivons à la moitié du montage, Étienne et moi discutons des intentions du film et il vient improviser face aux images. L'enregistrement se fait en même temps."
"Dès 2020, Aimée et moi avons de nouveau discuté du projet de film sur le Chalet et c'est à l'occasion du dixième anniversaire des résidences que nous nous sommes engagées à le faire. L'idée n'avait pas changé : filmer comment la création s'opère ici et, en même temps, montrer que les politiques culturelles veulent dire concrètement quelque chose." Pour mettre en place ces intentions, Mélanie a dissocié trois types de témoins, trois points de vue différents : "Il y a celui des auteurs que j'ai seulement filmés en train de travailler pendant leur résidence et que je n'ai pas interrogés, celui d'anciens résidents avec qui j'ai mené des entretiens (Erika Haglund, Marcus Malte, Romuald Giulivo et Guillaume Trouillard) et enfin une partie plus institutionnelle et politique avec des entretiens de celles et ceux qui permettent l'existence et le fonctionnement du Chalet." Une trentaine de personnes sont présentes dans le film, interviewées ou non. Autant de personnalités dont certaines marqueront à coup sûr le spectateur, en particulier Chantal Durros, la charismatique intendante du bâtiment.
Pour réaliser ce documentaire, Mélanie Gribinski a travaillé avec Valérie Dupin, des Productions du Lagon. "Valérie m'a beaucoup apporté avec son point de vue davantage distancié du mien. Elle a souhaité ne pas se rendre au Chalet afin de conserver ce regard extérieur lui permettant d'apporter des questionnements au projet que je ne voyais pas du fait de ma proximité avec le lieu. C'est une interlocutrice qui participe donc à la construction du film et qui me décharge de tout ce qui ne relève pas de la réalisation." Autre rencontre déterminante pour la vie du film et pour Mélanie, celle avec le public : rendez-vous donc le 22 septembre à Saint-Symphorien puis la semaine suivante sur France 3 Nouvelle-Aquitaine.
La Vie de Chalet de Mélanie Gribinski (52 minutes)
Production : Les Productions du Lagon, ALCA et France Télévisions
Jeudi 22 septembre 2022 à 18h : avant-première dans la salle communale de Saint-Symphorien (33)
Jeudi 29 septembre 2022 à 22h50 : diffusion sur France 3 Nouvelle-Aquitaine
Replay disponible pendant 1 mois après la diffusion sur : https://www.france.tv/france-3/la-france-en-vrai