Ménigoute : le microcosme du cinéma animalier en France


Depuis quarante ans, fin octobre, durant six jours, le petit village de Ménigoute (moins de mille habitants), dans les Deux-Sèvres, vit une véritable transformation. Des milliers de personnes affluent de toute la France et au-delà pour se rendre au Festival international du film ornithologique. Naturalistes, ornithologues, militants écologistes ou simples amoureux de la nature, mais aussi cinéastes, photographes, artistes, jeunes ou plus âgés, tout ce monde se retrouve ici pour partager et échanger autour d’un intérêt commun : le vivant.
Depuis la création du Festival international du film ornithologique en 1985, Ménigoute est devenu peu à peu un véritable microcosme de l’art animalier. Et cela grâce à la volonté et à l’opiniâtreté d’un duo désormais iconique dans la commune : Dominique et Marie-Christine Brouard. Après quelques années de vie passées en montagne, le couple regagne ses terres natales et Dominique, alors animateur au sein du Centre socioculturel du Pays Ménigoutais, féru de nature, de photographie et de cinéma, organise un premier événement sur le cinéma animalier en invitant le célèbre ornithologue Michel Terrasse. Ce sont les débuts d’une aventure au long court ponctuée de plusieurs créations : celle de la société de production FIFO Distribution en 1989, suivie par l’ouverture de l’IFFCAM (Institut francophone de formation au cinéma animalier de Ménigoute) en 2004, et plus récemment, par le démarrage du projet de rénovation du château Boucard de Ménigoute en vue d’y installer une médiathèque dédiée aux oiseaux et à l’écologie.
Le septième art est au cœur de cet écosystème local de renommée internationale. Le festival enregistre chaque année environ trente mille visites et l’IFFCAM fait partie des cinq écoles dédiées à l’apprentissage des métiers du cinéma animalier1 dans le monde. "Le microcosme de Ménigoute, avec le festival, l’IFFCAM et la société de production FIFO Distribution, s’est fait connaître dans le milieu du cinéma animalier. C’est un réseau où tout le monde se côtoie et travaille ensemble, explique Louise Jacquot, responsable médias du festival. C’est une vraie toile d’araignée, avec un rayonnement national et même international. Aujourd’hui, l’IFFCAM est presque devenu un label."
Ce succès est orchestré par les trois salariées de l’association Mainate, soutenues par quatre professionnels qui viennent en renfort pendant l’année. L’équipe est épaulée par environ deux cent cinquante bénévoles, qui s’investissent sans compter durant les six jours du festival et, pour certains, en amont, notamment dans le cadre des comités de sélection. Ceux-ci sont répartis en deux catégories : un comité pour les longs métrages et un autre pour la sélection des courts. Les membres sont, proportionnellement, issus du milieu du cinéma animalier et de la filière naturaliste, avec une expertise professionnelle sur le monde animal. "Pour nous, c’est important de mêler ces deux univers pour préserver le côté éthique de ce genre cinématographique", précise Louise Jacquot. Pour l’édition de 2025, ce sont trente-six longs métrages sélectionnés, produits par dix nationalités différentes. Les sept prix dans cette catégorie seront décernés par un jury composé lui aussi de personnalités issues des deux filières, qui sera présidé cette année par l’autrice et réalisatrice Emma Baus.
Le festival met aussi en lumière une série de courts métrages, dont le lauréat sera récompensé par le prix du jury "Jeunes regards", composé d’élèves de l’IFFCAM. Dans la compétition cette année, le film de Clara Lacombe, À vol d’oiseau, soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine, met en scène par le dessin, le son et l’image le parcours d’un jeune migrant, Amadou Diallo, parti de Guinée pour rejoindre la France trois ans plus tard, après avoir franchi toutes les barrières, physiques, humaines et linguistiques. Un récit à la fois violent et poétique qu’accompagne la figure mythique des oiseaux migrateurs traversant les territoires par-delà les frontières.
Les futurs et jeunes réalisateurs et réalisatrices sont ainsi mis à l’honneur et accompagnés dans le cadre du festival. C’est le travail de la documentariste Guilaine Bergeret, qui développe des partenariats avec des chaînes de télévision et met en place des sessions de pitchs pour que les cinéastes émergents puissent venir présenter leurs projets et rencontrer des professionnels.
La programmation n’omet pas pour autant les films du répertoire, avec des séances hors compétition, notamment en collaboration avec la fondation François-Bel : "Cela nous tient à cœur d’organiser des sortes de ciné-clubs et de mettre en avant des films anciens, note Louise Jacquot. On les propose en regard de productions récentes, ce qui donne une perspective intéressante."
Le festival de Ménigoute offre ainsi une vision artistique à 360° sur l’univers animalier et l’environnement. Car au-delà de la partie cinématographique, une centaine de structures territoriales et associatives (Sea Shepherd, LPO, Poitou-Charentes Nature…), des librairies et des maisons d’édition, des spécialistes de l’optique, de l’artisanat et un salon d’art animalier regroupant de nombreuses expositions sont aussi présents sur la commune durant ces journées d’immersion dans le monde du vivant. Utiliser l’art comme médium pour sensibiliser à la lutte pour la sauvegarde de l’environnement, c’est dans cette optique que Dominique Brouard a créé ce festival, comme l’explique Louise Jacquot : "Cela passe par de l’émerveillement, au travers de la beauté des images qui nous sont montrées, mais aussi par des films plus militants, engagés en faveur de la protection de la nature, qui est le fondement de ce festival."
Une volonté d’éveiller les consciences qui s’applique aussi aux plus jeunes : pour cette édition 2025, une programmation de films d’animation dédiée aux enfants dès trois ans, Ciné-Pioupiou, a été réfléchie en partenariat avec le cinéma voisin de Vasles, et tout au long de l’année, la réalisatrice Léa Collober, ancienne étudiante de l’IFFCAM et Grand prix du festival en 2024, anime des ateliers auprès des élèves de l’école de Ménigoute.
Il n’y a donc pas de hasard si beaucoup de ces jeunes biberonnés au cinéma animalier, formés dans l’un des plus prestigieux instituts professionnels spécialisés, poursuivent leur carrière tout en donnant toujours de leur temps et de leur créativité pour continuer d’animer ce rendez-vous incontournable. Louise Jacquot, ancienne étudiante de l’IFFCAM, fait partie de ceux-là : "Depuis mes années d’étude à l’institut, durant lesquelles j’ai participé bénévolement à la construction du festival, j’ai pu voir et expérimenter toute cette effervescence, cette énergie, et c’est cela qui m’a le plus marquée. À la fin de ces six journées, on en ressort revigorés. Une multitude de personnes sont venues là pour les mêmes raisons, pour s’intéresser au vivant, et c’est très émouvant à voir. Tout le monde se fréquente et se mélange, quels que soient les âges et le degré de connaissance. C’est un grand rassemblement des amoureuses et amoureux de la nature."
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1. Il en existe quatre autres en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Afrique du Sud.