Que s’est-il passé pour les bibliothèques pendant le confinement ?
ALCA accompagnant les interrogations et réalités des professionnels, particulièrement pendant cette période difficile pour le monde du livre, l'agence propose sur Prologue trois vidéos de partages d'interrogations et d'analyses entre responsables de bibliothèques en Nouvelle-Aquitaine.
Le premier échange a eu lieu le 14 mai 2020 et a questionné l’impact du confinement sur les pratiques et les bibliothécaires : les mesures proposées aux abonnés (et aux non-abonnés), l'adaptation des agents et un premier bilan des actions mises en place pendant le confinement.
Le groupe de responsables de structures est constitué à partir du groupe de travail Bibliothèques : Corinne Siffert (Anglet), Alain Duperrier (BD biblio.gironde), Marie Felsmann (BM Arcachon), Julien Barlier (BM Limoges), Sophie Mary (BM Blasimon) et Corinne Sonnier (BD Médialandes). Les échanges sont assurés en visioconférence, selon des thématiques prédéfinies : "Que s’est-il passé pour les bibliothèques pendant le confinement ?", "L’amorce du déconfinement" et "L'analyse de la reprise".
Les équipes des bibliothèques de Nouvelle-Aquitaine ont repris le chemin du travail dès le lundi 11 ou le mardi 12 mai. Elles expriment leur plaisir de se retrouver en physique et de retrouver les lieux, leur impatience de retrouver également les publics. Le rôle socialisant du travail s’est fait sentir fortement pendant le confinement.
Tous les prêts ont été prolongés, toutes les cartes renouvelées, afin de ne pas devoir réinscrire massivement les usagers en début de déconfinement. Les réservations ont beaucoup augmenté, les inscriptions aussi, jusqu’à 800 en plus à Limoges. Les ressources numériques ont été déverrouillées.
Les bibliothécaires ont animé les réseaux sociaux, proposé des heures du conte numérique et de nombreuses pistes de ressources dès le début. Avec ou sans la sidération des premiers temps, ils ont voulu rester des passeurs de livres et de culture à distance, mais aussi offrir l’accès aux machines des fabs-labs pour fabriquer des petits outils à destination des soignants.
L’euphorie numérique avait de quoi inquiéter, surtout si elle devait déboucher vers un nouveau modèle économique du citoyen confiné, de nouveaux marchés. Donc ils se sont employés à mettre en place des dispositifs pérennes à coût constant, gratuits pour les lecteurs, et à éviter l’infobésité.
La priorité pour tous a été de garder le lien avec les usagers, les équipes, et avec les bibliothèques partenaires.
Une faible proportion des agents sont mal équipés en informatique à leur domicile, ce qui rend le télétravail compliqué, à moins que la collectivité ne veille à leur fournir tout le matériel nécessaire. Le développement des compétences informatiques et la progression de l’autonomie des agents ont été considérables. Ils en ont profité pour se former, grâce à l’ENSSIB et à des formations techniques pour maitriser Teams, Padlet, Trellos… Les bases de données ont été nettoyées, ce qu’on n'a jamais le temps de faire, ainsi que de la veille sur l'action culturelle pour rebondir à partir de septembre.
Les méthodes de travail ont changé et il y aura des suites. Il semble que les visioconférences vont entrer dans les mœurs durablement. Elles ont paradoxalement généré des bénéfices humains, des rencontres d’intimité, une plus grande connivence dans les équipes et avec les lecteurs
Le manque de bibliothèques comme lieu physique s’est fait sentir. Le Premier ministre en a parlé dans son discours : un monde mort c’est un monde sans bibliothèques. Les lecteurs ont apprécié les outils numériques, mais le lieu physique leur a manqué. Tout le monde ressent une vraie fatigue du numérique, le besoin de marcher jusqu’à la bibliothèque. Le rapport sensible au livre, aux passeurs et à leur lieu est plus qu’important. Il convient de revaloriser la place dans la cité au niveau spatial.
Quand on n’est pas un service indispensable, ça rend modeste. Comment en être quand même ? Par la relation. On fait bibliothèque dehors, avec masques, sur le parvis, pour revenir à la relation, qui est notre cœur de métier.
L’épisode n’a pas changé foncièrement le rôle des bibliothèques. Le lieu du lien reste central, il ne peut pas être le lieu de l’hyperlien. On s’est enrichi de ça et les usages ont changé, mais le temps du vivre ensemble manquera toujours. Les décideurs sont devenus technophiles, mais ça n’est pas le cœur de ce que nous avons à produire.
Certains ont eu la sensation de travailler à l’aveugle pendant deux mois en l’absence de retour des usagers. Les réactions positives viennent maintenant avec le déconfinement. C’est une évidence que la réouverture est très attendue, les lecteurs rôdent autour de la bibliothèque ! Mais restons prudents encore quelque temps sans brûler les étapes.