"Quitter la vallée" : un roman noir en Périgord Noir

Pour son second roman, Renaud de Chaumaray poursuit l’exploration des régions de Nouvelle-Aquitaine, territoire qui lui tient particulièrement à cœur. Ce sont les belles et luxuriantes vallées du Périgord Noir, où serpente la Vézère, affluent de la Dordogne, qui voient se dérouler une intrigue en trois pans, où secrets, aspirations et non-dits voisinent en silence pour finalement se rejoindre. 

Publié dans la prestigieuse collection blanche de Gallimard, le nouveau roman de Renaud de Chaumaray, Quitter la vallée, s’ouvre sur une étrange ode à un squelette, niché au creux d’une grotte inaccessible. Que fait-il là, confondu parmi les vestiges minéraux, vestige à peine discernable de ce qui fut un être humain ?

Si le suspens traverse ce court roman, Renaud de Chaumaray s’illustre par la subtilité de son style, la maîtrise des éléments d’une intrigue tragiquement humaine et un lien puissant à une nature encore préservée. Les paysages de la Vallée de la Vézère, surnommée "vallée de l’Homme" en raison du nombre important de sites préhistoriques qu’elle abrite, sa faune et sa flore, les ambiances de ses forêts majestueuses et sombres, qui valent l’étiquette "noire" de ce Périgord, rien n’échappe au regard attentif et sensible de l’auteur. Sous sa plume, la nature n’est plus seulement un cadre, elle participe de l’intrigue par sa densité et son caractère immuable. Classée au patrimoine de l’UNESCO, la Vallée de la Vézère voit les générations se succéder depuis plus de 100 000 ans. Ce ne sont pas les drames de quelques humains qui la perturberont !

À travers trois trajectoires réunissant à chaque fois deux protagonistes, Renaud de Chaumaray attire l’attention sur un personnage inédit. Ce ne sont pas Clémence, qui fuit un mari violent, et son fils Tom, ce ne sont pas les amoureux de l’été, Marion et Guilhèm, ni Fabien, le père fantasque qui embarque sa fille Johanna explorer une cavité inconnue révélée par la chute d’un arbre centenaire, non. Le personnage principal de ce roman noir aux accents de fable écologique et de chronique rurale, c’est cette mystérieuse grotte décorée de peintures, gravures, et diverses représentations qui rappellent celles d’autres sites majeurs de la région. Cette grotte qui illumine la vie de Fabien, employé de Lascaux qui a toujours rêvé de découvrir, lui aussi, un trésor de l’humanité. Cette grotte qui a fait basculer plus d’un destin, cette grotte qui se trouve au centre des enjeux de tout un chacun. 

À la surface, loin des peintures rupestres et des stalactites millénaires, les trajectoires s’entrechoquent. Entre volonté d’échapper au déterminisme social, quête familiale et personnelle, désir de revanche sur un système qui ne laisse pas beaucoup de chance au rêve, les personnages tentent de combattre leurs paradoxes et leurs peurs, d’avancer coute que coûte dans une vie qui ne leur réserve pas toujours de bonnes surprises. 

Pluriel par ses thématiques et les ambiances qu’il convoque, ce roman fait souffler un vent de fraîcheur inattendu sur la rentrée littéraire, désignant Renaud de Chaumaray comme un écrivain à la plume à la fois sensible et affirmée. 

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Quitter la vallée, de Renaud de Chaumaray, éditions Gallimard