Skateboard : horizon verticale
Pour la série documentaire Skateboard : horizon verticale, les deux réalisateurs, Romain Mounier et Alexandre Peneau, ont suivi pendant plus d'une année le jeune espoir français du skateboard mondial, le Bordelais Édouard Damestoy. Entre voltiges, prouesses, chutes et légendes vivantes, c'est toute la culture du skateboard qui est mise à l'honneur et plus particulièrement celle de la "Vert'", diminutif de Vertical Ramp, cette discipline qui consiste à défier les lois de la gravité en "ridant" sur deux rampes verticales opposées. La série, produite par Feliz Films et Memento, est disponible sur France TV Slash depuis mai 2022. Entretien croisé avec les deux réalisateurs Romain Mounier et Alexandre Peneau, le producteur Quentin Molina et Édouard Damestoy.
Comment est née l'idée de cette série ?
Édouard Damestoy : Cela faisait quelque temps déjà que j'avais très envie de témoigner de ma passion pour le skateboard, et plus particulièrement pour la Vert', cette pratique particulière qui donne l'impression de voler, à laquelle le skate doit tout. Je commençais à me faire une petite place dans le monde du skate [en 2019, Édouard Damestoy est classé champion du monde de Vert', NDLR], je côtoyais les légendes de cette discipline comme Tony Hawk ou Christian Hosoi... Bref, j'ai évoqué cette idée à Romain et Alexandre, que je connais depuis l'enfance, et ils ont tout de suite été partants. Ils m'ont aidé à mettre en mots ce que j'avais envie de raconter. Et ils ont présenté le projet à Quentin Molina, qui nous a suivis !
Documentaire ? Reportage ? Série ? Quand est intervenu le choix de la forme que prendrait ce projet audiovisuel ?
Romain Mounier : Au début, nous n'avions pas vraiment d'idée de forme, nous voulions simplement faire un documentaire qui mettrait en lumière la Vert', son histoire et sa pratique. C'est Quentin Molina qui nous a ensuite guidés dans la construction du scénario.
Quentin Molina : Quand j'ai visionné les premières images filmées par Alexandre et Romain, le canevas m'est venu rapidement : il s'agissait de suivre Édouard Damestoy dans son parcours de qualification pour les Jeux olympiques. C'était le bon moment, puisque le skateboard faisait son entrée comme discipline olympique. La forme s'est imposée d'emblée : ce serait une série documentaire de quatre épisodes de 20 minutes.
Mais Édouard Damestoy se blesse et ne peut pas participer aux qualifications pour les Jeux olympiques. C'est le cœur du second épisode. Comment avez-vous intégré cet imprévu dans la réalisation de la série ?
Q.M. : Après qu'Édouard s'est blessé, nous avons bien sûr été obligés de réécrire le fil rouge narratif. Ce n'était plus la même intrigue, il n'était plus question de savoir s'il se qualifierait pour les Jeux olympiques mais s'il serait capable de récupérer et de revenir à un haut niveau. Mais le contenu global était le même : mettre en lumière la Vert', rencontrer ses légendes.
Alexandre Peneau : Le scénario a évolué au fur et à mesure de l'évolution de la blessure d’Édouard. Comme Édouard a finalement eu une convalescence plus rapide que prévue, il nous a alors paru indispensable de rajouter un cinquième épisode pour que notre documentaire tienne la route.
Q.M. : Oui, il fallait un épisode supplémentaire pour raconter le retour d’Édouard dans la compétition et... ce qui s'en suit... France TV Slash, le diffuseur, nous a fait confiance et a accepté que cette série se déroule finalement en 5 épisodes.
Filmer des scènes de skate demande des techniques particulières. Comment avez-vous appréhendé cette contrainte ?
R.M. : Le film de skate est en effet un genre très codifié. Mais avec Alexandre, nous avions la volonté de nous extraire de ces codes et de réaliser cette série selon des règles qui relèvent davantage de la fiction, du cinéma et du documentaire. Notamment en y apportant un point de vue d'auteurs.
A.P. : D'un point de vue strictement technique, nous avons utilisé une caméra grand angle, appelée fish eye, pour filmer les séquences dans le bowl par exemple, car elle permet de travailler un angle de vue ultra large, à 360 degrés. Nous avons aussi filmé de nombreuses séquences de skate avec deux caméras.
"Notre parti pris était de faire un film qui ne soit pas réservé aux skateurs mais se destine aussi au grand public."
Quels sont les codes que vous avez choisi de contourner ?
Q.M. : Alex et Romain avaient comme ambition visuelle de faire découvrir les coulisses, ce qui se passe derrière la rampe. Il fallait donc sortir des codes très "Instagram" du film de skate.
A.P. : Dans les films de skate codifiés, la caméra suit la board. Nous nous sommes attachés à filmer de manière plus large, en nous attardant sur le regard du skateur par exemple. Notre ambition n'était pas juste de filmer des figures, des mouvements. Mais de donner à voir autre chose que de la technique. Notre parti pris était de faire un film qui ne soit pas réservé aux skateurs mais se destine aussi au grand public.
Vous avez eu une belle diffusion et de bons retours. La série est actuellement projetée pendant le Mois du film documentaire. C'est une vraie satisfaction ?
Q.M. : Oui. Déjà la série avait été sélectionnée et projetée en avant-première mondiale au Fipadoc, le festival international du documentaire de Biarritz, en janvier 2022. C'était un bon début. Puis les trois premiers épisodes ont été présentés en avant-première à Canneséries, le festival international des séries de Cannes, en avril 2022. Nous avons aussi eu droit à une projection exclusive lors du Paris Surf & Skateboard Film Festival en avril. Ensuite, il y a eu la mise en ligne sur France TV Slash en mai 2022, et une diffusion sur Culturebox en juillet.
R.M. : Pour un premier projet, c'est top.
Vous avez bénéficié d'une aide de la Région Nouvelle-Aquitaine à la production alors que Feliz Films est une société de production parisienne. Pourquoi ?
Q.M. : Notre projet a été retenu parce qu'il a un ancrage, un ADN néo-aquitain très fort. D'abord parce qu’Édouard Damestoy est un skateur bordelais. Ensuite parce qu'Alexandre et Romain vivent en Nouvelle-Aquitaine. Mais aussi parce que l'histoire commence à Bordeaux, où habite Édouard, qu'on le suit à Darwin, ce lieu iconique du skate. Tous ces critères ont justifié notre demande d'aide. Et en contrepartie, nous avons recruté un chef opérateur qui réside à Biarritz. Nous avons créé de l'emploi local.
Est-ce qu'il y aura une saison 2 ?
Q.M. : Des discussions sont actuellement à l'ordre du jour mais nous ne pouvons rien annoncer officiellement...
R.M. : Nous avons tous une vraie envie de faire une saison 2. Il y a matière en plus : depuis la fin de la série, la carrière d’Édouard a décollé. En 2024, il y aura les Jeux olympiques à Paris...
Skateboard : horizon verticale de Romain Mounier et Alexandre Peneau
Production : Feliz Films et Memento / France / 2021 / 5 x 22 minutes
Soutien à la production de la Région Nouvelle-Aquitaine, en partenariat avec le CNC, et accompagné par ALCA.