Ardathia aux éditions L'Apprentie
La Révolte d’Ardathia, publié aux éditions L’Apprentie, regroupe deux textes de Francis Flagg, la longue nouvelle Les Cités d’Ardathia et un récit plus court, L’Homme-machine d’Ardathia. La première de ces deux histoires est d’abord parue en français en 1974 chez J’ai Lu, dans un recueil intitulé Les Meilleurs Récits d’Amazing Stories. À travers huit nouvelles datant de 1926 à 1932, le très influent éditeur de science-fiction Jacques Sadoul entreprenait alors de faire découvrir au public hexagonal quelques histoires marquantes du magazine pulp créé par l’inventeur de l’expression "science-fiction", Hugo Gernsback.
Les éditions L’Apprentie rééditent cette nouvelle agrémentée d’un récit plus court originellement publié dans Amazing Stories en 1927 et en France en 1954 dans la collection Le Rayon fantastique, L’Homme-machine d’Ardathia, le premier texte jamais publié par George Henry Weiss sous le pseudonyme de Francis Flagg, un Américain né au Canada en 1898 et mort en 1946.
De la science-fiction ancienne qui ne surprend pas par la modernité de ses inventions ou de son écriture, mais dont les thématiques universelles résonnent encore aujourd’hui. Dans un avenir non déterminé, la cité d’Ardathia fonctionne grâce au travail d’humains qualifiés de sous-êtres et réduits en esclavage par une classe dirigeante nommée les Pourpres. Mais des rebelles fomentent une révolution et, pour tenter de se faire une alliée au cas où leur action échouerait, décident d’enlever Thora, la fille du dirigeant Roca, avant de lui faire découvrir la condition des sous-êtres en la plaçant dans leur situation. Le texte raconte donc une ré-humanisation, un travail d’empathie accompli par la jeune protagoniste et en montre également les limites. Marqué par l’imagerie du Metropolis de Fritz Lang, Francis Flagg livre un récit très éloigné des classiques plus tardifs de la SF nord-américaine. Ici, la machine est loin des robots bienveillants d’Asimov ou du puissant empire en constante expansion vers les étoiles de Robert Heinlein. Dans Les Cités d’Ardathia, une classe minoritaire en nombre opprime les plus nombreux et la machine, programmée par les dirigeants, n’est bonne qu’à broyer, qu’à se nourrir du travail des esclaves qu’elle supervise. Ces problématiques sociales, qui résonnent encore parfaitement aujourd’hui, sont enrobées dans un récit assez bien construit et surprenant pour offrir un double plaisir de lecture : celui de se replonger dans la science-fiction des années 1920 et d’y découvrir, derrière un décorum daté, une étonnante modernité.
Ce volume regroupant deux nouvelles est une des trois publications en 2022 des éditions L’Apprentie, "l’équivalent de notre projet tutoré de master d’édition", explique Maxime Gendron qui a supervisé ce volume avec Alicia Massol. "Plutôt que de nous faire réaliser quelque chose de très scolaire, David Vincent des éditions de l’Arbre Vengeur et Alban Pichon du master nous font travailler sur cette maison d’édition créée dans ce but. Tout au long de l’année, nous choisissons par petits groupes un livre que nous devons éditer : trouver le texte, négocier les droits si besoin – même si généralement nous prenons des textes libres de droits pour des questions financières et de délais. Puis il faut ensuite s’occuper de la maquette, des devis chez l’imprimeur avant publication en librairie."
"Nous avons trouvé cette nouvelle qui, malgré ses quatre-vingt-dix ans, se lit encore très bien aujourd’hui. Et puis il y avait ce thème entre les riches, les pauvres et la place d’une nouvelle machine qui faisait écho à notre quotidien."
Pour trouver les textes de Francis Flagg, Maxime Gendron et Alicia Massol se sont appuyés sur la bibliothèque de David Vincent : "David nous avait orientés vers la SF et nous sommes allés chez lui fouiller dans ses textes. Nous avons trouvé cette nouvelle qui, malgré ses quatre-vingt-dix ans, se lit encore très bien aujourd’hui. Et puis il y avait ce thème entre les riches, les pauvres et la place d’une nouvelle machine qui faisait écho à notre quotidien. En nous renseignant sur l’auteur, nous sommes tombés sur une autre nouvelle dans le même univers d’Ardathia et nous avons décidé de l’adjoindre au volume pour apporter un complément."
Mais avec un texte aussi ancien et une traduction qui date elle aussi, un toilettage est parfois nécessaire. "David Vincent nous a là aussi beaucoup conseillés, détaille Maxime Gendron, en nous disant de moderniser certains mots et expressions. Quant au paratexte, nous ne voulions pas faire une simple réédition et cherchions à apporter un peu d’inédit. Nous avons pensé à Francis Saint-Martin qui a écrit un ouvrage de référence sur les Pulps chez les Moutons électriques et qui a accepté tout de suite de rédiger une préface, car le projet lui plaisait beaucoup." La touche finale du travail d’édition consiste à choisir une couverture. Celle du volume de Francis Flagg, rappelant Metropolis, a été réalisée par l’illustrateur Karim Bonnici.
Les éditions L’Apprentie existent depuis quatre ans et cette année, outre le volume de Francis Flagg, elles publieront La Planète des poupées de Christine Renard et Force ennemie de John-Antoine Nau, un récit de science-fiction qui se trouve être aussi le premier prix Goncourt de l’histoire en 1903. À paraître bientôt également : trois livres illustrés d'une nouvelle collection, L'Illustr'Apprentie.