Les Résidences pour l’art d’écrire, un réseau national pour défendre la création
Un collectif de lieux de résidence se structure en association afin d’améliorer les pratiques et d’affirmer la place des auteurs dans la création et celle de l’écriture dans la société.
Au terme d’un séminaire de trois jours, plus d’une dizaine de porteurs de résidences de création venus de toute la France ont annoncé le 26 janvier 2022 la structuration en association d’un réseau national des résidences d’écriture, Les Résidences pour l’art d’écrire. Réunis au Chalet Mauriac, maison d’enfance de François Mauriac située à Saint-Symphorien (Gironde), propriété du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et qui abrite depuis 2013 des résidences d’écriture coordonnées par ALCA, les membres de ce nouveau réseau y ont poursuivi un travail entrepris cinq ans auparavant.
C’est à l’occasion des Journées européennes du patrimoine de septembre 2017 que Maya Soulas, directrice de la Maison des écritures, à Lombez (Gers), a impulsé cette future association en invitant une trentaine de porteurs de lieux de résidence pour pallier la solitude que peuvent connaître ces derniers dans l’exercice de leurs missions. Cette première Journée nationale d’étude sur les résidences a été suivie d’une deuxième édition, organisée en 2018 à la Chartreuse, à Villeneuve-lès-Avignon (Gard), par Occitanie Livre & Lecture. Près de cent vingt personnes, porteurs de résidences, auteurs et représentants de structures régionales et nationales de l’interprofession du livre, ont ainsi participé à des ateliers dont l’un a préfiguré le réseau à venir : "Comment se fédérer ?"
La question a été posée plus longuement lors d’un séminaire de travail, déjà au Chalet Mauriac, à l’hiver 2019, puis en septembre de la même année lors de la 3e Journée nationale d’étude, à la MÉCA (Maison de l’économie créative et de la culture en Nouvelle-Aquitaine), à Bordeaux. De ces deux rencontres organisées par ALCA s’est constitué un collectif d’environ quatre-vingts résidences, avec des implications et des profils divers.
La crise sanitaire a empêché la tenue de journées d’étude les deux années suivantes et de poursuivre cette structuration. Un séminaire de travail a néanmoins eu lieu à l’été 2020 à La Métive, à Moutier-d’Ahun (Creuse), lors duquel une tribune a été rédigée pour porter la voix des résidences auprès des auteurs dans le cadre de la publication du rapport Racine. Ce texte a finalement été adressé en lettre ouverte à la ministre Roselyne Bachelot en juillet 2021 à la suite de l’annonce par le ministère de la Culture de vouloir "améliorer la structuration, la mise en réseau et la visibilité de l’offre de résidences d’écriture sur l’ensemble du territoire". Des discussions ont depuis lieu avec le Centre national du livre et la Fédération interrégionale du livre et de la lecture pour définir ce qu’est une résidence.
Ainsi impliqué dans des échanges avec les instances nationales, le collectif a décidé en janvier de cette année de se structurer davantage en créant donc l’association Les Résidences pour l’art d’écrire. "Les discussions ont été très riches tout au long de ce séminaire au Chalet Mauriac", explique Aurore Claverie, directrice de La Métive, soulignant "le caractère symptomatique de l’horizontalité présente dans le collectif : les arguments et avis de chacun ont été écoutés avec attention". Afin de maintenir cette horizontalité au sein de l’association, celle-ci sera coprésidée par cinq de ses membres. "Cette organisation permet une représentativité des structures, très différentes les unes des autres, par les disciplines qu’elles accueillent et leurs enjeux de territoire", poursuit Aurore Claverie.
Dans son fonctionnement, le réseau peut s’appuyer sur plusieurs collèges, l’un étant ouvert à des auteurs déjà accueillis en résidence, un autre à l’interprofession, un troisième aux membres fondateurs1 et un dernier aux autres résidences du réseau. Dans ses statuts, l’association fait référence à un manifeste ou à une charte à venir, "une envie partagée d’expliquer de manière assez claire ce qu’est notre réseau, ce qu’il veut soutenir, pourquoi et à quels endroits, notamment les questions de rémunération et de détermination de ce qu’est ou n’est pas une résidence", précise Aimée Ardouin, responsable du Chalet Mauriac et des résidences au sein d’ALCA.
"Nous devons partager nos expériences et compétences entre résidences pour nous améliorer et donc aussi être en mesure de former les structures nouvelles."
"L’ambition du réseau, alors que la question des résidences apparaît de plus en plus dans l’interprofession, est d’être un lieu de ressources et un interlocuteur privilégié auprès de tous les acteurs concernés : institutionnels, politiques mais aussi les collectifs d’auteurs", affirme Denis Driffort, directeur de Pollen, qui organise des résidences artistiques à Monflanquin et plus largement dans le Lot-et-Garonne. Une ambition qui se décline d’abord d’un point de vue professionnel en faisant avancer les pratiques, ce que précise Pascal Jourdana, qui dirige La Marelle, à Marseille : "Nous devons partager nos expériences et compétences entre résidences pour nous améliorer et donc aussi être en mesure de former les structures nouvelles." L’autre objectif est politique et vise à "affirmer des positions claires et précises, particulièrement de rendre visible le travail de l’auteur et sa place dans la création", poursuit Pascal Jourdana. "En structurant un réseau de résidences d’écriture, nous devons aussi questionner la place de l’écriture dans la société, complète Denis Driffort. Quelle place prend l’écriture dans les politiques culturelles ? Comment s’inscrit le dispositif spécifique qu’est la résidence au sein d’un ensemble de dispositifs de soutien aux auteurs ?"
Ces interrogations, à l’image des discussions en cours avec le Centre national du livre, sont également exprimées par les collectivités elles-mêmes, comme l’explique Stéphanie Héraud, responsable de l’unité Livre et Musiques actuelles du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine : "Les financeurs publics ont besoin d’être alertés sur les cas particuliers et les problématiques dont ils n’ont pas connaissance. En travaillant avec des organisations comme ce réseau, nous pourrions définir un règlement d’intervention nous permettant de répondre selon des critères aux nombreuses sollicitations que nous recevons pour la rénovation de lieux et le fonctionnement de projets de résidences." L’un des prochains chantiers de l’association sera donc d’identifier, pour reprendre les mots de Denis Driffort, "les questions communes à ces lieux multiples". "Sans doute au travers d’une charte ou d’un manifeste, précise Aimée Ardouin, ce texte constituant une base sur laquelle appuyer notre expertise et faciliter l’intervention publique."
Les membres du réseau national des résidences de création se retrouveront au printemps pour un séminaire de travail à l’Imec (Institut mémoires de l’édition contemporaine), à Saint-Germain-la-Blanche-Herbe (Calvados), avant la 4e Journée d’étude en octobre de cette année. Accueillie à Marseille par La Marelle, cette journée sera consacrée à la production et à la diffusion des projets des résidences ainsi qu’à la mise en réseau. En 2023, la Villa Marguerite-Yourcenar, à Saint-Jans-Cappel (Nord), invitera à réfléchir sur les performances et sur les "us et usages des liens entre l’Éducation nationale et les résidences d’écriture".
Les onze membres fondateurs du réseau national des Résidences pour l’art d’écrire1
Aimée Ardouin, coordinatrice du Chalet Mauriac
alca-nouvelle-aquitaine.fr
14 cours Verdun 33113 Saint-Symphorien
Aurore Claverie, directrice de La Métive
lametive.fr
2 rue Simon-Bauer 23150 Moutier-d’Ahun
Line Colson, directrice de La Boutique d’écriture & Co
laboutiquedecriture.org
76 rue du Faubourg-Figuerolles 34070 Montpellier
Yann Dissez, directeur de la programmation et des médiations à l’Imec (Institut mémoires de l’édition contemporaine)
imec-archives.com
Abbaye d’Ardenne 14280 Saint-Germain-la-Blanche-Herbe
Denis Driffort, directeur de Pollen
pollen-monflanquin.co
25 rue Sainte-Marie 47150 Monflanquin
Jérémy Fabre, directeur de la Maison Julien Gracq
maisonjuliengracq.fr
1 rue du Grenier-à-sel – Saint-Florent-le-Vieil 49410 Mauges-sur-Loire
Pascal Jourdana, fondateur et directeur artistique de La Marelle
www.la-marelle.org
La Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin 13003 Marseille
Corinne Loisel, responsable de La Maison des auteurs et des autrices des Francophonies-Des écritures à la scène
www.lesfrancophonies.fr/Maison-des-auteurs
11 avenue du Général-de-Gaulle 87000 Limoges
Marianne Petit, directrice de la Villa Marguerite Yourcenar
lenord.fr
2266 route du Parc 59270 Saint-Jans-Cappel
Maya Soulas, directrice de la Maison des écritures Lombez Occitanie
www.maison-ecritures.fr
4 rue Notre-Dame 32220 Lombez
Mathilde Walton, fondatrice de l’association Le Murmure du monde (résidence en cours de création)
lemurmuredumonde.com
65400 Arrens-Marsous