Économie de la création audiovisuelle : la parole aux diffuseurs


En Nouvelle-Aquitaine, France 3 Nouvelle-Aquitaine NoA, TV7, ÒCtele et Kanaldude sont particulièrement engagées dans le développement de la création audiovisuelle. La Région a d'ailleurs renouvelé avec ces quatre chaînes un COM TV – Contrat d’objectifs et de moyens des télévisions – pour les trois prochaines années. Grâce à ces fonds régionaux, notamment, ces diffuseurs proposent de nombreux dispositifs de soutiens aux acteurs et aux actrices de la filière audiovisuelle.
Une politique culturelle ambitieuse
Dans l'écosystème complexe de la création audiovisuelle, les quatre chaînes régionales, France 3 Nouvelle-Aquitaine NoA, TV7 (la chaîne d'information du groupe Sud-Ouest), ÒCtele (une web TV 100 % occitane) et Kanaldude (la seule télé basquophone de France) , savent bien l'importance de leur rôle. Bien entendu, parce qu'une œuvre a vocation à être vue. Mais aussi, parce que les diffuseurs sont des partenaires incontournables dans la réalisation des œuvres audiovisuelles et cela, dès la genèse des projets. Préachats, aides à l'écriture, aides en industrie, accompagnement à la diffusion, etc., ces quatre antennes multiplient de fait les dispositifs en faveur de la production d’œuvres documentaires ou de fictions audiovisuelles, notamment dans le cadre du COM TV, le Contrat d’objectifs et de moyens des télévisions, signé en janvier 2025 avec la Région.
"À l'origine du COM TV, il y avait la volonté de défendre le droit à une information diversifiée, pluraliste et de proximité, mais au-delà de cet enjeu démocratique, il y avait aussi l'ambition, plus stratégique, de soutenir et développer la filière cinématographique néo-aquitaine" détaille Charline Claveau, vice-présidente en charge de la culture, des langues et cultures régionales, et du patrimoine à la Région Nouvelle-Aquitaine.
De fait, depuis le premier COM TV en 2011, la mise en œuvre d'un véritable service public télévisuel régional s'est avérée "l'un des leviers essentiels du développement de la création et de la production audiovisuelle en région", comme stipulé dans le compte-rendu de la séance plénière du 19 décembre 2024 du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine consacrée au COM TV 2025-2027. Les bilans des COM TV 2021-2024 le confirment puisque, sur les près de 3 millions d'euros alloués aux chaînes concernées, près de la moitié a été réinjectée dans la production audiovisuelle. Pour les trois années à venir, le volet soutien à la création et à la production audiovisuelle du COM TV a d'ailleurs été renforcé : "Les nouveaux COM TV se proposent ainsi d’aller plus loin par un investissement plus ambitieux en termes de nombre de projets, de genres et de crédits, mais aussi de diffusion : case dédiée pour les documentaires ou fictions sur TV7, NoA et Kanaldude, projection en salles de cinéma pour ÒCtele…"
"Nous nous positionnons dès la genèse des projets"
Damien Cortadi, TV7
À TV7, tous les dispositifs de soutien à la création audiovisuelle se font dans le cadre du COM TV. Les projets soutenus ne sont soumis à aucune durée, ni thématique particulière : "Chez nous, un documentaire ne doit pas forcément faire 52 minutes. Nous laissons aux auteurs la liberté de raconter leur récit dans le temps qui leur convient. Notre seul critère de sélection, c'est la stratégie territoriale : il faut que le sujet, le lieu de tournage ou le réalisateur ait un lien avec la région", résume Damien Cortadi, responsable de l’antenne et des productions chez TV7.
Sur l'année 2025, TV7 s'est engagé à soutenir huit projets, dont trois en phase d'écriture et cinq en préachats, via des appels à projets. Sur l'enveloppe globale allouée à la création (125 000 € ), 93% sont investis dans le préachat des œuvres. Les 7 % restant, soit 8 000 €, servent à l'accompagnement des œuvres en phase d'écriture : "Nous nous positionnons aussi dès la genèse des projets", indique Damien Cortadi. Lors des "pitchs" Fipadoc et Talents en court, TV7 met en jeu deux bourses d'écriture de 1 500 € chacune. "Nous avons aussi deux appels à projets conventions d'écriture contractualisés auprès de sociétés de production ou d'associations avec, à la clé, le soutien de deux projets documentaires et de deux projets de courts métrages à hauteur de 2 500 € à chaque fois", poursuit-il.
Enfin, des dispositifs menés en collaboration avec d'autres chaînes viennent renforcer le volet "aide à la création" : avec Kanaldude et Tënk, TV7 portera en 2025 deux appels à projets pour le préachat de deux documentaires avec, à la clé, un financement de 20 000 € par projet, soit 10 000 € de la part de TV7. Avec ÒCtele, c'est un appel à projets pour le préachat d'une sitcom qui est prévu en 2025, avec un investissement de la chaîne bordelaise à hauteur de 6 000 €. "Nous communiquons sur ces appels à projets quatre mois avant le début de la convention, via le site sudouest.fr et nos réseaux sociaux, auprès d'ALCA et de la région Nouvelle-Aquitaine".
Les festivals, des partenaires précieux
Chez France 3 Nouvelle-Aquitaine NoA, les dispositifs de soutien à la production audiovisuelle ne sont pas tous financés dans le cadre du COM TV. "Nous produisons 28 documentaires par an, dont six grâce au COM TV. Parmi ces six, quatre font l'objet d'un appel à projets dans le cadre de festivals de la région", détaille Jean-François Karpinski, délégué Antennes et Contenus à France 3 NoA. En effet, France 3 Nouvelle-Aquitaine NoA collabore depuis plusieurs années avec le Festival des cultures latino-américaines de Biarritz, le Festival international du film ornithologique de Ménigoute, le Festival International du film d’Histoire de Pessac et le Festival Filmer le travail. L'idée étant d'associer les organisateurs de ces manifestations dans le choix de projets documentaires sur les thématiques qu’ils défendent et de permettre aux auteurs sélectionnés de valoriser leur production lors de projections en avant-première pendant ces festivals. "Nous sommes aujourd'hui en train de réfléchir à un nouveau partenariat avec le Festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne", indique Jean-François Karpinski. Dans le cadre de ces appels à projets, France 3 NoA s'engage à mettre du numéraire : l’aide forfaitaire au préachat de documentaire doit atteindre 30 000 € pour la période 2025-2027.
"Avec ces appels à projets, nous passons en quelque sorte commande sur des thématiques ciblées, mais nous soutenons aussi la réalisation de documentaires qui nous sont proposés spontanément : nous lisons tous les synopsis que l'on nous envoie et nous les soumettons à nos comités de lecture qui se réunissent quatre fois par an". Pour ces œuvres-là, France 3 Nouvelle-Aquitaine NoA privilégie les "films patrimoniaux plutôt que de société, pouvant intégrer les collections documentaires de la chaîne notamment, et les premières œuvres, qui peuvent être diffusées dans la case estivale dédiée aux documentaires d'auteurs L'heure D".
Vers des formats plus courts
En matière de durée, la chaîne se tourne désormais davantage vers des formats plutôt courts (16 minutes au lieu de 52, par exemple) mais pouvant se présenter sous forme de série. Enfin, France 3 Nouvelle-Aquitaine NoA montre depuis peu une attention plus marquée aux propositions de court métrage de fiction : "Nous essayons de soutenir une ou deux propositions de court métrage par an, via du numéraire et de l'industrie", détaille Jean-François Karpinski.
Du côté d'ÒCtele, le volet création entre dans le cadre du COM TV avec une enveloppe dédiée de 80 200 euros dont 42 000 sont alloués directement à la production de contenus audiovisuels, le reste servant à financer les équipes internes en charge de développer les projets de création. "Nous soutenons le développement d’œuvres documentaires ou de fictions en langue basque via deux appels à projets par an ou des bourses d'écriture, mais nous travaillons aussi à de la mise en réseaux afin de faire émerger une offre de qualité en occitan", explique Lionel Buannic. Pour les deux appels à projets, ÒCtele s'engage à un apport en numéraire (5000 € pour un court métrage de fiction par exemple) et en industrie (à définir selon les projets).
Plusieurs bourses d'écriture (de 2 000 € chacune) sont également décernées chaque année, hors de tout appel formel. "Ces bourses servent surtout à approfondir des projets qui nous ont été proposés, notamment quand ils n'ont pas été pensé à 100% en occitan", précise Lionel Buannic. En matière de ligne éditoriale, la chaîne se démarque par une grande appétence pour les programmes jeunesses, les sitcom et l'animation.
Des chaînes qui travaillent ensemble
Chez Kanaldude, c'est davantage le cinéma d'auteur, les films tournés à l'international et le documentaire de création qui sont plébiscités : "notre seul critère, c'est que le film puisse être sous-titré en basque", prévient Loïc Legrand. Entièrement financé par le COM TV, à hauteur de 108 000 €, dont 88 000 € réinvestis en préachat, ce volet création de la chaîne basque se déploie via des appels à projets. "Nous avons un appel à projet documentaire et un appel à projet fiction dans lesquels on s'engage à chaque fois sur deux projets sur la base du 12 000 € de l'heure pour le premier et 10 000 € pour le second", détaille Loïc Legrand.
Deux bourses d'écriture sont également proposées : une de 2000 € dans le cadre du pitch premier film du FIPADOC et une autre de 1 000 € dans le cadre des pitch Hemendik organisés par par l'association Zukugailua et le cinéma l'Atalante de Bayonne. En juillet prochain, Kanaldude lancera également pour la 3ème fois l'appel à projets "Identité(s) en lutte(s)" avec la plateforme Tënk et TV7. Les films sélectionnés par le jury bénéficient d’un préachat de droits de diffusion de Tënk, Kanaldude et TV7 comprenant un apport en numéraire de 12 000€ et un apport en industrie déterminé en fonction de la durée et des besoins.
À noter que, pour la première fois, un appel à projets porté par les quatre chaînes sera lancé en 2025 pour la création d'une série d'animation à destination des 15-25 ans disponible en français, basque et occitan, avec, à la clé, un budget de 225 000 €.