Prix de Flore et Prix Apollinaire : deux éditeurs néo-aquitains distingués
Trois auteurs publiés par deux éditeurs néo-aquitains, Le Castor Astral et L’Arbre Vengeur, ont été distingués par le Prix Apollinaire et le Prix de Flore. Il s’agit de Cécile Coulon, Alexandre Bonnet-Terrile et Raphaël Rupert.
Les lecteurs de Cécile Coulon, née en 1990 à Clermont-Ferrand, savent d’elle qu’elle est avant tout une romancière. Après avoir fait ses débuts littéraires à l’âge de 16 ans avec Le Voleur de vie (Revoir, 2007), elle publie cinq autres romans chez Viviane Hamy, dont Le roi n’a pas sommeil (Prix Mauvais genres 2012), Le Cœur du Pélican (2015) et Trois saisons d’orage (Prix des libraires 2017). En 2018, paraît donc son premier recueil de poèmes, Les Ronces, qui vient d’être salué par le Prix Apollinaire. Pour dire l’inspiration de ses textes, Cécile Coulon rappelle combien elle aime la poésie narrative américaine et combien est important qu’un poème s’articule autour d’un début, d’un milieu, d’une fin et d’une chute. Comme l’écrit Tahar Ben Jelloun, la poésie de Cécile Coulon "est un regard tendre et exigeant jeté sur le réel. Poésie de l’audace et de l’émotion née d’images inattendues, belles, fortes et quotidiennes, mais il s’agit d’un quotidien intérieur, pensé, rêvé, inventé par une jeune femme qui aime la vie et lui rend hommage avec vérité et musique."
De son côté, Marc Torralba, l'éditeur du Castor Astral avec Jean-Yves Reuzeau - on se souvient que Le Castor a publié les textes de Tomas Tranströmer longtemps avant que le Prix Nobel de littérature ne le récompense -, se félicite évidemment d'avoir repéré assez tôt les textes de la romancière qu'elle distillait sur Facebook. Leur simplicité, leur façon de convoquer les souvenirs, la poésie de l’enfance, du quotidien, les failles et les lumières de chacun, tout cela a fait le reste. Et l'intuition du texte a donc payé.
"Le texte de ce tout jeune homme, confie Marc Torralba, est tout simplement arrivé par la poste. Immédiatement, Jean-Yves Reuzeau a été frappé par la maturité de la langue et la qualité de ces textes très concis."
Le Prix Apollinaire, fondé en 1941, est considéré comme un Goncourt de la poésie - en partie parce que certains membres du jury ont été ou sont jurés Goncourt, comme Hervé Bazin, Robert Sabatier ou Tahar Ben Jelloun. Présidé par Jean-Pierre Siméon, le jury est composé de personnalités du monde de la poésie : Marc Alyn, Linda Maria Baros, Tahar Ben Jelloun, Zéno Bianu, Fabienne Courtade, Philippe Delaveau, Guy Goffette, Jean Portante et Jean Rouaud. La remise du Prix Apollinaire et du Prix Apollinaire Découverte, nouvellement créé, a eu lieu le 12 novembre, aux Deux Magots, à Paris. Lors de la délibération finale, des voix se sont également portées sur le recueil Dieu est à l’arrêt du tram (Gallimard) d’Emmanuel Moses et sur le recueil L’espoir à l’arraché (Le Castor Astral) d’Abdellatif Laâbi.
"'À trop fréquenter la littérature, il arrive qu’on tombe dedans', commente David Vincent qui a pensé à Philippe Roth en lisant cette Anatomie."
Le Prix de Flore a été remis quatre jours avant, le jeudi 8 novembre à Raphaël Rupert pour son premier roman, Anatomie de l’amant de ma femme. Il l’a remporté après une bataille serrée, au 6ème tour avec 7 voix contre 5 pour Mathilde-Marie de Malfilâtre, i (Le Dilettante). Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux (Actes Sud), tout récent Prix Goncourt, et Emmanuelle Bayamack-Tam pour Arcadie (P.O.L) ont également obtenu des voix.
Anatomie de l’amant de ma femme, « cocasse et subversif », selon le commentaire du jury du Prix de Flore met en scène un architecte sans projet dont l’ambition est de devenir écrivain. Un jour, par dépit et désœuvrement, il commet l’indiscrétion de parcourir le journal intime de sa femme ce qui lui révélera le nom du très viril amant de celle-ci et leurs ébats torrides. L’auteur a 40 ans, il est lecteur passionné de Enrique Vila-Matas et urbaniste de profession. Il succède à Pierre Ducrozet et à Zarka, prix 2017 ex-aequo. Le Prix de Flore a été créé en 1994 à l’initiative de Frédéric Beigbeder et de Carole Chrétiennot pour renouer avec la tradition littéraire du Café de Flore et distinguer un jeune auteur au talent prometteur. Le jury est présidé par Frédéric Beigbeder. Il est composé de Jacques Braunstein, Manuel Carcassonne,Carole Chrétiennot, Michèle Fitoussi, Jean-René van der Plaetsen, François Reynaert, Jean-Pierre Saccani, Bertrand de Saint-Vincent, Christophe Tison, Philippe Vandel, Arnaud Viviant.
Ce texte, lui aussi, est arrivé par le truchement des postiers à L'Arbre Vengeur où les éditeurs David Vincent et Nicolas Etienne l'ont découvert et aussitôt adopté. Pour dire les choses simplement, ce texte, qui est un tout premier roman, explore le moment où la littérature peut s'imposer à un homme et devenir son vice. Autrement dit : "À trop fréquenter la littérature, il arrive qu’on tombe dedans", commente David Vincent qui a pensé à Philippe Roth en lisant cette Anatomie.
"Bien sûr cela donne une visibilité", confie-t-il, encore tout étonné que ce prix germanopratin par excellence vienne distinguer ce texte publié dans une maison d'édition conduite à deux et "qui ne dispose même pas de bureau". En 2012, un autre éditeur néo-aquitain, Finitude, avait déjà reçu le Prix de Flore pour Zénith Hôtel, le premier roman d'Oscar Coop-Phane.
Les Ronces, de Cécile Coulon
Le Castor Astral
14 euros
240 pages
mars 2018
ISBN : 979-10-278-0169-5
Les Numérotés, d'Alexandre Bonnet-Terrile
Le Castor Astral
10 euros
96 pages
juin 2018
ISBN : 979-10-278-0173-2
Anatomie de l'amant de ma femme, de Raphaël Rupert
L'Arbre Vengeur
14 euros
200 pages
août 2018
ISBN : 979-10-91504-92-8