Après la guerre
Après la guerre de Hervé Le Corre aux Éditions Rivages.
Une ville sans prodiges, c’est le Bordeaux des années 50, geôle plus que décor des personnages du roman. La cité est dans une sorte de convalescence prolongée, au sortir des convulsions de la Seconde Guerre mondiale; elle lèche comme elle peut les cicatrices, tout en abordant les plaies de la suivante, la guerre d’Algérie.
Trois personnages s’affrontent avec leur convoi de fantômes ; ils peinent à se rattacher à la communauté des vivants, à tel point qu’on les dirait situés dans un no man’s land sans espoir de retour : on y trouve Darlac, un policier salaud ordinaire, Delbos, rescapé des camps d¹extermination hitlériens et Daniel, son fils.
Le premier a fait son bon beurre du miel de la collaboration, il règne désormais sur les bas-fonds de la ville, se coulant au mieux dans le paysage local, comme si la ville avait enfanté un personnage à son image. Delbos, déporté avec sa femme qui n'en est pas revenue, n'est plus qu'un mort en sursis, cherchant à se venger du flic qui l’a trahi. Il trace désormais un sanglant sillon en éliminant les proches du policier. Daniel est le plus humain des trois, adolescent presque sans boussole, sinon celle de ses parents adoptifs et de leur fille. Il tente de trouver un droit chemin au milieu des opérations d’Algérie.
Dans une ville uniformément grise, l’auteur nous livre un récit sans concession ; avec ce sentiment d’urgence qu’on dirait comme braqué dans notre œil de lecteur. L’exacerbation des sentiments, la violence des situations, tout concourt à faire du livre comme un miroir qu'on promènerait le long d'une voie sans issue.
Après la guerre
Hervé Le Corre
éd. Payot, collection Rivages-Thriller
mars 2014
23 x 16 cm ; 524 p. ; 19,90 € ; Isbn : 978-2-7436-2726-3