"Des preuves d'amour", le film pour tous d'Alice Douard
Déjà repérée et récompensée pour son court métrage L’Attente, la réalisatrice bordelaise Alice Douard est de retour cet hiver avec son premier long métrage, Des Preuves d’amour. Une comédie romantique et sociale, ultra-sensible et d’une justesse réjouissante.
Dans le rétro. 2014. Frigide Barjot et ses amis ont perdu, Claude Bartolone déclare à l’Assemblée nationale la loi Taubira adoptée à 331 voix pour. Cette victoire constitue le point de départ du film Des Preuves d’amour. Deux femmes amoureuses forgent ensemble un désir d’enfant. À la faveur de cette nouvelle loi, l’histoire de Céline et Nadia peut prendre le chemin du couple ancré dans une société plus égalitaire, qui permet désormais à deux femmes de se marier, d’avoir un enfant, beaucoup d’enfants, et de vivre heureuses, jusqu’à la fin des temps. Ou d’échouer dans ce projet canonique, comme tout autre couple. Bref, d’être libres et à droits égaux. Ou presque…
Avec douceur et amour, la réalisatrice donne à voir le parcours de celles et ceux qui n’entrent pas dans la norme sociale, qui doivent redoubler de démarches et de justifications en tout genre pour obtenir ce que la société hétéronormée donne sans conditions à celles et ceux qui l’incarnent. L’ouverture au mariage et à l’adoption constitue une grande avancée, mais les embuches administratives, et ce qu’exigent les institutions auprès des couples non hétérosexuels demeurent colossales. Ici, Nadia porte l’enfant dans sa chair, elle est sa mère incontestée. Céline, quant à elle, va devoir l’adopter et réunir des "preuves" écrites par son entourage pour accéder à son tour au statut de mère.
C’est un parcours qu’on n’a guère l’habitude de suivre ni d’entendre, à moins d’être soi-même concernée ou indirectement, par son cercle proche. Alice Douard nous conte la difficulté intime et sociale à devenir mère alors qu’on ne porte pas soi-même l’enfant. La femme, assimilée à son ventre, devient alors invisible, inutile. Un +1 incongru dans le tandem exclusif bébé-maman. Céline, la mère au ventre vide, au ventre plat, n’est pas mère, aux yeux des autres. À commencer par ceux de sa propre mère, interprétée par Noémie Lvovsky. Pianiste à la renommée internationale, elle a brillé par son absence durant l'enfance de sa fille. Le projet de Nadia et Céline va provoquer un rapprochement contraint, des séquences mère-fille inattendues.
La québécoise Monia Chokri, au potentiel comique cultivé avec le rôle de Nadia, joue une fille badass. Drôle et outrancière par moments, elle n’abuse pas du rôle de la future mère débordée d’hormones. Quant à Ella Rumpf, solaire, elle promène ce visage tendre et son regard mystérieux sur un Paris baigné d'une lumière nostalgique. Ella Rumpf dévore l’écran presque à son insu, son intériorité rendue tangible par la caméra d’Alice Douard. Elle captive, par le simple fait d’exister. La complicité évidente entre les deux comédiennes sert cette histoire d’amour, de sentiments jolis et simples, qui se heurtent aux préjugés incessants et à la bêtise, universelle comme l’amour.
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Des Preuves d'amour, d'Alice Douard, en salle le 19 novembre 2025
Soutien à la production de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Département de la Gironde et de Bordeaux Métropole, en partenariat avec le CNC et accompagné par ALCA.