"Karmele", à la recherche de la liberté perdue
Adapté du roman à succès de Kirmen Uribe, Karmele retrace l'exil des républicains à la fin des années trente à partir d'une histoire d'amour vraie entre deux basques en lutte contre le franquisme. Par cette mise en lumière de la fidélité indéfectible aux valeurs de la démocratie, le réalisateur espagnol Asier Altuna mêle la passion d'une romance au souffle d'une épopée.
Karmele est une ambitieuse fresque historique qui embrasse la guerre civile espagnole, la seconde guerre mondiale et les premières années du franquisme. Cette longue période de violence est vue à travers l'exode des réfugiés basques vers la France et le Venezuela, avant leur retour dans une Espagne répressive. Non seulement Asier Altuna fait partager les espoirs et les défaites de ceux qui ont lutté pour la démocratie, mais il permet surtout de nous faire vivre par procuration tout ce pan d'histoire tragique grâce à la persévérance de Karmele.
Pour son sixième film, le cinéaste s'est inspiré de l'histoire vraie de Karmele Urresti, une infirmière de Biscaye qui a fuit la guerre civile pour se réfugier au pays basque français et à Paris où elle rencontre son mari, le musicien de jazz Txomín Letamendi. Durant sa fuite, Karmele s’engage dans la résistance en tant qu’infirmière, puis à l’ambassade culturelle basque afin de résister à l'oppression en faisant rayonner sa culture par la danse et le chant. Avec l'arrivée des nazis en France le couple doit à nouveau s'exiler, à Caracas, avant de revenir dans l'Espagne franquiste, pour résister autrement.
Jone Laspiur interprète les choix et les doutes de Karmele avec une sensibilité qui fait transparaître la complexité de cette femme courageuse dans la tourmente. D'un bout à l'autre du film, le jeu de l'actrice s'efface pour rester fidèle aux convictions de Karmele Urresti et à l'amour de son mari. Txomin Letamendia, c'est Eneko Sagardoy qui incarne avec sobriété le déchirement entre sa passion pour la musique et son travail au service du gouvernement basque en exil. A travers Karmele et Txomin, Asier Altuna interroge le conflit des valeurs auquel sont
confrontées les vies placées devant la violence, la mort. Quelle place accordée à la famille, à la patrie, à l'amour ? Peut-on concilier le bonheur personnel avec les malheurs du monde ? Ainsi, pour restaurer la démocratie, Txomín s'engage dans les activités politiques, tandis que Karmele préfère résister grâce à l'éducation et la préservation d’une culture menacée. En suivant une riche trame événementielle, la facture classique du film permet aussi de saisir les états d'âmes de ceux qui ont perdu la guerre contre Franco. Dans la défaite surgit toutefois une
beauté mélancolique grâce aux plans subtiles, orchestrés par le directeur de la photographie Javi Agirre. Ainsi plusieurs passages lyriques du film situent les protagonistes dans une harmonie éphémère avec la nature, presque hors du temps. De plus, Asier Altuna accorde une place importante aux scènes de musique et de danse, comme si, au cœur de la violence, l'art encourageait encore à résister. A espérer. En somme, avec Karmele, Asier Altuna signe une épopée à la fois basque et universelle.
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Karmele, de Asier Altuna, en salle le 19 novembre 2025
Fiction / Long métrage / Espagne / Production : Txintua Films / 114 min / 2025
Soutien au développement de la Région Nouvelle-Aquitaine en partenariat avec le CNC et accompagné par ALCA.