Entre amour et haine, le rêve des stars
Lauréat d’une résidence d’écriture de cinéma, Alexis Langlois s’est installé au Chalet Mauriac en novembre dernier pour écrire le scénario de son premier long métrage intitulé Les Reines du drame. Cette comédie romantique et musicale remonte le temps de 2055 à 2005 et raconte la carrière de la chanteuse Mimi Madamour, de son succès dans les années 2000 jusqu’à sa descente aux enfers, précipitée par son histoire d’amour avec la punkette Billie Kolher. Les chanteuses n’ont eu de cesse, entre bastons et vocalises, de se disputer les feux de la rampe, jusqu’à ce que leur passion les consume.
Vous êtes en pleine écriture de votre cinquième film. Comment s’est imposé ce projet ?
Alexis Langlois : Cette comédie romantique met en scène deux chanteuses : Billie Kolher, une chanteuse plutôt punk et Mimi Madamour, une idole pour ados. Ces personnages ont une histoire d’amour, mais cette liaison amoureuse fusionnelle est chaotique, rythmée par les hauts et les bas de leur carrière.
Le point de départ a été une rupture. Et pour raconter cette histoire intime, j’ai choisi de la transposer dans un monde onirique. Il a été plus facile pour moi d’en faire le récit par le prisme de ces personnages plus éloignés de moi.
Comment décririez-vous l’univers cinématographique que vous voulez créer autour de cette histoire ?
A.L. : Plusieurs univers visuels s’affrontent. Il y a des atmosphères différentes selon les époques et surtout en fonction du point de vue (on est toujours avec celle qui rate) : quand on est avec Mimi, l’idole des jeunes, les images vont être édulcorées, pop dans des tons rosés ; mais lorsque l’on est avec Billie, on plongera dans quelque chose de plus expressionniste et sale.
Il s’agit d’un film musical, toutes les chansons seront composées pour le film, en fonction des époques et du style des chanteuses. Évidemment ce film est queer, car derrière ces images flamboyantes et cette histoire d’amour explosive, se trouve une dimension contestataire. Comment s’aimer contre le reste du monde ?
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
A.L. : De nombreux films des années 40, 50 et 60, des films avec des histoires de rivalités entre des actrices m’ont inspiré. En écrivant le scénario, je pensais notamment à A star is born de Cukor. Ce film raconte l’histoire d’un acteur has been qui tombe amoureux d’une jeune actrice. Celle-ci va devenir une immense star. Et aussi à Sunset boulevard de Billy Wilder, à la comédie musicale Phantom of the paradise de Brian de Palma dont la mise en scène, la façon de s’éloigner du réalisme pour être au plus près des sentiments du personnage principal m’ont influencé, ou encore à Showgirls de Paul Verhoeven.
Pourquoi avoir choisi la période de 2055 à 2005 ?
A.L. : Il est important que le film se déroule sur différentes époques parce que mes personnages à un moment donné vont tomber dans l’oubli, et cette chute va cruellement impacter leur amour. Mais le film aborde aussi les processus qui font plonger les chanteuses dans la "ringardise", comme si elles étaient des produits dotés d’une obsolescence programmée…
Celle qui réussit en 2005, c’est Mimi la chanteuse pop, comme une Britney Spears au début des années 2000 ; alors que Billie, qui s’affirme en tant que féministe et lesbienne, n’a pas sa place en 2005… Mais dix ans plus tard, en 2015, le monde a changé, le féminisme est au cœur de toutes les discussions. L’icône édulcorée, autrefois adulée des ados, devient à son tour "ringarde". En revanche, la Billie revendicative et violente sera dans l’air du temps.
"Au fond, le sujet du film est : pourquoi est-ce aussi violent entre elles ? C’est le monde autour, le regard des gens qui les malmènent."
Une violence inouïe se dégage du synopsis. Il y a une grande difficulté à être dans l’air du temps, c’est-à-dire à ne pas sombrer dans l’oubli… qui a des répercussions dans les relations entre les deux chanteuses …
A.L. : La rivalité est en effet intense pour être sur le devant de la scène. Elle se traduit par de violentes disputes. Au fond, le sujet du film est : pourquoi est-ce aussi violent entre elles ? C’est le monde autour, le regard des gens qui les malmènent. En fin de compte, elles finiront par se retrouver lorsqu’elles réalisent que le plus important c’est d’être ensemble et qu’elles acceptent de ne plus être aimées par le plus grand nombre. C’est à ce moment-là qu’elles se libèrent du regard des autres.
Vous associez au projet une autrice, Charlotte Janon, et un coauteur, Thomas Colineau. Comment travaillez-vous ?
A.L. : Lorsque j’ai lancé le projet, j’avais défini mes personnages et la trame de l’histoire que j’avais envie de raconter. Charlotte Janon et Thomas Colineau m’accompagnaient pour la relecture des écrits. Lorsqu’il a fallu développer et dérouler le scénario, écrire les dialogues, je leur ai proposé de travailler avec moi. C’est la première fois que j’écris un long métrage et il m’est apparu important de pouvoir échanger, par exemple sur la trajectoire des personnages ou sur la construction du récit. Pendant la résidence au Chalet Mauriac, j’ai écrit seul mais nous organisions des chantiers : chacun s’emparait de certaines parties, puis je relisais l’ensemble ; parfois ils écrivaient aussi de leur côté.
Travaillez-vous en même temps au financement du projet ?
A.L. : J’en suis au début. Le film est sélectionné à l’oral pour l’aide aux films de genre du CNC dans quelques semaines. Si je l’obtiens, il sera le premier financement. Il me faut terminer la nouvelle version du scénario pour que la production puisse lancer le travail de financement.
Vous avez séjourné au Chalet Mauriac pendant une dizaine de jours en novembre dernier. En quoi la résidence a-t-elle été bénéfique ?
A.L. : Cette session a été courte, mais elle m’a permis de me consacrer pleinement à l’écriture. C’est précieux car j’ai rarement l’occasion de pouvoir le faire et de me concentrer ainsi sur mon travail. Quand je suis arrivé au Chalet, j’avais déjà planifié le chantier que je voulais réaliser. Ces dix jours m’ont permis d’optimiser le travail d’écriture. Et j’aimerais bien revenir avec les coauteurs pour pouvoir écrire à six mains…