La Cinémathèque du documentaire, un réseau d’acteurs investis pour la visibilité du genre
La Cinémathèque du documentaire est née en 2017 d’un constat : si la production d’œuvres documentaires est riche et continue de se densifier, le genre est parfois mis à l’écart des grands circuits de diffusion.
À travers son réseau et ses ressources, la Cinémathèque du documentaire (LCDD) est aujourd’hui, quatre ans après sa création, un acteur essentiel du paysage du documentaire. Fédérant un grand nombre de structures, elle permet des synergies et offre des espaces de diffusion qui font vivre le genre au plus près des publics. Julie Bertucelli, documentariste et présidente de la Cinémathèque, nous explique que l'objectif premier de LCDD est de "permettre à un large public de voir et revoir des films documentaires, français et étrangers, de tous les genres et de toutes les époques". Pour ce faire, la Cinémathèque se veut un nouvel espace dédié au genre contribuant plus largement à sa valorisation, aux côtés des acteurs, nombreux, qui essaiment les festivals et les manifestations pour diffuser des œuvres.
Installée à Paris, LCDD est un Groupement d’Intérêt public, structuration qui permet à des entités publiques et privées d’œuvrer ensemble autour d’une mission d’intérêt général. Elle est à distinguer des cinémathèques régionales : si elles répondent toutes à un objectif patrimonial de garder trace de la création artistique, LCDD s’attache aussi à valoriser les œuvres et les artistes d’aujourd’hui et à réfléchir à l’avenir de la filière. L’une de ses missions principales est d’accompagner et de soutenir les nombreux acteurs du secteur sur le territoire national, en leur proposant notamment une large base de ressources en ligne, mais LCDD s’attache aussi à valoriser les œuvres à travers une programmation quotidienne à Paris.
La Cinémathèque s’appuie sur quatre partenaires principaux pour accomplir ses missions : la Bibliothèque publique d’information (BPI) qui assure une programmation régulière au Centre Pompidou, Images en bibliothèque qui assure la coordination du réseau, Film-documentaire.fr qui offre des ressources numériques et Tënk, plateforme de SVOD consacrée au genre. Le réseau a fédéré aujourd’hui une cinquantaine de structures dont cinq en Nouvelle-Aquitaine : ALCA Nouvelle-Aquitaine, l’association Autour du 1er mai basée à Tulle, les Bibliothèques de Bordeaux, l’association Filmer le travail de Poitiers et enfin l’association Les Yeux verts installée à Brive-la-Gaillarde.
"Le collectif permet d’échanger sur des thématiques de programmation, de [s’]interroger sur la diffusion du documentaire, sur des enjeux plus politiques comme les financements, et de questionner [les] pratiques avec des acteurs qui partagent des intérêts communs."
Pour Maïté Peltier, déléguée générale de l’association Filmer le travail, qui organise le festival éponyme, l’un des premiers avantages de LCDD est de "faire réseau avec des professionnels investis dans la diffusion du documentaire". Filmer le travail a intégré le collectif au début de sa création car il "permet d’échanger sur des thématiques de programmation, de [s’]interroger sur la diffusion du documentaire (dans les salles mais aussi en ligne), sur des enjeux plus politiques comme les financements, et de questionner [les] pratiques avec des acteurs qui partagent des intérêts communs".
Stéphanie Legrand, coordinatrice de l’association Autour du 1er mai confirme l’importance de faire réseau pour échanger avec d’autres et "prendre de la hauteur sur ses actions". C’est aussi, selon elle, un moyen pour "une structure en région de dialoguer avec des entités nationales comme les membres fondateurs". Autour du 1er mai a rejoint le groupement en 2019 quand il commençait à s’amplifier. L’année précédente, l’association avait collaboré avec Images en bibliothèques dans le cadre du Mois du film documentaire en proposant un cycle de film "Inventer d’autres possibles : 50 ans après mai 68".
LCDD joue un rôle de passeur d’informations et propose de nombreuses ressources en ligne pour accompagner son réseau. Elle assure un travail de veille du secteur, met à disposition des outils partagés et propose un espace virtuel où chaque membre peut inscrire sa programmation qui sera relayée sur les différents canaux de communication (réseaux sociaux, bande-annonce). De leur côté, les adhérents valorisent la Cinémathèque à travers les logos, les liens vers le site ou même une bande-annonce diffusée en avant-programme. Une charte, signée par tous, encadre les pratiques concernant la communication. De plus, LCDD s’adapte aux besoins de ses membres : en 2020, lors des périodes de confinement et de fermeture des lieux culturels, elle a organisé plusieurs formations autour des enjeux de diffusion et de médiation en ligne : une proposition dont s’est saisie Autour du 1er mai, qui n’avait pas pour habitude de proposer des actions en ligne mais qui a souhaité y réfléchir, de manière ponctuelle, autour de sa programmation du Mois du doc.
"La Cinémathèque invite aussi les structures en région à reprendre certains cycles comme Cinéma du réel en circulation, les sélections de la Sacem ou encore des propositions de l’Ina."
La Cinémathèque propose tout au long de l’année des programmations au Centre Pompidou, à Paris. Elle invite aussi les structures en région à reprendre certains cycles comme Cinéma du réel en circulation, les sélections de la Sacem ou encore des propositions de l’Ina. LCDD offre aussi une fenêtre de visibilité aux structures en région en les invitant à programmer à Paris. En 2018, le Centre Pompidou a accueilli une carte blanche de Filmer le travail autour du cycle "À l’œuvre : être(s) au travail" avec la reprise de deux films de sa compétition internationale : En la boca de Matteo Gariglio et Machines de Rahul Jain. Maïté Peltier se réjouit de ces échanges et rappelle l’importance de décentraliser les programmations pour que tout "ne se passe pas à Paris" et pour faciliter "les programmations hors les murs des festivals du territoire".
Faire réseau est aussi l’occasion d’initier de nouvelles collaborations. Depuis deux ans, Filmer le travail accueille à Poitiers un atelier intitulé "Démontage d’un montage", initiative de l’association Périphérie de Montreuil, elle aussi membre du groupement. En 2021, les réalisateurs Julien Meunier et Sébastien Magnier et le monteur Guillaume Massart ont partagé leur expérience du montage autour du film En formation. Ils ont proposé au public des extraits du film ainsi que des séquences écartées du montage final pour sensibiliser à cette étape de l’écriture.
Par ailleurs, LCDD a développé des commissions de soutien financier pour accompagner des actions. Autour du 1er mai a saisi cette opportunité pour demander une aide à la rémunération des réalisateurs invités : "Cette aide est essentielle pour nous car il est difficile de dégager du budget pour cela, mais nous sommes pleinement conscients qu’il faut rémunérer les réalisateurs qui continuent d’accompagner leur film, d’autant plus que nous savons que les déplacements jusqu’en Corrèze leur demandent beaucoup de temps", affirme Stéphanie Legrand. Du côté de Filmer le travail, une aide a été sollicitée pour des actions culturelles auprès du public étudiant. Le festival voulait proposer un cycle de projections et une conférence autour du film Overseas de Sung-A Yoon qui traite du travail des femmes. Cette proposition destinée aux étudiants du territoire (master Creadoc d'Angoulême, étudiants en sociologie ou issus du parcours lettres-sciences politiques du campus de Poitiers) et ouverte au grand public a malheureusement été annulée avec le confinement de novembre. Mais l’équipe du festival a à cœur de développer une programmation annuelle autour de cycles thématiques et de films de patrimoine, et le soutien financier de LCDD est important. ALCA a aussi sollicité un accompagnement financier pour soutenir les actions d’éducation aux images de deux structures néo-aquitaines : l’association Bordeaux Rock qui organise le festival de documentaires musicaux Musical’Écran et l’association La Troisième Porte à gauche à l’initiative du festival Passagers du réel.