La fin de l’innocence en Corrèze
Été 1987, Corrèze. Quatre adolescents passent leurs vacances dans leur village à faire du vélo et découvrir des coins secrets en forêt. En parallèle, deux hommes commettent leur premier braquage aux alentours de Paris. Ne vous fiez pas aux apparences, si les deux histoires ne semblent pas être reliées, le final de ce roman écrit par l’auteur corrézien Sébastien Vidal vous laissera stupéfait…
Les forêts corréziennes recèlent de secrets. C’est au hasard d’une de leurs fameuses balades en vélo que Johanna, Franck, Vincent et Christophe, "la bande aux yeux marrons", découvre un coin secret où passer leur été. Autour de cet endroit paisible et bercé par le clapotis de l’eau vit l’Indien, un homme en marge de la société dont les ragots locaux lui ont créé une histoire improbable. En réalité, René s’est retiré du monde pour panser ses blessures mais il reste un être bienveillant qui s’attache très vite à cette joyeuse bande. Il leur propose de profiter de son écrin de verdure tant qu’ils gardent secret sa localisation. C’est parti pour une saison de pêche, de baignades et de bières à partager.
À Palaiseau, en banlieue de Paris, un braquage finit mal. Un homme meurt sous les balles et c’est un été de cavale pour Jacques et Antonio. Meurtris par une société qui semble ne pas vouloir d’eux, ce braquage était la clé pour une nouvelle vie. Mais la tournure des évènements les contraint à filer sur les routes et à essayer de se faire oublier… Sans grand succès. Très vite, leur exploit est relayé dans tous les médias et les services de sécurité les suivent de près. Ils deviennent les ennemis numéro un et l’engrenage de la violence ne semble que commencer.
Les chapitres s’alternent entre la vie paisible des adolescents et la frénésie de la poursuite des braqueurs. La nature semble être le lien entre ces deux histoires, incarnant un personnage à part entière. Elle défile dans la voiture de Jacques et Antonio, elle recueille les secrets les plus infâmes des adolescents. Sébastien Vidal, l’auteur, est corrézien et on sent son attirance pour les paysages de son territoire natal. Ce ne sont pas que de simples descriptions mais un cadre vibrant et luxuriant qui est témoin de tout ce qui se joue ici. Si les trois quarts du roman sont une avancée légère et sans sensationnalisme dans le quotidien de nos personnages, le quart restant est incandescent. Les évènements s’accélèrent, les situations s’enchaînent et la vie de nos héros s’embrase.
Derrière la forêt paisible et l’intensité de la cavale, c’est une période critique qui se joue pour tous nos protagonistes : la fin de l’innocence. Durant cette saison estivale, les adolescents vont devoir affronter les pires démons des adultes et regarder en face la noirceur humaine. Jacques et Antonio, quant à eux, seront en proie à leurs propres dilemmes. Si l’un est plus tempéré, le deuxième va laisser éclater tout le ressentiment retenu depuis tant d’années. Ces personnages singuliers et forts montrent des trajectoires de vie, face aux injustices et aux malheurs. Les souffrances qui changent les destinées, qu’on en soit victime ou créateur.
C’est un roman d’ombre et de lumière qui raconte l’innocence de l’adolescence et la désillusion du monde des adultes. Notre bande de quatre profite encore un peu des joies des premières découvertes et des premiers émois, là où nos deux adultes ont perdu toute foi en une société juste. C’est aussi pour chacun la difficulté de vivre et de partager ses traumatismes. Les sujets abordés sont lourds mais l’amitié semble pouvoir, malgré tout, sauver chaque situation. Ou presque.
Où reposent nos ombres de Sébastien Vidal
Éditions Le mot et le reste
Octobre 2022
360 pages
21 euros
ISBN : 978-2-3613-9982-5