Le mystère du mois d’avril
Saint-Hilaire-de-Villefranche, au mois d’avril. Village paisible, quelques bruits d’oiseaux et de rivière en fond, le brouhaha des adolescents dans la cour de récréation du collège anime le calme ambiant. Mais en ce mois d’avril, à Saint-Hilaire, c’est un Mortel printemps que nous raconte Claire Gratias aux éditions Le Muscadier, avec la mort de Julie Tavernier, la professeure de mathématiques.
Le collège. Ces années difficiles ou merveilleuses, selon les expériences. Pour Léa, Vadim, Hugo et Rémi, leur dernière année de collège, c’est assurément le passage à l’âge adulte. Lorsque les quatre élèves découvrent une pochette pleine d’argent dans leur salle de classe, ils ne s’imaginent pas la suite des événements…
C’est Hugo, le littéraire de la bande, qui nous conte cette histoire. En alternant des chapitres romancés et des passages de son carnet d’écriture, Hugo nous livre sa version de ce funeste mois d’avril. Il en profite, au passage, pour nous rappeler le rôle de l’écrivain, celui d’imaginer les scènes où il n’a pas été présent, d’inventer des dialogues et de faire durer le suspense. Il semble nous raconter un déroulement assez simple, fait d’intrigues policières, de rebondissements insoupçonnés, de multiples suspects… Quel rôle nos quatre adolescents jouent-ils alors dans ce printemps mortel ?
Claire Gratias met en scène les liens que l’on pense indestructibles quand on a quatorze ans et l’apparition de ce nouveau sentiment, cette mini-tornade intérieure : le doute. Elle raconte la découverte d’un monde fait de mensonges et de faux-semblants, et de la difficulté de se soutenir, coûte que coûte ; ou encore l’impression d’être les seuls à pouvoir taire ou découvrir la vérité – un pouvoir que l’on peut avoir du mal à utiliser quand on est adolescents.
"Si l’un d’entre eux est menacé, même si ses actions sont douteuses, il faut protéger la moindre information et user de toute arme en leur possession : mensonge, manipulation, un brin de violence et beaucoup d’imagination…"
Claire Gratias a publié plus d’une trentaine de livres chez plusieurs éditeurs. Dans la collection Rester vivant des éditions Le Muscadier, les auteurs abordent des thématiques variées mais avec toujours le souci d’éveiller l’esprit critique des adolescents. En choisissant des collégiens comme protagonistes, l'autrice s'autorise à jouer avec une certaine forme de naïveté et de spontanéité enfantine, même dans la résolution d’un homicide. Témoins d’une situation dramatique, ces jeunes vont être redoutables (à leur niveau, bien entendu). Si l’un d’entre eux est menacé, même si ses actions sont douteuses, il faut protéger la moindre information et user de toute arme en leur possession : mensonge, manipulation, un brin de violence et beaucoup d’imagination…
Au-delà de cette parole portée par ces jeunes, l’autre enjeu réside dans la construction du roman. Claire Gratias joue avec les codes de la littérature pour laisser planer le doute jusqu’à la toute dernière page. Elle floute les frontières – déjà relatives – entre réel et imaginaire. D’abord, elle raconte une histoire qui pourrait tout à fait être basée sur un fait divers et dont un des protagonistes s’inspirerait pour son roman. L’alternance entre le carnet d’écriture d’Hugo et la version racontée de l’histoire nous entraîne presque dans la lecture d’un documentaire, où les parties imaginées sont toujours raisonnées ensuite par son auteur. Enfin, quelques retranscriptions de lettres d’un autre élève apportent un éclairage de dernière minute sur le déroulement de cette macabre histoire et son dénouement.
Subtilement écrit et pensé par Claire Gratias qui maîtrise le polar et ses codes, ce roman enferme le lecteur dans une spirale de doute. Là où nous pensions que tout est simple, en particulier au collège, nous étions bien loin de la vérité.
Mortel printemps, de Claire Gratias
Le Muscadier, collection Rester vivant
Mars 2021
356 pages
16,50 euros
ISBN : 979-10-96935-85-7