"Les 9 vies extraordinaires de la princesse Gaya", un voyage spatio-temporel
Un magnifique album hors normes a vu le jour suite à une résidence au Chalet Mauriac en 2022. Sous l’impulsion de l’illustrateur Régis Lejonc, neuf écrivains se sont réunis pour imaginer Les 9 vies de la princesse Gaya, paru aux éditions Little Urban. Une œuvre qui rejoint la famille des titres de littérature jeunesse susceptibles d’emporter tout le monde avec eux, que l’on soit enfant, adolescent ou adulte. Depuis quand ne vous a-t-on pas lu d’histoires ?
Au départ du projet, Régis Lejonc propose à la bande d’auteurs qu’il a réunie autour de lui neuf illustrations représentant Gaya à différents âges, dans différentes cultures, à différentes époques. Charge à chaque écrivain de s’emparer d’un des dessins et d’imaginer l’une des vies de Gaya.
Atypique et collectif, ce projet se concrétise avec la parution en octobre dernier d’un album (très) grand format, à la fabrication soignée, magnifiquement illustré. Les neuf chapitres qui le composent sont tous très différents, aussi bien dans l’écriture que dans le temps, l’espace ou les enjeux narratifs. Pour autant, nous sommes loin d’une simple juxtaposition de textes indépendants. La structure globale du récit et les illustrations donnent une grande cohérence à l’ensemble : le lecteur n’a plus qu’à se laisser emporter dans cette longue et trépidante histoire, faisant la part belle aux nombreux dessins de Régis Lejonc. Les bandeaux d’illustration à chaque ouverture de chapitre, tout comme les dessins de clôture et les images pleine page permettent de rythmer la lecture et de renforcer l’atmosphère dégagée par chacun.
Neuf textes pour une histoire
La petite Gaya vient tout juste de naitre mais sa trajectoire est déjà écrite : elle mourra dans quelques mois, dès qu’apparaitra sa première dent. C’est le marché que passe La Mort avec sa mère, en échange de la survie du père. Néanmoins, au moment ultime, la faucheuse décide d’atténuer sa sentence. Gaya va mourir, certes, mais elle aura d’autres vies. Huit autres destins, hermétiques les uns aux autres puisqu’elle ne gardera aucun souvenir de ses différentes existences. Est-ce une chance ou une malédiction ?
Le choix cornélien de la mère pose, dès ce premier chapitre écrit par Ghislaine Roman, le cadre de la narration, tout en laissant aux autres auteurs une immense liberté. Les auteurs et autrices imaginent Gaya dans la Chine médiévale ou bien dans la Grèce antique. Puis la princesse renait dans le désert mexicain, ou sur un bateau de pirates... Les propositions géographiques sont aussi variées que les époques et les thèmes choisis pour conter les existences de l'héroïne Gaya.
Alex Cousseau, avec le sacrifice ultime de sa Gha Yuan, propose un texte sur l’engagement et les principes moraux que l’on s’impose à soi-même. Pour Thomas Scotto, Gaïa est l’espoir : elle seule peut empêcher "une chasse au merveilleux". Dans le chapitre écrit par Fred Bernard, Gawa symbolise l’accueil, l’ouverture à l’altérité et la détermination face au colonialisme des conquistadors tandis que, dans le récit d’Anne Jonas, Galla doit faire un choix : liberté et indépendance ou sécurité et obéissance ? La Goia d’Annie Agopian est prête au don d’elle-même pour le collectif. La Gilian d’Anne Cortey apprend à se détacher des injonctions familiales pour découvrir ce qu’elle veut et qui elle est. Cécile Roumiguière nous propose une Gayane coincée dans un secret de famille, qui s’en libère pour devenir pleinement elle-même. Enfin, Henri Meunier nous présente sa vieille Guaya, insolente et sereine, arrivée aux portes de la mort. La vraie cette fois, puisque nous sommes déjà au terme de la neuvième vie de la princesse Gaya.
Heureusement, ce livre riche et dense a, lui aussi, plusieurs vies ! Il est possible, par exemple, d’assister à des lectures dessinées, associant la voix de l’un des écrivains et les feutres de Régis Lejonc, pour un moment suspendu.
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Les 9 vies extraordinaires de la princesse Gaya, De Annie Agopian, Fred Bernard, Alex Cousseau, Anne Cortey, Anne Jonas, Henri Meunier, Ghislaine Roman, Cécile Roumiguière et Thomas Scotto. Illustré par Régis Lejonc. chez Little Urban, sorti le 6 octobre 2023.