Les festivals de cinéma néo-aquitains s'adaptent face à la crise sanitaire
La Nouvelle-Aquitaine accueille habituellement plus de trente festivals et autres manifestations autour du cinéma entre mars et octobre. La crise sanitaire a bousculé cette année l'organisation de ces événements, engendrant de nombreuses conséquences, fonction des dates, du poids économique et des enjeux professionnels propres à chaque festival.
Tous les festivals néo-aquitains prévus au printemps et à l'été de cette année 2020 ont été touchés par la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales de lutte contre sa propagation. Parmi ces manifestations, certaines n'ont pu faire autrement qu'annuler leur édition, engendrant de très lourdes conséquences économiques dues aux frais déjà engagés. C’est le cas du premier festival de Nouvelle-Aquitaine qui a dû être annulé : les Rencontres du cinéma latino-américain qui devaient se dérouler du 18 au 24 mars à Bordeaux et à Pessac (33). "Nous avons, à ce jour, engagé 80% des dépenses et en termes de recettes, nous n’avons que des subventions", explique Gloria Verges, présidente de l’association organisatrice des Rencontres. Comme pour de nombreux festivals, l’absence de billetterie dans les salles est un énorme manque pour couvrir les frais générés. Si dans l’urgence, les Rencontres ont été annulées, cette 37e édition a pu exister avec des rendez-vous virtuels de projections de films à partir du 6 mai, avec l’intervention d’invités latino-américains en visio-conférence.
D’autres festivals ont déplacé leurs dates en espérant que les salles pourront alors accueillir dans de bonnes conditions le public, à l'instar du Festival du cinéma russe de Niort (79) qui espère pouvoir se dérouler fin juillet ou début août. Les Rencontres internationales du moyen-métrage de Brive-la-Gaillarde (19) ont été intégralement reportées du mois d’avril aux 28, 29 et 30 août 2020. D’autres encore ont fait le choix d’un déplacement en septembre, période habituelle de reprise de l’activité de fréquentation des salles. Tel était l’enjeu du Festival Musical écran de Bordeaux : "Nous tentons d’éviter l'annulation totale. Nous avons donc opté immédiatement pour le début du mois de septembre dans la mesure où la majorité des lieux d’accueil semblaient libres à cette période et le climat encore clément pour les soirées du festival à la Cour Mably", précise Richard Berthou, chargé de programmation et coordinateur de l'association organisatrice du festival.
"Face à cette crise, nous devons être solidaires et proposer des calendriers d'événements cohérents."
Les Rencontres Cinéma et Société de Tulle (19) ont également été déplacées au mois de mai à septembre mais avec une attention particulière pour les autres événements à proximité comme le met en valeur Stéphanie Legrand, coordinatrice de l’association Autour du 1er mai, organisatrice des Rencontres : "Étant donné que beaucoup d'événements risquent d'être reportés au mois de septembre, nous avons consulté d'autres acteurs culturels corréziens avant de choisir définitivement nos dates de report, car, face à cette crise, nous devons être solidaires et proposer des calendriers d'événements cohérents."
Le Festival international du film et photo animalière et nature de Mimizan (40) a quant à lui décidé d’annuler son édition 2020 pour mieux se concentrer sur celle de 2021 en reprenant intégralement la programmation initiale, par soutien aux professionnels impliqués. Le Festival Anako du film ethnographique de Loudun (86) a lui aussi été annulé en raison notamment du décès lié au Covid-19 de l’un des bénévoles les plus actifs. "Par ailleurs, 70% du public du festival vient de toute la France et même des pays voisins (Suisse, Belgique, Grande Bretagne), les restrictions liées aux déplacements des personnes empêchant la venue de la plupart des festivaliers", précise Patrick Bernard pour Anako.
Face à ces contraintes de salles qui ne peuvent ouvrir et aux publics empêchés dans leurs déplacements, le Festival international de Contis (40) a fait le choix d’organiser un festival dématérialisé en déplaçant seulement d’une semaine ses dates initialement prévues avec des films visibles sur la plateforme Festival Scope. Le Festival La Rochelle Cinéma (17) a de son côté choisi une forme hybride avec la programmation des films de patrimoine qui sera visible en ligne en VoD sur la plateforme de LaCinetek mais aussi un rendez-vous en septembre sur un long week-end de 3 jours où devront être présentées 30 séances. Le festival bénéficiera en outre de cartes blanches offertes par d’autres festivals à l’automne ainsi que de l’invitation de plusieurs salles partout en France. Toujours est-il que les professionnels indépendants, saisonniers, intermittents et auto-entrepreneurs dépendant de l’activité des festivals se retrouvent dans des situations encore plus précaires comme tient à le souligner Arnaud Dumatin, codélégué général, avec Sophie Mirouze, du festival.
Le Festival du film francophone d’Angoulême (16) a pu quant à lui annoncer par la voix de Dominique Besnehard son maintien à la fin du mois d’août, ayant le privilège d'ouvrir le calendrier des manifestations internationales de cinéma avant Venise, Deauville, Saint Sébastien, Toronto, etc. Ainsi, la programmation cannoise des films francophones de la Semaine de la Critique y sera présentée.
Pour les festivals qui se dérouleront en Nouvelle-Aquitaine à l’automne, même si c’est encore loin pour envisager une organisation précise, des manifestations spécialisées, comme le festival Biarritz Amérique latine (64), sont confrontées à l’incertitude de pouvoir bénéficier non seulement de la présence des professionnels d’Amérique latine mais encore de l’appui des instituts de cinéma des différents pays de ce continent. Le délégué général du festival, Antoine Sebire, fait l’analyse suivante : "L’impact de la crise est potentiellement si dramatique pour les réalisateurs, les producteurs, les salles, les distributeurs, les festivals, qu’on ne peut pas ne pas en tenir compte. Pour ce qui est des festivals en particulier, l’interdépendance entre nous est très forte. Ainsi, des partenariats sont envisageables, dont les contours restent à tracer."
"Si les conditions ne nous permettent pas d'accueillir le public, nous envisageons d'organiser une édition en ligne"
Le festival Ciné des villes, ciné des champs de Bourganeuf (23) est à ce jour maintenu avec la problématique de pouvoir accueillir dans une unique salle tout le public dans les conditions réglementaires de distanciation. Le Festival international du film indépendant de Bordeaux, qui doit se dérouler à la mi-octobre 2020, en raison de la diminution des financements privés, a dû réinventer son organisation et ses événements festifs mais dans un véritable enjeu de résilience créatrice portée notamment par Johanna Caraire, cofondatrice et codirectrice artistique du festival. Les 5es Rencontres de Cinéma et Métiers d’art de Nontron, en Dordogne, ont quant à elles été reportées à l’année suivante puisque la salle de cinéma accueillant l’événement sera au même moment mobilisée pour assurer ses entrées alors que de nombreux films programmés à l’automne sont attendus.
Le Festival international du film archéologique de Bordeaux, prévu pour octobre, est encore dans l’incertitude : "Si les conditions ne nous permettent pas d'accueillir le public, nous envisageons d'organiser une édition en ligne", précise ainsi Adrien Berthou. Prévu du 27 octobre au 1er novembre, le Festival international du film ornithologique de Ménigoute (79) devrait avoir lieu mais avec des modifications pour l’accueil du public dans les salles et la possibilité envisagée de décentraliser à Parthenay (79) quelques projections.
Les conséquences et les décisions prises par chaque festival sont ainsi variables mais chacun a mis au centre de ses enjeux l’accueil des invités et du public, le soutien aux professionnels du cinéma et de la culture en général dans un contexte économique où les financements institutionnels ont certes été maintenus mais où les financements privés sont bien plus incertains. "Le festival est soutenu par la Ville de Biarritz au premier chef, par la Région Nouvelle-Aquitaine et par le Département des Pyrénées-Atlantiques, ainsi que par quelques partenaires privés qui ont réaffirmé leur soutien", témoigne ainsi Antoine Sébire. Un élan de solidarité a pu émerger entre les salles et les festivals tenant compte de la réalité de la crise sans faire de celle-ci une impossible parenthèse : il ne reste plus qu’à en espérer des conséquences créatives pour tous.
(Photo : Esteban Chinchilla)