Nicolas Lacombe et ses dessins pour figer les univers
Plasticien-illustrateur pratiquant le dessin au scotch, Nicolas Lacombe était cet automne en résidence de création au Chalet Mauriac. Il y a travaillé son projet La Métamorphose de Loïe Fuller, un livre illustré pour la jeunesse autour de l’univers esthétique et plastique de cette danseuse chorégraphe du début du siècle dernier.
Octobre 2018. Le bureau du Chalet Mauriac où l’illustrateur toulousain Nicolas Lacombe me reçoit à la fin de sa résidence de deux mois est baigné de soleil. Le calme des lieux ne va pas longtemps résister à la fougue d’un artiste très généreux dans l’échange, doté d’un enthousiasme impétueux.
Notre première rencontre s’est faite au Cercle ouvrier de Saint-Symphorien quelques semaines plus tôt, à la veille de la Fête au Chalet Mauriac. Une main tendue, un regard qui accroche, montrent l’irrépressible envie de communiquer de ce quadragénaire à l’allure toujours juvénile. Il faut dire que Nicolas Lacombe, non content d’être un touche-à-tout animé d’une curiosité et d’un appétit stimulants ne peut qu’accrocher l’intérêt de son interlocuteur lorsqu’il évoque sa technique d’illustration au scotch.
Illustration au scotch ? Inéluctablement, la conversation s’engage sur ce sujet. On imagine sans mal le nombre incalculable de fois où cet artiste singulier, inventeur de cette technique, s’est prêté au jeu de l’explication, avec entrain, inlassablement. L’originalité du procédé qui emprunte au pochoir, à l’estampe ou à la sérigraphie mais en passant par l’utilisation d’un simple scotch transparent sur lequel il fait adhérer la couleur prise sur des papiers imprimés interroge et fascine d’emblée par son caractère inventif et novateur, et l’envie naît de le voir à l’œuvre et de découvrir ces superpositions de matière qui créent les effets les plus inattendus.
Notre première rencontre s’est faite au Cercle ouvrier de Saint-Symphorien quelques semaines plus tôt, à la veille de la Fête au Chalet Mauriac. Une main tendue, un regard qui accroche, montrent l’irrépressible envie de communiquer de ce quadragénaire à l’allure toujours juvénile. Il faut dire que Nicolas Lacombe, non content d’être un touche-à-tout animé d’une curiosité et d’un appétit stimulants ne peut qu’accrocher l’intérêt de son interlocuteur lorsqu’il évoque sa technique d’illustration au scotch.
Illustration au scotch ? Inéluctablement, la conversation s’engage sur ce sujet. On imagine sans mal le nombre incalculable de fois où cet artiste singulier, inventeur de cette technique, s’est prêté au jeu de l’explication, avec entrain, inlassablement. L’originalité du procédé qui emprunte au pochoir, à l’estampe ou à la sérigraphie mais en passant par l’utilisation d’un simple scotch transparent sur lequel il fait adhérer la couleur prise sur des papiers imprimés interroge et fascine d’emblée par son caractère inventif et novateur, et l’envie naît de le voir à l’œuvre et de découvrir ces superpositions de matière qui créent les effets les plus inattendus.
"Qui pourrait imaginer le travail technique de Nicolas en voyant ces effets de textures, de transparences, de matière ?"
On découvre son travail aux éditions Balivernes où il illustre textes ou abécédaires pour de jeunes enfants. L’univers est poétique, joyeux ou émouvant, les animaux à poils, à plumes ou à écailles jouent dans les pages. Et le scotch disparaît… Qui pourrait imaginer le travail technique de Nicolas en voyant ces effets de textures, de transparences, de matière ? Le jeune illustrateur n’est pas avare d’explications sur la façon dont il a "inventé" ce procédé en jouant avec papiers, cartons et scotch dans la droguerie de ses grands-parents en Aveyron. Dès l’enfance son coup de crayon est sûr et la nature lui sert de modèle. Un oiseau dessiné à 7 ans le fera remarquer de son instituteur mais le petit garçon reprendra son dessin pour l’entourer d’un gros trait de feutre noir, inspiré des bandes dessinées qu’il dévore, gâchant l’œuvre aux yeux du maître mais montrant là peut-être sa volonté de faire à sa manière. Passé plus tard par les Beaux-arts de Toulouse, il développe sa connaissance de l’art contemporain et se rapproche de l’univers de ceux dont les œuvres l’accompagnent encore aujourd’hui, Jean-Michel Basquiat, Pierre Soulages ou JacquesVilleglé. Là où une carrière aurait pu naître c’est pourtant un rejet qui se profile, celui de discours et de postures dans lesquels il ne se reconnaît pas.
Dans la lumière blonde du bureau où nous nous retrouvons pour l’entretien qui marque la fin de sa résidence, Nicolas Lacombe est, comme toujours en public, un parangon d’enthousiasme. Cet artiste passionné, très volubile, ne semble pas avoir besoin de respirer tant ses phrases s’enroulent. Pourtant, elles ne vont pas assez vite pour suivre son bouillonnement intérieur. Alors qu’il était très disert quant à sa technique lors de nos précédents échanges, il coupe court assez vite sur la question du "comment c’est fait". Ici, c’est la post-production qui est à l’honneur. On oublie le scotch, la matière brute, originelle, pour passer au traitement de l’image sur logiciel. Combien de versions, de tâtonnements, d’expérimentations pour une seule image ? Passant de l’image brute de la planche au scanner et aux pixels, cet œil infatigable semble ne connaître aucune limite, aucun repos, toujours en quête d’une nouvelle trouvaille et toujours à l’affût et à l’écoute de ces petits accidents dans la réalisation, de ces erreurs involontaires qui, parfois, amènent la poésie ou l’émotion qui se dérobaient jusque-là. La concentration confine au zen chez cet amateur d’arts asiatiques, attiré par l’épure et par le travail sur le geste, développant dans son œuvre une capacité à saisir l’insaisissable, un instant de bascule qui, d’une belle image, va faire une image forte. Des heures de travail en silence, souvent la nuit, parfois nourries d’une lumière presque "mystique" tombant de la lune sur les grands arbres du parc du Chalet…
Sur le grand écran de son ordinateur, je découvre le projet qu’il se faisait un point d’honneur de finaliser lors de sa résidence : un magnifique "book art" de 120 pages où il a sélectionné quelques planches qui représentent ses six dernières années de travail et qui pourrait être un précieux sésame pour la prestigieuse et incontournable Foire internationale du livre jeunesse de Bologne. D’une page à l’autre les images semblent se tenir la main comme les phrases d’une histoire ou d’un conte, entre continuité et rupture, tension dramatique et apaisement. Le silence dans lequel se fait cette lecture d’images est imposé par Nicolas qui propose de répondre aux questions après le visionnage et non pendant. Illustration parfaite de ses deux facettes entre volubilité et agitation bouillonnante d’une part, concentration et silence absolu d’autre part. "Je rêve de me taire", confiera-t-il plus tard en mettant le doigt sur la photo de son profil sur son compte Instagram le représentant la bouche couverte d’un scotch. En attendant, cet entretien fleuve est un festival d’informations, de références qui se percutent comme dans un flipper fou : Basquiat côtoie Norman Ackroyd et Leo Lionni se frotte à Soulages, les noms de ses illustratrices ou illustrateurs jeunesse favoris fusent à travers la pièce, il souligne ses propos d’un extrait de Journey, le jeu vidéo culte qui l’émerveille par la poésie de son univers tout en disant sa fierté d’être soutenu dans sa création par Aurore de La Morinerie, célèbre illustratrice courtisée par l’univers du luxe et de la mode. Un geste, une coiffure, une couleur, tout fait bois chez celui qui selon ses propres termes vient du monde de "la tache".
Dans la lumière blonde du bureau où nous nous retrouvons pour l’entretien qui marque la fin de sa résidence, Nicolas Lacombe est, comme toujours en public, un parangon d’enthousiasme. Cet artiste passionné, très volubile, ne semble pas avoir besoin de respirer tant ses phrases s’enroulent. Pourtant, elles ne vont pas assez vite pour suivre son bouillonnement intérieur. Alors qu’il était très disert quant à sa technique lors de nos précédents échanges, il coupe court assez vite sur la question du "comment c’est fait". Ici, c’est la post-production qui est à l’honneur. On oublie le scotch, la matière brute, originelle, pour passer au traitement de l’image sur logiciel. Combien de versions, de tâtonnements, d’expérimentations pour une seule image ? Passant de l’image brute de la planche au scanner et aux pixels, cet œil infatigable semble ne connaître aucune limite, aucun repos, toujours en quête d’une nouvelle trouvaille et toujours à l’affût et à l’écoute de ces petits accidents dans la réalisation, de ces erreurs involontaires qui, parfois, amènent la poésie ou l’émotion qui se dérobaient jusque-là. La concentration confine au zen chez cet amateur d’arts asiatiques, attiré par l’épure et par le travail sur le geste, développant dans son œuvre une capacité à saisir l’insaisissable, un instant de bascule qui, d’une belle image, va faire une image forte. Des heures de travail en silence, souvent la nuit, parfois nourries d’une lumière presque "mystique" tombant de la lune sur les grands arbres du parc du Chalet…
Sur le grand écran de son ordinateur, je découvre le projet qu’il se faisait un point d’honneur de finaliser lors de sa résidence : un magnifique "book art" de 120 pages où il a sélectionné quelques planches qui représentent ses six dernières années de travail et qui pourrait être un précieux sésame pour la prestigieuse et incontournable Foire internationale du livre jeunesse de Bologne. D’une page à l’autre les images semblent se tenir la main comme les phrases d’une histoire ou d’un conte, entre continuité et rupture, tension dramatique et apaisement. Le silence dans lequel se fait cette lecture d’images est imposé par Nicolas qui propose de répondre aux questions après le visionnage et non pendant. Illustration parfaite de ses deux facettes entre volubilité et agitation bouillonnante d’une part, concentration et silence absolu d’autre part. "Je rêve de me taire", confiera-t-il plus tard en mettant le doigt sur la photo de son profil sur son compte Instagram le représentant la bouche couverte d’un scotch. En attendant, cet entretien fleuve est un festival d’informations, de références qui se percutent comme dans un flipper fou : Basquiat côtoie Norman Ackroyd et Leo Lionni se frotte à Soulages, les noms de ses illustratrices ou illustrateurs jeunesse favoris fusent à travers la pièce, il souligne ses propos d’un extrait de Journey, le jeu vidéo culte qui l’émerveille par la poésie de son univers tout en disant sa fierté d’être soutenu dans sa création par Aurore de La Morinerie, célèbre illustratrice courtisée par l’univers du luxe et de la mode. Un geste, une coiffure, une couleur, tout fait bois chez celui qui selon ses propres termes vient du monde de "la tache".
"Arrivé avec un projet finalement mis de côté, il rencontre Thomas Scotto, auteur en résidence lui aussi, et de leurs échanges se dessine le projet de La métamorphose de Loïe Fuller…"
Lauréat presque par accident, à la faveur d’une conversation dans un aéroport qui lui fait découvrir l’appel à résidence au Chalet, Nicolas Lacombe mesure le chemin parcouru en deux mois. Il mesure aussi le confort matériel et la sérénité que lui apporte cette parenthèse dans une activité peu rémunératrice au statut précaire ; pendant deux mois, il a pu s’adonner à la pure création où seule compte la façon dont il va pouvoir s’exprimer, même si elle ne correspond plus au dessein originel. Arrivé avec un projet finalement mis de côté, il rencontre Thomas Scotto, auteur en résidence lui aussi, et de leurs échanges se dessine le projet de La métamorphose de Loïe Fuller, qui devrait voir le jour en juillet 2019 dans la collection Le pont des arts aux éditions de l’Élan vert. Quel meilleur endroit pour leur hommage à la danseuse Loïe Fuller qu’une collection dédiée à la découverte des arts par la fiction ?
Loïe Fuller a commencé à émerger sous le scotch taillé au cutter de Nicolas Lacombe : une silhouette déterminée qui ne demande qu’à retrouver les ailes qui l’ont rendue célèbre à la fin du XIXème siècle et à converser avec les mots choisis de Thomas Scotto. Nul ne sera étonné de voir Nicolas inspiré par cette artiste qui révolutionna en son temps les arts de la scène en utilisant les inventions les plus récentes en matière d’éclairage pour créer des formes et des effets tout à fait inédits. Loïe Fuller, femme libre et scandaleuse pour beaucoup de ses contemporains, a commencé une nouvelle vie au Chalet Mauriac et sans doute cette égérie de Mallarmé et des symbolistes aurait-elle été curieuse de voir quel medium était utilisé pour faire renaître ses chorégraphies et sa vie. Quant à Nicolas Lacombe, souhaitons-lui de réaliser son rêve, "d’être dans sa vie comme dans son scotch", et même d’habiter un jour "la maison Clémentine", maison rêvée comme le lieu de la sérénité et du calme, avec l’océan pour seul horizon.
Loïe Fuller a commencé à émerger sous le scotch taillé au cutter de Nicolas Lacombe : une silhouette déterminée qui ne demande qu’à retrouver les ailes qui l’ont rendue célèbre à la fin du XIXème siècle et à converser avec les mots choisis de Thomas Scotto. Nul ne sera étonné de voir Nicolas inspiré par cette artiste qui révolutionna en son temps les arts de la scène en utilisant les inventions les plus récentes en matière d’éclairage pour créer des formes et des effets tout à fait inédits. Loïe Fuller, femme libre et scandaleuse pour beaucoup de ses contemporains, a commencé une nouvelle vie au Chalet Mauriac et sans doute cette égérie de Mallarmé et des symbolistes aurait-elle été curieuse de voir quel medium était utilisé pour faire renaître ses chorégraphies et sa vie. Quant à Nicolas Lacombe, souhaitons-lui de réaliser son rêve, "d’être dans sa vie comme dans son scotch", et même d’habiter un jour "la maison Clémentine", maison rêvée comme le lieu de la sérénité et du calme, avec l’océan pour seul horizon.